» Il y a plus compliqué qu’Anderlecht « 

Felipe Gedoz (21), l’avant brésilien du Club Bruges, n’oublie pas que c’est l’Uruguay qui lui a donné sa chance. Au point qu’il se dit prêt à jouer pour l’équipe nationale de ce pays si on y fait appel à lui.

Le Club Bruges a beau être leader, MichelPreud’hommene relâche pas la pression. Jusqu’en mars, plus aucun jour de congé n’est prévu.  » Je suis un peu fatigué « , admet le Brésilien FelipeGedoz(21), qui aurait pu bénéficier d’au moins une journée de repos si l’arbitre l’avait exclu pour un coup donné à JohnJairoRuiz contre Ostende.  » Certains ont trouvé que j’avais été trop agressif mais il me tirait par le maillot. Quand je suis tombé, mon intention n’était pas de le toucher mais il est tombé sur moi et j’ai tenté de me dégager (il soupire). On n’a pas la même impression selon que l’on voit la phase à la télévision ou dans le stade. Je n’ai pas trouvé que j’étais agressif mais beaucoup pensent le contraire.  » (il sourit).

C’était juste avant la pause. L’entraîneur vous a-t-il dit quelque chose à la mi-temps ?

Oui, il m’a demandé de me calmer car l’arbitre avait déjà exclu un adversaire et il craignait qu’il cherche un prétexte pour exclure quelqu’un de chez nous.

Que pensez-vous de l’arbitrage belge ?

Il est parfois bizarre mais c’est partout pareil. En Uruguay aussi, on avantage souvent les grands clubs.

Contre Ostende, vous avez également inscrit un superbe but. Etait-ce instinctif ou est-ce quelque chose que vous répétez ?

Je ne vais pas dire que je voulais absolument marquer de la sorte mais quand j’ai vu arriver le centre, je me suis dit : C’est maintenant ! Le gardien m’a donné un coup de main mais l’envoi était beau. J’essaye toujours de mettre de la technique et de la vitesse dans mon jeu car le football, ce n’est pas tout le temps courir et aller au duel : j’aime me faire plaisir. C’est ma responsabilité. Je suis un Brésilien. Quand je faisais des trucs comme ça en Uruguay, on m’aurait tué (il rit).

Le tout est de placer ces trucs intuitifs dans un schéma. Cela pose-t-il des difficultés à l’entraîneur ?

Je ne crois pas. Dans les moments difficiles, ça peut aider. Mais le Club se porte bien, nous nous connaissons bien. Le coach me parle beaucoup. On ne m’a pas acheté pour défendre mais pour attaquer. N’empêche que si vous regardez bien les images, vous verrez qu’en contre-attaque, je pars toujours de très bas. Cela veut dire que j’effectue mon boulot défensif. Mais quand j’ai le ballon, je suis plus libre. Alors, j’essaye de combiner la joie de jouer avec les responsabilités et l’engagement.

Chez Aspire au Qatar

Vos statistiques sont excellentes pour une première saison. On dirait que vous vous êtes intégré sans problème.

Je pensais que ce serait plus difficile. Quand on débarque en Europe, on a besoin d’un temps d’adaptation. J’ai joué dans un schéma tactique similaire en Uruguay et ça m’a beaucoup aidé. Restait à m’adapter à la vie de tous les jours mais Bruges est une ville fantastique.

Vos parents habitent-ils avec vous ?

Ils sont repartis mais ils vont revenir. Tout seul, c’est compliqué. On réfléchit trop. J’ai besoin d’avoir des gens autour de moi.

A onze ans, pourtant, vous aviez quitté la maison pour aller vivre chez un ami.

Mon père jouait au football et avait dû mettre un terme à sa carrière à cause d’une blessure. J’ai voulu lui permettre de vivre son rêve à travers moi. C’est pourquoi j’ai quitté la maison à onze ans. Entouré d’amis mais sans mes parents. Même quand je suis parti au Qatar à l’âge de 13 ans. Mes parents m’ont cependant toujours manqué. Dix ans plus tard, je n’y suis toujours pas habitué.

Vous êtes fils unique ?

Oui.

Qu’avez-vous retenu du Qatar ?

Une aventure incroyable. J’étais meilleur buteur au Brésil et des Qataris l’avaient remarqué. Ils effectuaient un genre de sélection de jeunes Brésiliens. Nous sommes partis à six, nous ne nous connaissions pas. Nous avons alors intégré l’académie Aspire et nous avons joué contre Feyenoord, Tottenham, Everton, le Real Madrid. Leurs installations couvertes sont impressionnantes. Le problème, c’était la nourriture. Nous mangions beaucoup au petit-déjeuner parce que nous n’aimions pas le reste.

Un des Brésiliens qui vous accompagnaient a-t-il percé ?

Pas la moindre idée. Je suis encore ami sur Facebook avec l’un d’entre eux mais il ne joue plus. Moi, heureusement, quand on m’a laissé partir, j’ai pu retourner dans mon ancien club.

Self made player

Parlez-nous de votre jeunesse.

Pour faire court : je passais ma journée sur un terrain. A six ans, je jouais avec des gens qui avaient le double de mon âge. Je me demandais parfois ce que je faisais avec eux mais j’ai beaucoup appris. Quand on joue avec des plus âgés, on doit réfléchir et on souffre physiquement.

Vous jouiez parfois avec votre père ?

Je ne me souviens pas l’avoir vu jouer et il ne m’a jamais entraîné. J’ai tout appris tout seul.

Vous n’avez pas été formé dans un club mais est-ce une tare ? Les clubs brésiliens ne sont pas réputés pour cela.

Au Brésil, il faut surtout avoir un bon agent, sans quoi c’est compliqué. J’ai passé un test à Flamengo. C’était bon mais j’ai dû laisser la place au neveu de Bebeto, au fils de Romario et au cousin d’Adriano.

Votre père n’avait pas de relations ?

Non. Il travaillait dur et n’avait pas le temps. Il connaissait certaines personnes, il avait eu LuizFelipeScolaricomme entraîneur mais ça ne garantit rien. J’ai dû me faire tout seul. Après, quand j’ai eu un agent, tout est allé plus vite. Il m’a emmené en Uruguay et tout s’est enchaîné. Aujourd’hui, j’ai même deux managers : un en Uruguay et un au Brésil. Ce n’est pas grâce à eux mais grâce à mes prestations que je suis ici. Par contre, ils m’ont aidé à avoir ce que je voulais. Croyez-moi, il y a de très bons joueurs au Brésil. Même meilleurs que moi. Mais ils n’ont pas cette chance. Sur Facebook, beaucoup d’entre eux me demandent de les aider. Mais je ne suis pas agent.

Comment avez-vous vécu la Coupe du monde ?

Pour notre football, ce fut un peu la honte. Pas seulement à cause du 1-7 contre l’Allemagne. Avant, déjà, ce n’était pas bon. Nous étions en stage en Argentine et nous supportions la Belgique. Pour nous, elle avait de bonnes chances de s’imposer. Mais les Allemands nous ont surpris.

Double nationalité

Juste avant de venir à Bruges, vous aviez failli être sélectionné en équipe nationale d’Uruguay. Entre-temps, vous avez été repris en équipe olympique brésilienne. Heureux d’avoir dit non à votre pays d’adoption ?

L’identité, c’est une chose. La carrière sportive, c’est est une autre. Il me sera très difficile d’arriver en équipe A du Brésil, tout le monde le sait. En Uruguay, par contre… Il n’y a que trois millions d’habitants. Je ne dis pas non au Brésil mais si l’Uruguay m’appelle, j’accepte.

Etes-vous naturalisé ?

Pas encore mais en mai, j’y retourne pour obtenir mon passeport. Je comprends que vous trouviez ça bizarre mais c’est l’Uruguay qui m’a fait connaître et je ne l’ai pas oublié.

Anderlecht sera sans doute votre plus grand rival pour le titre. Quelle impression vous fait-il ?

C’est le club le plus connu de Belgique mais, pour moi, c’est une équipe comme les autres. Il y a beaucoup d’individualités mais j’ai l’impression que certains adversaires sont plus difficiles. Comme Gand, une équipe bien organisée et rapide en contre. Pour moi, Anderlecht n’est pas le seul adversaire difficile. Malines nous a fait souffrir. Les plus petites équipes vous laissent moins d’espaces.

Vous vous réjouissez d’arriver aux play-offs ?

Oui, c’est là qu’on doit se montrer. Je n’aime pas cette histoire de division des points. A cause de cela, les play-offs, c’est dix finales.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS: BELGAIMAGE/ KETELS

 » Je préférerais jouer pour le Brésil mais si l’Uruguay m’appelle, je dis oui.  »

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