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 » Il valait mieux que je parte « 

L’homme aux 224 matches pour le Standard a tourné une deuxième fois la page rouche en janvier dernier. Un départ attendu après deux envols manqués et une dernière saison agitée. Coincé à Abu Dhabi, Paul-José Mpoku se confi(n)e.

Heureusement qu’il y a la vue imprenable sur le Golfe Persique. Si ce n’est ça, la nouvelle vie de Paul-José Mpoku ressemble à beaucoup d’autres ces temps-ci. Un petit garçon de deux ans en guise de réveil matinal, un avis critique positif sur le poignant 7 Kogustaki Mucize, le dernier film qui cartonne sur Netflix et des entraînements en solo, mais sous air co. La routine aux Émirats, ce sont des  » apéros Skype « , mais sans l’apéro. Triste comme un mois d’avril sans football. En vrai, posé sur sa terrasse, Polo profite surtout des températures clémentes. Dans un mois, le cagnard estival des Émirats imposera un confinement plus dur encore. À Abu Dhabi, le thermomètre frôle déjà avec les trente degrés, mais ce n’est encore qu’un début. Souriant, l’ancien Rouche a décidé de prendre la trêve sanitaire imposée par le coronavirus avec philosophie. L’occasion de recharger les batteries, de défendre le petit frère anderlechtois et de revenir à pas feutré sur le climat tendu en bord de Meuse, ces derniers mois. Paul-José Mpoku n’est plus capitaine du Standard, ça ne l’empêchera pas de mouiller le maillot.

Avec Sa Pinto, c’était moins tactique, mais il y avait cette folie.  » Paul-José Mpoku

Polo, tu as fait le choix de rester à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, plutôt que de rentrer en Belgique, pendant cette période forcément particulière. Pourquoi ?

PAUL-JOSÉ MPOKU : À la base, je devais rentrer en Belgique parce qu’il y avait une semaine de trêve internationale. Mais tout s’est passé si vite… Les frontières ont été fermées les unes après les autres en Europe, on voyait l’atmosphère très anxiogène en Belgique et on s’est dit qu’on était peut-être mieux ici, au calme, en famille. Mais ce n’est pas pour autant qu’on est épargné. Ici aussi, on est en plein confinement. Ils ont même installé un couvre-feu, de 20 h à 6 h du matin, pour stériliser la ville. Le matin, je continue à aller au stade pour m’entraîner. J’utilise les installations club, ça me fait une petite sortie. En gros, j’essaie de faire deux heures de sport par jour. En salle ou dehors quand la météo le permet encore.

Quel est, à ce stade-ci, le scénario imaginé pour terminer le championnat émirati ?

MPOKU : On a joué à huis clos les deux derniers matches, début mars. À ce moment-là, il n’était pas encore question d’arrêter. On pensait continuer comme ça jusqu’au bout. Forcément, ça a moins d’incidence pour nous de jouer dans ces conditions particulières, à partir du moment où il n’y a, en moyenne, qu’entre 1.000 et 2.000 spectateurs par match. Mais finalement, le championnat émirati a suivi les indications de la FIFA et a décidé de tout suspendre. Ici, il reste huit journées de championnat, mais je pense qu’on finira par les jouer. À huis clos sans doute et avec un match tous les quatre jours. C’est le bruit qui court.

 » Si tu débarques ici en ne jouant que sur tes qualités, tu vas te planter  »

Comment est-ce que, dans ce contexte, tu parviens à occuper tes journées ?

MPOKU : Il y a les moments de prières sur Zoom ( société américaine de services de téléconférence, ndlr) et je passe aussi pas mal de temps sur ma formation biblique. Bref, je rattrape le temps perdu suite à mon transfert, cet hiver. Et puis, comme tout le monde, je regarde des films, j’appelle mes parents, mes amis en Belgique, je passe le temps, quoi. À côté de ça, j’essaie aussi que le confinement n’ait pas un effet négatif. En restant productif, par exemple. Moi, j’écris des trucs, des pensées. Je couche sur papier des projets que je peux avoir. Avec notre label de musique, on a signé un artiste, Versis ( The Story of Versis, disponible sur Spotify, ndlr) qui a sorti un clip le 3 avril, je suis fort impliqué dans sa promotion pour l’instant.

Depuis son arrivée aux Émirats, Mpoku a inscrit deux buts en neuf rencontres.
Depuis son arrivée aux Émirats, Mpoku a inscrit deux buts en neuf rencontres.© BELGAIMAGE

Tu as joué ton dernier match avec Al-Wahda le 14 mars. C’était ta neuvième titularisation en autant de matches possibles. Comment juges-tu le football aux Émirats ?

MPOKU : Je dirais que c’est le genre de championnat où il est important de se mettre soi-même une certaine exigence. Si tu débarques ici en pensant que tu vas pouvoir faire illusion en ne jouant que sur tes qualités, tu vas te planter. Je ne serais pas le premier à qui ça arrive. C’est pour ça que j’ai pris le parti de rester hyper pro en me donnant à fond aux entraînements. En fait, j’ai la même mentalité qu’avant d’arriver ici. Je crois que c’est ça qui me permet de continuer à me distinguer pour l’instant. Les gars qui viennent ici pour se la couler douce, ils ne durent jamais longtemps.

Contrairement à d’autres championnats exotiques, celui des Émirats arabes unis ne compte pas de grosses vedettes à part Alvaro Negredo. Qu’est-ce qui freine son épanouissement selon toi ?

MPOKU : Pas grand-chose. Je crois qu’ils ont changé leur politique ces dernières années. Avant, il y avait beaucoup de gars qui venaient ici avec un grand nom, mais sans motivation. Ils faisaient les stars, mais n’apportaient rien. Là, j’ai l’impression qu’ils cherchent des joueurs avec une vraie bonne mentalité. Qui peuvent apporter quelques choses aux locaux. Pas juste des mercenaires qui prennent leur argent et rentrent chez eux.

 » J’aurais pu gagner beaucoup plus en allant à Moscou ou en Chine  »

Pourquoi avoir privilégié les Émirats à la Chine ou la Russie, deux destinations dont on t’a aussi dit très proche cet hiver ?

MPOKU : Dans un transfert, il y a tout un package à prendre en compte. À mon âge, c’était aussi un choix de vie. Pour ma femme, mon enfant. On avait envie d’un cadre de vie agréable et ici il y a tout. Un lycée français pour le petit et, dans l’ensemble, un environnement très international, agréable pour ma femme. Honnêtement, j’aurais pu gagner beaucoup, beaucoup plus en allant à Moscou ou je ne sais pas trop où en Chine, mais il fallait une bonne balance. Quand j’ai entendu qu’Al-Wahda était intéressé, je n’ai pas hésité une seconde. On aurait pu être heureux à Moscou aussi, mais le soleil, c’était important pour nous.

Boston, ça aurait été un bon compromis. Il y a un an déjà, en janvier 2019, tu avais la possibilité de partir en MLS, au New England Revolution. Le club t’avais retenu à l’époque, avant que ce soit ton tour de refuser d’y aller, en mai de la même année. Pourquoi ?

MPOKU : Je serai toujours reconnaissant envers Boston parce qu’ils ont fait une offre record pour le club ( à hauteur de 4 millions d’euros, ndlr). Les Américains me voulaient vraiment parce qu’ils cherchaient un joueur charismatique, qui pouvait apporter son expérience et son leadership. Forcément, j’ai été flatté et ça m’intéressait beaucoup. La première fois, en effet, c’est le Standard qui a refusé. Je serais parti sinon, mais je n’ai pas voulu forcer ce transfert. Et quand ils sont revenus à la charge, en été, c’est moi qui n’était plus trop pour. Parce que tout devait aller très vite et que je n’étais pas prêt à partir du jour au lendemain. D’autant que dans la foulée, il y avait la CAN. Je ne voulais pas prendre une décision dans l’urgence.

Avec Preud’homme ou Venanzi, je n’ai jamais eu de problème. On s’est toujours dit les choses.  » Paul-José Mpoku

Finalement, tu as rejoint les Émirats pour deux millions d’euros, une somme de transfert deux fois inférieure à ce que proposait la franchise américaine. Pas franchement une bonne affaire pour le Standard.

MPOKU : Oui, mais ça, ce n’était pas mon problème. J’estimais en avoir fait assez pour le club pour mériter mon bon de sortie. Je sais que le président a parlé avec un club chinois qui proposait plus d’argent. Mais je ne voulais pas qu’on décide pour moi. De toute façon, ça n’a jamais été plus loin et je n’en sais pas beaucoup plus.

 » On savait que Sa Pinto ne nous trahirait jamais  »

Il a été écrit que ton départ avorté, à l’hiver 2019, et les rumeurs entourant un transfert sortant de Mehdi Carcela, à la même époque, avaient fini par pourrir l’ambiance dans le vestiaire. Tu l’as ressenti comme ça aussi ?

MPOKU : Non, ce sont des conneries. On a toujours été pros. C’est le milieu qui veut ça. Quand tu as, comme ça peut l’être avec Mehdi, un gars qui vient de la région, qui a les qualités qu’il a, on va toujours venir lui chercher des noises quand ça ne va pas dans le club. Mais là, en l’occurrence, c’était des bêtises. Ni Mehdi ni moi n’avons jamais cherché à nuire à qui que ce soit au sein du club. Ce qui a été écrit, ce sont des mensonges. Je connais le système, je connais tout le monde au Standard, je sais qui est qui, je sais qui fait quoi et donc je sais que si la presse raconte parfois n’importe quoi, c’est aussi parce qu’il y a des gens, à l’intérieur du club, qui colportent de fausses informations.

De Bruxelles à Abu Dhabi, par écrans interposés.
De Bruxelles à Abu Dhabi, par écrans interposés.© BELGAIMAGE

C’est parce que tu étais fatigué d’évoluer dans ce milieu que tu as eu envie de changer d’air ?

MPOKU : C’est une des raisons, sans doute. Parce que quand tu apprends par la presse que tu dois partir, ce n’est pas agréable. Certains le pensaient peut-être au club, mais Preud’homme m’aura apporté sa confiance jusqu’au bout. Il m’a même confié le brassard. Ça m’a aidé à compenser ce qui a pu se raconter. Avec lui ou Bruno ( Venanzi, ndlr), je n’ai jamais eu de problème. On s’est toujours dit les choses. Tranquillement, professionnellement.

C’est quoi le meilleur souvenir de ton deuxième passage au Standard ?

MPOKU : Avoir gagné la Coupe avec Sa Pinto. Footballistiquement, je me suis peut-être autant épanoui avec Preud’homme, mais avec Sa Pinto, il y avait cette folie. Évidemment, c’était moins tactique, mais la grinta qu’il pouvait y avoir, ça compensait beaucoup de choses. Et ça nous convenait bien, surtout. Quand on jouait, on représentait l’entraîneur. L’homme aussi. Ce qu’il était.

En vous battant pour le coach, vous faisiez tout ce que la direction ne faisait pas ?

MPOKU : On l’a beaucoup soutenu, c’est vrai. Parce qu’il était à fond avec nous et qu’on savait qu’il ne nous trahirait jamais. Il y avait une relation de confiance très forte entre lui et le groupe.

Son départ, ça a cassé quelque chose entre le vestiaire et la direction ?

MPOKU : Ça n’a pas cassé quelque chose parce qu’en tant que joueur, tu sais que tu n’es jamais qu’un employé du club et que c’est à la direction de prendre les décisions. Personne n’a remis ça en question. D’autant que, dans l’ensemble, le groupe était assez enchanté de voir revenir un entraîneur comme Preud’homme. C’était prometteur. Partout où il avait été, il s’était imposé. Après, ce qui est vrai, c’est que sur l’aspect humain, il n’y avait pas la même relation qu’avec Sa Pinto. Mais c’est dans sa personnalité, je crois. Chaque coach gère son relationnel avec ses joueurs de manière différente. Et clairement, celle de Preud’homme était différente de celle de Sa Pinto.

 » C’est une chance pour moi d’avoir pu travailler avec Preud’homme  »

Comment juges-tu la  » fin  » de saison du Standard ? Le club a été vivement critiqué pour un mercato hivernal jugé peu ambitieux, avec ton départ, celui de Renaud Emond voire celui de Pocognoli. Le tout seulement compensé par l’arrivée de Shamir. Sans compter le départ surprise de Dimitri Lavalée pour Mayence en fin de saison…

MPOKU : ( Il coupe) Si un jeune comme Lavalée décide de partir, c’est qu’il a ses raisons. Je n’ai pas le même âge, mais ça vaut pour moi aussi… Cette question, il faut la poser à ceux qui dirigent… En tant que joueur, on ressent certaines choses, un certain feeling. Si tous les joueurs ressentent la même chose, en même temps, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. C’est surtout dommage pour les supporters ce qu’il se passe aujourd’hui. Eux, vraiment, ils me manquent. Ce sont les meilleurs de Belgique, ils mériteraient d’avoir la meilleure équipe de Belgique.

Dans ton cas, le club à cherché à te retenir ?

MPOKU : J’ai toujours été correct, mais ça faisait un moment que je recevais des offres. Il y a eu Boston, il y a eu Al-Nasr, à Dubaï. Et puis Al-Wahda. Et cette fois-ci, je me suis dit que j’allais arrêter d’être trop gentil et m’imposer. Ce n’est pas que le club me l’avait fait à l’envers avant ça, mais on va dire que tout n’avait pas toujours été hyper correct. Bref, il valait mieux que je parte plutôt que rester là et voir petit à petit les relations se dégrader.

Comment a réagi Preud’homme, cet hiver, quand tu lui a dit que tu avais pris ta décision et que tu partais ?

MPOKU : On s’est parlé toute la semaine qui a précédé mon transfert. Il a toujours été correct. Il n’était pas hyper chaud que je parte, mais une fois que le transfert était ficelé, il m’a envoyé un long message par WhatsApp qui m’a vraiment touché. Honnêtement, je l’ai même montré à ma femme parce que les mots qu’il a utilisé étaient forts. Preud’homme, c’est un immense coach, quelqu’un avec qui j’ai beaucoup appris, un maniaque du détail. Donc, malgré tout ce qui a pu se passer au Standard ces derniers mois, je considère que c’est une chance pour moi d’avoir pu travailler avec un coach de cette envergure.

Mpoku face à son frangin, Albert Sambi Lokonga.
Mpoku face à son frangin, Albert Sambi Lokonga.© BELGAIMAGE

 » Ce serait bien qu’Albert découvre l’Europe  »

Ton frère, Albert Sambi Lokonga, a tout joué avec Anderlecht depuis son retour de blessure. Soit 23 matches complets après neuf mois d’arrêt. Comment se sent-il aujourd’hui ?

PAUL-JOSÉ MPOKU : Parfois, on avait un peu peur de le voir enchaîner tous ces matches. Tout ce qu’il a vécu ces derniers mois était nouveau pour lui. Sa revalidation et puis le fait de se retrouver titulaire dans un club comme Anderlecht. De ce point de vue-là, ce qu’il se passe maintenant, ça lui permet de reposer son corps. Ce n’est pas plus mal…

Comment gère-t-il la pression inhérente à ce nouveau statut ?

MPOKU : Vous savez, mon frère, quand on le connaît, on sait qu’il a une température à zéro. Moi déjà, je suis un calme, mais alors lui, il est très, très calme ( rires). Tu peux lui dire des choses, lui mettre la pression, ça rentre par une oreille, ça sort de l’autre. Ce n’est pas pour ça qu’il n’écoute pas les conseils, mais tout ce qui touche de près ou de loin à la pression qu’un footballeur peut ressentir, ça le dépasse. Il est à la cool.

Sambi est un beau joueur qui fait l’unanimité par son toucher de balle, mais qui va devoir apprendre à être plus efficace dans les deux surfaces. Tu partages ?

MPOKU : Non, ce n’est pas vrai. Ça, c’est le problème des gens qui ne regardent que les statistiques. Mais si on analyse les matches de mon frère, on s’aperçoit que toutes les bonnes passes qu’il a données et qui auraient pu être des assists, ce sont des occasions qui ont été gâchées par d’autres. Et ça, on ne peut pas dire que ce soit de la faute de mon frère, si ? Regardez les deux derniers matches de la saison ( avec trois passes décisives pour Sambi, ndlr), Albert n’a pas forcément été meilleur, c’est juste que les attaquants ont marqué leurs un-contre-un.

On a quand même l’impression qu’il en faudra beaucoup avant de le voir marquer son premier but. Parce qu’il a toujours tendance à pécher dans le dernier geste.

MPOKU : En fait, le problème, c’est qu’Albert, à la base, c’est un milieu défensif. Mais des goals, il va en marquer parce qu’il a une frappe terrible et qu’il peut tirer les coups francs aussi. Mais surtout parce qu’à la place où il joue actuellement, il progresse beaucoup. Ça va faire de lui un joueur plus complet. Bien sûr, il faut prendre en compte que, le fait qu’il se retrouve en zone de finition plus souvent, ça lui demande un apprentissage. Et donc une période d’adaptation. Mais quand ça va venir, ça va aller tout seul.

Il ressemble à quoi le plan de carrière idéal pour lui ?

MPOKU : Pour nous, le plus important c’est qu’il joue. Et donc probablement qu’il reste à Anderlecht pour enchaîner le plus de matches possible. Avec l’espoir qu’il joue la Coupe d’Europe dès l’an prochain. Ce serait bien. C’est important pour lui. Mais le but, ce n’est pas qu’il parte, mais bien qu’il reste et qu’il s’affirme.

Quelle relation a-t-il avec Vincent Kompany ?

MPOKU : C’est son capitaine. En même temps, c’est un de ses coaches. C’est aussi un grand frère. Et forcément un joueur qui a brillé partout où il a été. Il le respecte énormément.

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