« IL VIT SON RÊVE « 

A la découverte de l’homme qui se cache derrière le fils de Jean-François De Sart.

L’élégance naturelle, l’intelligence dans le jeu, l’art d’envoyer des caviars à 40 mètres, l’art aussi de marquer peu mais de marquer bien (des buts qui valent le déplacement), le discours posé, tout ça on connaît. C’est la face visible de Julien De Sart. Le footballeur qui revit depuis l’arrivée de José Riga à la tête du Standard. Et si on grattait la carapace ? Et si on s’intéressait à la personnalité du joueur ? Anecdotes très perso.

Julien De Sart vient au monde fin 1994 quand son père joue sa dernière saison, avec Liège. Dès qu’il arrête, Jean-François devient entraîneur de sélections de jeunes à la Fédération. Il fait aussi du scouting pour les Diables Rouges et c’est comme ça que Julien découvre le foot. Il accompagne régulièrement son père dans les stades, en Belgique mais aussi en France et en Allemagne notamment.  » Très vite, il a été à fond dedans « , se souvient Jean-François. Julien s’affilie à Waremme à cinq ans. Il va aussi goûter un peu au basket, au tennis, à la gymnastique et à l’équitation, mais c’est le foot qui le branche. Après certains matches internationaux, il a l’occasion de rencontrer les joueurs. Après un Belgique – France à Bruxelles, il repart avec les maillots de Zinédine Zidane et de Patrick Vieira. Plus tard, il sera photographié avec Fabien Barthez lors d’une visite de l’ancien gardien des Bleus à Liège.

Witsel dans son berceau

Les familles De Sart et Witsel se connaissent depuis longtemps. Quand Thierry Witsel, le père d’Axel, joue à Waremme, son coach est le beau-frère de Jean-François De Sart. Ça crée des liens. Et c’est ainsi que Julien fait la connaissance d’Axel  » dans son berceau « , dit Jean-François.  » Les Witsel venaient chez nous.  » A l’Académie du Standard, Thierry Witsel sera le premier entraîneur d’Alexis, le plus jeune des deux fils De Sart, et il coachera aussi Julien. Axel lui a offert un maillot de chaque équipe avec laquelle il a joué : Standard, Benfica, Zenit, Diables Rouges. Avant de quitter le cocon familial pour s’installer dans un appartement à Liège avec sa copine étudiante, c’étaient les plus beaux trophées de sa chambre. En 2014, quand le Standard tire le Zenit en préliminaires de la Ligue des Champions, Julien est touché au genou et prie pour être rétabli à temps au moment de ces deux matches, histoire d’affronter son pote. Sans succès, il n’est pas guéri à temps.

Deux frères, deux internationaux

Les frères jouent à Waremme. A 12 ans, alors qu’il fait partie de la sélection provinciale, Julien est repéré par le Standard. Ils partent tous les deux à l’Académie. Parmi les joueurs de cette sélection liégeoise, il y a aussi Junior Edmilson (aujourd’hui à Saint-Trond), fils de l’ancien joueur de Seraing et du Standard. Et le fils d’AndréBinet, ancien coéquipier de Jean-François De Sart à Liège. Julien et Alexis intègrent le foot-études du Standard. Aujourd’hui, Alexis a 18 ans et est international, Julien (20 ans) joue avec les Espoirs de Johan Walem. Deux médians défensifs.  » Leur profil n’est pas identique mais le moule est le même « , dit Jean-François.  » Leur jeu de position, leur lecture du jeu et leur passing les rapprochent.  »

Au niveau des études, Julien a tenté brièvement la combinaison marketing / foot mais il a décroché après six mois parce qu’il ne pouvait pas assister suffisamment aux cours en étant passé professionnel. Alexis a entamé en septembre dernier une formation en communication à l’université de Liège, il jongle avec les cours et les entraînements. Lui aussi est maintenant sous contrat, il s’entraîne et joue avec les U21.

Cissé, Mbombo, Lumanza,…

Dans la levée de Julien De Sart, le pourcentage de joueurs qui sont devenus pros est impressionnant. Il était donc chez les jeunes Rouches avec Junior Edmilson, mais aussi avec Tortol Lumanza, Guillaume Hubert, Yannis Mbombo (Auxerre), Jonathan D’Ostilio (Eupen), Ibrahima Cissé (Malines), Joris Kayembe (Porto). De Sart, Cissé et Kayembe font aujourd’hui partie du groupe de Johan Walem.

 » Sa première sélection a été un moment particulier pour lui « , explique Jean-François.  » Les souvenirs les plus forts qu’il a de ma carrière dans le foot sont ceux de la période où j’entraînais les Espoirs, au moment de l’EURO et des Jeux de Pékin. Cette saison, il a eu une impression bizarre quand il a joué avec le Standard contre le Cercle. Il a affronté Maarten Martens, qui était mon capitaine aux JO.  »

Fils du patron

Jean-François De Sart devient directeur de l’Académie quand ses fils sont en équipes de jeunes du Standard. Une situation pas toujours simple à gérer. Ni pour les enfants, ni pour le père. Jean-François :  » A la fin de chaque saison, il fallait faire un tri, choisir les gamins qui pouvaient rester et informer les autres que le club ne les conserverait pas. Forcément, ceux qui devaient partir avaient un goût amer. Il y avait de la rancoeur chez certains parents. Je n’ai jamais entendu de commentaires sur le fait que mes enfants étaient les fils du patron du centre de formation et qu’ils étaient donc soi-disant avantagés mais je sais qu’on en faisait dans notre dos. J’ai toujours su faire la part des choses. Si Julien et Alexis ont pu rester, c’est parce qu’ils avaient le niveau du Standard. Dans chacune de leurs équipes, ils ont été appréciés pour ce qu’ils montraient sur le terrain et pour leurs qualités en dehors, pour leur comportement. La suite de leur parcours a prouvé qu’ils méritaient de rester à l’Académie. Ce n’était pas un scandale !  »

Julien De Sart signe son premier contrat pro à 16 ans, en même temps que quatre autres jeunes : Deni Milosevic, Corentin Fiore, Anil Koc et Stefano Delogu. De cette bande, il est de loin le plus avancé dans son développement.

Minsk, Mons, temps forts de sa saison 1

L’été 2013 de Julien de Sart est chahuté, perturbé. Guy Luzon débarque et l’appelle dans le noyau pro pour la reprise parce que des joueurs confirmés ont reçu quelques jours de congé supplémentaires. Il fait le stage aux Pays-Bas. Quand les retardataires reviennent, Luzon le renvoie en U21. Il est à deux doigts de quitter définitivement le Standard.  » Vitesse Arnhem voulait l’acheter « , se souvient son père.  » Ils étaient très insistants.  » Il y a plusieurs réunions entre les dirigeants hollandais et Roland Duchâtelet, qui demande trop d’argent et finit par les décourager. Jean-François :  » Julien a mal vécu cet épisode parce qu’il se retrouvait en Espoirs du Standard alors que le staff de Vitesse voyait en lui un titulaire, dans un championnat qui lui aurait convenu. Dans sa tête, tout était clair, il n’y avait pas photo entre les deux situations, il devait partir.  »

Le vent tourne trois jours avant l’entrée du Standard en Europa League. Il y a des absents, Luzon va le rechercher en U21 et le fait jouer à Minsk, en Biélorussie. Ses premières minutes officielles en Rouche puisqu’il n’a encore jamais joué en championnat.  » Un contexte idéal « , dit son père.  » L’adversaire était abordable, il n’y avait pas grand monde dans le stade, et c’est toujours plus facile pour un fils de quand il peut faire ses débuts ailleurs qu’à Sclessin. On n’en a pas parlé mais c’est clair qu’il y avait toujours le risque de subir le même traitement que le fils de Dominique D’Onofrio, qui avait été hué quand son père lui avait donné quelques minutes de jeu à domicile.  » Trois jours après Minsk, il fait ses débuts en championnat, à Mons, et prend deux cartes jaunes. C’est aussi contre Mons, en novembre, qu’il marquera son premier but pro.

Xabi Alonso

 » Julien De Sart me fait penser à Xabi Alonso  » : signé Jelle Van Damme. Même si c’est dit sur le ton de la plaisanterie, ça lui fait plaisir au moment où c’est repris par les journaux. Entre lui et Van Damme, le courant est vite passé. C’est l’un des joueurs dont il est le plus proche. Plus généralement, il semble avoir plus d’atomes crochus avec les aînés qu’avec les jeunes. Il discute plus facilement avec Igor de Camargo qu’avec un coéquipier de son âge. Et avant le départ de Laurent Ciman pour le Canada, ils faisaient chambre commune lors des mises au vert. Aujourd’hui, le compagnon de nuit de Julien De Sart est Dino Arslanagic.

In : De Sart ; Out : De Sart

Fin juin 2014, Julien De Sart signe une prolongation jusqu’en 2019. Deux jours plus tard, Jean-François quitte le club parce qu’il n’a pas trouvé d’accord avec Roland Duchâtelet pour une prolongation de son contrat à lui.  » Tout est allé très vite « , se souvient-il.  » J’avais deux négociations à mener en même temps. J’assistais aux discussions concernant le contrat de Julien, pas comme directeur sportif mais en tant que père et conseiller. J’étais obligé de me trouver de l’autre côté de la barrière, je n’agissais pas en tant que décideur de mon club. Tout était bien balisé, il n’y avait pas d’ambiguïté avec le président sur ce sujet.  »

Restait, pour Jean-François, à s’occuper ensuite de son propre avenir.  » Quelques heures avant de négocier le nouveau contrat de Julien, j’ai encore rencontré Roland Duchâtelet pour parler de mon cas. On discutait depuis plusieurs semaines, on n’était pas d’accord sur tout, mais dans mon esprit, il y avait toujours la possibilité de s’entendre. Le lendemain, il m’a dit : -On arrête, on en reste là. Je ne dis pas que c’était une surprise totale, mais au moment où on s’est mis d’accord sur la prolongation de Julien, je me voyais plus rester au Standard que quitter le club.  » La famille n’a pas craint de dommages collatéraux pour le fils.  » A nouveau, on a tous su faire la part des choses « , dit Jean-François.  » Le dossier de Julien et le mien n’étaient pas liés. Je n’ai jamais imaginé que mon désaccord avec le président puisse se retourner contre lui.  » Puis, cette confidence :  » Finalement, mon départ, c’était sans doute la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Je pense que ça lui a enlevé un poids. On en a discuté franchement et conclu que c’était mieux pour lui que je ne sois plus là. Ma présence n’était pas un frein pour son épanouissement au Standard, mais au moins, les choses sont maintenant claires et il n’y a plus de sous-entendus de gens qui cherchaient la petite bête.  »

 » Duchâtelet démission « ,  » Luzon démission « ,  » De Sart démission  »

Ces banderoles déployées à Sclessin du temps de la contestation, Julien De Sart n’en a pas trop souffert. Des supporters réclamaient le départ du président, du coach et du directeur sportif.  » Mes fils ont quand même clairement plus souffert de mon nom quand j’étais au Standard que quand j’entraînais l’équipe qui est arrivée en demi-finales des Jeux de Pékin « , rigole Jean-François.  » Ces calicots, il fallait en parler en famille, on l’a fait. Là encore, Julien a su faire la part des choses. Il a su prendre du recul. Il était conscient que ça ne venait que d’une minorité. Et surtout, il a toujours eu le sentiment d’être bien considéré par le public. C’est normal : un joueur qui a fait toute sa formation à l’Académie et qui arrive en équipe Première, c’est toujours bien vu. C’est un enfant du Standard. Et il connaît parfaitement la mentalité des supporters. Lors des deux derniers titres, il était avec eux en tribune.  »

 » Le discours de Vukomanovic ne tenait plus la route  »

Donc, Julien De Sart revit depuis le retour de José Riga. Pour lui, l’intérim IvanVukomanovic, ce ne sont pas que des bons souvenirs. Parfois il vivait des morceaux de matches, d’autres fois il ne décollait pas du banc. Et surtout, il n’a jamais su pourquoi cet entraîneur ne lui faisait pas plus confiance et c’est ça qui le minait. Vuko lui a seulement expliqué, au moment de sa promotion comme T1, qu’il voulait le protéger dans cette période difficile, qu’il ne voulait pas le brûler.  » C’était correct, mais quand rien ne change après trois mois, il y a un problème « , dit Jean-François.  » Finalement, le discours de Vukomanovic ne tenait plus la route. La dernière semaine de janvier a été compliquée pour lui. Il ne se voyait pas rester dans l’ombre jusqu’à la fin de la saison, et s’il avait reçu une offre à ce moment-là, c’est clair qu’il en aurait tenu compte, qu’il se serait battu pour partir.  » Il est resté. Content !  » Jouer en équipe Première du Standard, c’est ce qu’il veut depuis l’âge de 12 ans. Là, il me dit qu’il est en train de vivre son rêve.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » Mon départ du Standard était sans doute la meilleure chose qui pouvait arriver à Julien.  » Jean-François De Sart

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