» Il y a beaucoup d’argent dans le foot angolais « 

Après un an passé en Angola, le technicien congolais est de retour à Mons avec une seule mission : éviter la culbute en D2.

On en parlait depuis longtemps dans les travées du Tondreau et c’est enfin fait : Zola Matumona est de retour à Mons. Après un an passé dans le club de Primeiro de Agosto, en Angola, l’ex-passeur attitré de Jérémy Perbet a paraphé, début de semaine dernière, un contrat de six mois en faveur des Dragons. L’occasion pour Sport/Foot Magazine de retrouver le sympathique Congolais, non loin de chez lui, au coeur de la capitale.

Accompagné de son agent, Luc Mangala, l’habile gaucher est déterminé à mener à bien la mission sauvetage de l’Albert.  » Dans le vestiaire, on ne parle que de ça : le maintien « , explique Zola.  » Le groupe est loin d’être abattu. On va se battre jusqu’au bout pour éviter les PO3 mais si on doit les jouer, on le fera à fond et Mons restera en première division.  »

Tu n’avais plus joué depuis novembre. Tu en es où physiquement ?

En Angola, on travaillait très bien à ce niveau-là. A la fin du championnat, j’ai passé un mois au Congo mais je ne me la suis pas coulé douce, j’ai travaillé dur. Je voulais revenir en Belgique et être prêt pour la reprise. J’ai passé des tests physiques la semaine dernière et ça s’est bien passé. Ce que je dois retrouver maintenant c’est le rythme des matches de compétition et il n’y a qu’en jouant que je peux l’acquérir.

Qu’est-ce que tu peux apporter à cette équipe de Mons ?

Je peux apporter mes qualités techniques, ma faculté à donner la passe décisive. Mais je ne vais pas sauver Mons tout seul.

Tu suivais Mons depuis l’Angola ?

Oui, bien sûr. J’étais souvent en contact avec la Belgique et puis je voyais les résultats sur internet, je regardais les résumés de matches. Evidement j’étais déçu pour mon club mais ce n’est pas fini. Il y a encore neuf rencontres à jouer donc il faut rester calme.

 » Je voulais revenir dans mon club  »

Tu voulais absolument retourner à Mons ?

Oui, je n’ai jamais pensé aller ailleurs. Je voulais revenir à Mons. Dans mon club. J’aurais pu rester en Angola, plusieurs équipes du championnat me voulaient là-bas mais je ne voulais pas créer de polémique en passant de l’un à l’autre. Je voulais rentrer en Belgique.

Ton transfert a mis du temps à se concrétiser.

Oui, j’étais encore lié pour un an à Primeiro de Agosto. Ils m’ont payé cher l’année dernière (NDLR : 500.000 euros) donc ça n’a pas été simple de rompre le contrat. Dans un premier temps, ils voulaient seulement me prêter mais je ne voulais pas. C’est une situation qui ne me convient pas. Finalement on a trouvé un accord à l’amiable. Tant mieux.

Tu as signé un contrat de six mois sans option. C’est une volonté de ta part ou de la direction ?

C’est le club qui décide. Je suis venu négocier, le président m’a proposé six mois, j’ai accepté. Je n’allais pas réclamer un contrat plus long. Mon ambition c’était uniquement de rejouer pour Mons donc un contrat de six mois me convient.

Tu penses quoi de l’équipe actuelle par rapport à celle que tu as quittée il y a un an ?

Je n’ai vu que des résumés pendant ma période en Angola et je ne suis pas là depuis suffisamment longtemps pour avoir un jugement sur le niveau de l’équipe. Après, j’ai retrouvé une partie des joueurs qui étaient déjà là il y a un an comme par exemple Mustapha Jarju ou encore Nicolas Timmermans et Arnor Angeli avec qui je fais les trajets jusque Mons depuis Bruxelles. Je connaissais aussi Joachim Mununga avec qui j’ai joué en équipe nationale du Congo. Et puis, il y a d’autres nouveaux que je vais découvrir petit à petit.

Sur le flanc gauche que tu occupais, il y a maintenant Richard Soumah. C’est plutôt dans l’axe qu’il y a une place à prendre désormais ?

Peut être. On est un groupe de 25 joueurs et on veut tous jouer pour sauver le club donc peu importe le poste que je serai amené à occuper.

On a parfois expliqué les mauvais résultats de Mons par ton départ et celui de Jérémy Perbet, tu en penses quoi ?

Pour moi, il y a eu trop de changements dans le noyau. Pour que ça fonctionne bien en football, il faut de la stabilité mais bon il y a des offres qui sont faites, des enjeux financiers. Un club doit aussi savoir vendre ses joueurs quand il le peut pour faire rentrer de l’argent dans les caisses.

 » Luanda, c’est comme une ville européenne  »

Qu’est-ce qui a motivé ton départ en Angola il y a un an ? L’aspect financier ?

Bien sûr, c’était intéressant financièrement pour moi et pour Mons qui a aussi touché beaucoup d’argent. Au départ, je ne voulais pas partir, je ne connaissais pas le pays. Ma femme ne voulait pas que je parte, les dirigeants de Mons non plus. Finalement les clubs se sont quand même mis d’accord. Les dirigeants angolais m’ont fait une très belle offre et en concertation avec mon agent, on a décidé que je partais.

Comment tu expliques qu’un club angolais paye mieux qu’un club européen comme Mons ?

Il y a beaucoup d’argent dans le foot en Angola. Le pays a du pétrole et par conséquent de nombreuses ressources financières. La différence principale c’est qu’en Belgique, les clubs comme les joueurs sont taxés. Ce n’est pas le cas en Angola. Le salaire que le club te donne est entièrement pour toi, c’est du net.

Tu étais déjà allé en Angola avant ton transfert ?

Non jamais. Mais bien que je sois né au Congo et que j’y ai vécu, mes deux parents sont d’origine angolaise, j’ai encore de la famille là-bas. C’est un peu mon pays aussi. C’était un choix logique d’aller là-bas.

On connaît très mal l’Angola en Belgique, et l’image dont on se souvient c’est la fusillade du bus togolais pendant la CAN 2010. Ça ne t’a pas fait peur d’aller là-bas ?

Non parce que cette fusillade a eu lieu dans la province de Cabinda alors que je vivais dans la capitale, Luanda. C’est une province éloignée. Dans le reste du pays, il n’y a pas de problèmes de sécurité.

Comment s’est passée ton intégration ? Tu ne parlais pas portugais ?

Pas en arrivant là-bas mais après trois mois, je le comprenais et au bout de cinq mois je commençais à parler. Maintenant je maîtrise une langue de plus. Mon grand frère vivait avec moi et puis j’ai retrouvé Dieudonné Kalulika avec qui j’ai joué au Brussels.

C’est comment la vie à Luanda ?

Etonnamment, la vie est très chère. Sauf pour l’essence. Tu fais un plein avec 20 dollars alors qu’ici avec 20 euros, tu ne vas pas loin. Le pays est en plein boom économique. Ce qui m’a surpris c’est à quel point Luanda ressemblait à l’Europe, je ne m’attendais pas à ça. Je n’étais pas vraiment dépaysé.

Et au niveau des infrastructures ?

Il y a eu la CAN en Angola en 2010 qui leur a permis de construire quatre stades modernes. Nous on jouait dans un stade de 50.000 places. Malheureusement, l’Angola n’est pas vraiment un pays de foot, ils sont plus passionnés de basket donc il n’y a pas tant de supporters que cela dans les stades mais ils veulent populariser le sport et mettre en place un championnat de haut niveau. Ma venue là-bas faisait aussi partie de ça : attirer des internationaux pour populariser le foot. D’ailleurs, Trésor Mputu (ndlr, international congolais longtemps en contact avec le Standard) vient de signer en Angola dans le club champion, Kabuscorp.

 » Maintenant, tout le monde me connaît en Angola  »

Et quel est le niveau du championnat angolais ?

Je dirais que c’est l’équivalent de la D2 belge. C’est un jeu très physique. C’est difficile pour moi dans ces conditions d’exprimer mes qualités qui reposent plutôt sur la technique mais je me suis adapté. J’étais titulaire, j’ai donné pas mal d’assists. C’est ma force. Je le faisais déjà avec Jérémy Perbet et maintenant il est à Villarreal. Je suis content pour lui. Aujourd’hui, il joue contre Messi, je ne pense pas qu’il pensait cela un jour possible.

Vous avez terminé deuxième, ça a été considéré comme un échec au club.

Oui, on visait le titre. Mais il y a beaucoup de corruption dans le championnat et Kabuscorp qui a été champion en a profité. Nous on gagnait sur le terrain. Eux pas toujours.

Finalement l’aventure s’est mal terminée…

En cours de saison, le club a changé d’entraîneur et le nouveau coach, Dauto Faquira, ne m’aimait pas. Même quand je jouais bien, il me sortait à trente minutes de la fin. Je ne comprenais et quand je lui demandais des explications, il me disait qu’il était le coach et que c’était à lui de décider. A la fin de la saison, on a quand même eu un entretien où je lui ai demandé de me parler franchement. Je voulais savoir à quoi m’en tenir. On est arrivé à la conclusion qu’on ne s’entendait pas et donc il était mieux que je m’en aille. Il faut dire aussi que beaucoup d’argent circule dans le foot en Angola et que chaque club n’a droit qu’à cinq étrangers. Je crois qu’il voulait faire venir ses propres joueurs pour prendre des commissions.

Tu n’as pas pensé rester et te contenter d’empocher ton salaire ?

Ah non, ça ne m’intéresse pas. Pour moi c’est le football d’abord. Toucher l’argent sans jouer ça ne sert à rien. Moi je veux être correct avec tout le monde. Je joue, je suis payé. Je ne joue pas pas, je ne vais pas rester à ne rien faire et attendre mon salaire, je n’ai jamais fait ça.

Avec le recul comment tu vois ton année là-bas ? Tu le referais ?

Je ne regrette rien s’il n’y avait pas eu de changement de coach j’y serais probablement toujours. D’un autre côté, revenir ici est aussi une bonne chose pour moi. Il y a ma famille, mes proches… Je garde quand même de très bons souvenirs. J’ai joué la Ligue des Champions africaine où j’ai d’ailleurs croisé Hocine Ragued qui joue maintenant à l’Esperance Tunis et puis j’étais vraiment considéré comme une vedette là-bas. Les supporters m’aimaient beaucoup. A mon arrivée, j’étais dans tous les journaux. Si tu parles de moi en Angola maintenant tout le monde me connaît.

Tu as 32 ans…

Non, 30 ans. C’est une erreur qui remonte à longtemps. Quand je suis passé des équipes nationales de jeunes à l’équipe A, un secrétaire a marqué dans les papiers que j’étais né en 1981 alors que je suis né en 1983. Depuis, on trouve souvent l’erreur sur internet. Mais bon, c’est comme ça, c’est l’Afrique !

Donc tu as 30 ans, qu’est-ce que tu espères encore de ta carrière ?

Je veux être sur les terrains pendant encore trois ans. Mais j’ai beaucoup joué, ça fait 11 ans que je suis en équipe nationale. Je ne sais pas encore très bien ce que je ferai après. Sans doute encadrer des jeunes, manager des joueurs. Comme j’ai des contacts en Europe, ça peut m’aider. Je pense que je serai à moitié au Congo et à moitié en Belgique. Il y a de bons joueurs au pays, je vais déjà essayer de les repérer et puis pourquoi pas les faire venir à Mons.

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ DIEFFEMBACQ

 » Je crois que le coach voulait faire venir ses propres joueurs pour prendre des commissions.  »

 » Toucher l’argent sans jouer ça ne sert à rien.  »

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