» Il nous manque un joueur décisif comme Dieu « 

Le directeur technique de Sclessin rappelle les ambitions du Standard et souligne les atouts de Ron Jans : mais l’effectif a-t-il la taille XXL ?

L’automne n’a pas encore envahi les hauteurs du Sart Tilman avec ses bouquets de couleurs mordorées. Un abondant rayon de soleil prend l’Académie Robert Louis-Dreyfus dans ses bras quand Jean-François de Sart fait son apparition pour brosser un tableau de la situation après la trop longue période des transferts d’été. Déposés sur une table, des quotidiens commentent les aventures sportives (et financières) de deux anciennes vedettes de la maison rouche : Christian Benteke qui s’est lié à Aston Villa et Axel Witsel qui a décidé d’apprendre le russe au Zenit Saint-Pétersbourg. Le jeune talent liégeois vaut de l’or mais qu’en est-il du début de saison du Standard ? La défaite au Club Bruges n’a pas du tout ébranlé Jean-François de Sart, en place depuis un peu plus d’un an.

En quoi avez-vous progressé par rapport à 2011-2012 ?

Jean-François de Sart : Notre préparation a été plus longue. Au Club Bruges, il n’y avait que deux nouveaux dans le 11 de départ : Kawashima et Bulot. Les autres bossent ensemble depuis un an. La saison passée, nous avons été freinés par un problème de production offensive. Pour le moment, le Standard présente la deuxième attaque de l’élite et cela donne une idée du chemin que cet effectif et son coach, Ron Jans, veulent poursuivre. Il y a un désir évident de prendre le jeu à notre compte. L’avenir dans le football moderne passe par là. Mais ce désir de contrôler la circulation du ballon et d’être présent dans le camp adverse ne peut pas être réduit à néant par des erreurs de placement. C’est ce qui est arrivé à Bruges comme ce fut le cas en 2011-2012. La qualité de la dernière passe a fait défaut à cause de notre excès de précipitation face à une équipe qui nous a attendu devant son rectangle.

Premier grand test raté, alors ?

Premier grand test, cela ne veut rien dire. C’est la vérité d’un match, le 6e seulement du championnat. Cela dit, le troisième but de l’équipe de Georges Leekens ne peut pas arriver et me reste en travers de la gorge : phase offensive du Standard, contre brugeois, des pions mal placés chez nous pour tirer la couverture, on ouvre la porte pour Mémé Tchité, etc. C’était du gâteau pour lui. J’ai déjà vu ce genre d’action l’année passée et cette saison.

Ne manque-t-il pas une grande gueule au milieu pour répéter les directives ?

Toute l’équipe doit réfléchir, respecter les directives et les placements, faire les bons choix, jouer juste. C’est impératif à ce niveau. Cela nous a déjà coûté quelques points cette saison. A Bruges, en voyant les placements, j’ai vite eu peur des contres adverses. Je me méfie cependant des jugements hâtifs. Pour les observateurs, le Standard n’avait pas d’attaque mais une défense en début de saison puis ce fut le contraire. Pour le moment, nous encaissons trop de buts évitables. C’est une question d’organisation, de mise en place, sur les phases arrêtées, et non pas de système de jeu ou de talent. Ce n’est pas une forme de naïveté, c’est même facile à résoudre. On ne peut pas espérer les premiers rôles si nos joueurs ne sont pas capables d’y remédier. Ce problème sera réglé, car je connais les directives et la manière de travailler du coach. Et, en attendant, nous sommes quatrièmes.

 » Il n’a jamais eu de conflit entre le coach et Batshuayi « 

A Bruges, Ezekiel a peiné face à des tours…

Oui mais il a été mal servi. Malgré cela, j’estime qu’il y a eu des faits intéressants pour la suite des événements. Dudu Biton a marqué et est bien entré, tout comme Michy Batshuayi, le plus doué de la bande, un buteur qui adore évoluer en 9 mais qui peut aussi décrocher dans le jeu, s’exprimer sur les flancs. Il n’a jamais eu de conflit avec le coach mais c’est un jeune de 18 ans qui doit gérer les différentes facettes du métier de footballeur pro…

Pas de regret d’avoir raté le transfert de Jérémy Perbet alors que Marvin Ogunjimi a déjà manifesté le désir de partir ?

Non, ce sont des dossiers différents. Nous avions un accord avec Perbet mais Mons a été trop exigeant, c’est tout.

Mons exigeait 1,8 millions d’euros ?

Je ne connais pas le chiffre exact mais cela doit être dans ces eaux-là. Ogunjimi, c’est autre chose. Quand nous l’avons loué, c’est avec le désir de lever l’option en fin de saison. Il n’a jamais été question d’un départ ni d’une éventualité si un grand club se manifestait. Même s’il n’a pas encore pu répondre à l’attente, à cause de ses soucis de thyroïde, notre désir reste le même. Le Standard en attendait plus mais on croit en lui. En attendant, il y a eu l’offre du Celtic Glasgow qui a contacté son agent, lequel en a parlé à Majorque, au joueur, au Standard. Après avoir consulté Ron Jans, nous avons donné notre accord à son agent.

Etonnant…

Non, le coach a estimé qu’il avait assez de monde en pointe jusqu’en janvier avec Ezekiel, Biton et Batshuayi. Ce sont des situations inhérentes au foot actuel. Le nom de Marvin figurait sur une liste élargie du coach, Neil Lennon. Le Celtic s’est qualifié pour la Ligue des Champions ; cela fait rêver tout le monde. Mais Marvin n’a jamais passé d’examens médicaux là-bas. Le transfert n’a pas été conclu et Glasgow a jeté son dévolu sur Efe Ambrose, un Nigérian, et le Vénézuélien Miku arrivé en jet privé en Ecosse, à la dernière minute. C’est le football actuel, tout peut changer rapidement. Quand Boussoufa a quitté Anderlecht, ce fut inattendu aussi.

Le départ de Mujangi Bia n’est pas passé inaperçu : n’a-t-il pas parlé de trahison ?

C’est sa façon de raconter l’histoire, mais ce n’est pas la bonne. A un moment, Bia est devenu la troisième solution de Ron Jans sur la droite, derrière Bulot et Buzaglo. Son temps de jeu ne pouvait qu’être limité. Il n’y a pas de trahison là-dedans mais un choix sportif. A partir de là, l’idée d’une location jusqu’en fin de saison, avec option d’achat, s’est imposée. Bia a trouvé à Watford ce qu’il n’avait plus chez nous où il était condamné à passer pas mal de temps sur le banc. Il a eu du temps et sa chance chez nous mais d’autres ont émergé, dont Bulot qui nous apporte sa vitesse, sa technique, sa présence, etc. Au départ, tout le monde était à égalité et c’est la vérité du terrain qui a tranché.

 » Nacho rayonne, Astrit vivra la même chose « 

Ajdarevic ne constitue-t-il pas une petite déception ?

Pas du tout, je crois à fond en lui. Comme ceux qui sont arrivés la saison passée, le Suédois a besoin d’un temps d’adaptation au football belge qui a ses spécificités avec un gros engagement, un imposant quadrillage défensif, de l’agressivité sur le porteur du ballon, une reconversion offensive rapide, etc. Ajadarevic est arrivé en droite ligne du championnat de Suède et n’a pas eu de coupure, de vacances. Il y a peut-être eu un peu de fatigue chez lui. Nacho, lui, s’est bien reposé. La saison passée, en plus de ses blessures, Gonzalez a éprouvé des problèmes avant de trouver ses marques. En janvier, nous avons eu des doutes, pas sur son talent, mais sur son aptitude à jouer après ses différents pépins physiques et son ablation d’un ménisque. Puis, il a repris du poil de la bête, il a bien terminé la saison durant les PO1 avant d’avoir toute une préparation d’avant-saison dans les jambes. Maintenant, Nacho rayonne, il est un des plus beaux joueurs de D1 ; Astrit vivra la même chose car il est pétri de talent. Je ne me fais pas de soucis. Pour le moment, c’est le triangle Vainqueur-Buyens-Gonzalez qui donne le meilleur résultat. Dans deux semaines, ce sera peut-être un autre triangle avec Ajdarevic.

Il avait été question d’un départ de Pocognoli…

J’ai eu vent d’un intérêt via un agent mais il n’y a pas eu d’offre concrète pour lui et il est très heureux chez nous de toute façon. Kanu ? Il s’entraîne, et est bien dans sa tête, il veut redevenir compétitif.

Vous avez recruté pas mal de jeunes joueurs étrangers : n’est-ce pas contradictoire par rapport à votre intention déclarée de miser sur la formation ?

Non, il faut être attentif et recruter de bons étrangers. Le Standard ne néglige pas ses propres talents et en a intégré pas mal dans le noyau pro comme Moris, Batshuayi, Arslanagic, Mpoku, Cissé, etc. D’autres comme Axel Bonemme (Saint-Trond) ou Dolly Menga (Lierse) ont été prêtés pour s’aguerrir. Nos jeunes sont plus que jamais une priorité. Quand on recrute l’Uruguayen Guillermo Mendez (Nacional Montevideo, finaliste de la Coupe du Monde U17 en 2011, en fin de contrat : un des plus grands talents de son pays), Luis Phelype Luciano Silva du Deportivo Brasil (une tour offensive), le Péruvien Ivan Bulos (prêté à Saint-Trond), Ezekiel Fryers de Manchester United, c’est aussi pour préparer l’avenir…

Reza a signé un contrat de trois ans et demi qui prendra cours en janvier : pourquoi pas maintenant ?

Notre compartiment offensif suffit pour le moment. La saison passée, c’est à partir de janvier que l’effectif a été décimé par la fatigue et les blessures. Avec Reza, le Standard étoffera son attaque avant d’entrer dans les phases décisives de la saison : qualification pour les PO1, billet européen via le Top 3, 2 ou… 1.

Vous souriez ?

Bien sûr. L’objectif, c’est l’Europe. Dès le départ, le 15 juillet, on a mis un effectif structuré au service de Ron Jans : les joueurs de base étaient là et sont toujours là.

Ezekiel a plus que dépanné l’attaque, n’est-ce pas ?

Il a saisi sa chance et confirmé ce qu’on a vu la saison passée. Il est à l’écoute, travaille et progressera tant qu’il en sera ainsi. Mais il n’a que 18 ans et, malgré sa vitesse et un talent exceptionnel, Ezekiel ne peut pas exploser une défense à chaque match. Même Mbokani ne le fait pas à Anderlecht. Biton monte en régime, c’est sûr. Il s’est accroché après avoir peu joué durant les six derniers mois de 2011-2012 en Pologne. Dudu a dû résorber ce retard et cela prouve qu’il y a du talent et de la concurrence chez nous. On peut critiquer le niveau de la D1 belge mais un joueur qui n’est pas à 100 % physiquement ne peut pas s’imposer en Belgique. La qualité de l’effectif est en hausse et je devine plus de stabilité. Il y avait trop d’états d’âme la saison passée… Aujourd’hui, l’effectif s’investit totalement. La saison passée, Tchité a tout le temps pleuré pour obtenir son transfert : en été, en hiver, à la fin du championnat.

Cette nouvelle atmosphère est une plume au chapeau de Jans…

Tout à fait, il signe un travail remarquable avec un 4-3-3 dynamique. Il n’était pas content du jeu après la défaite contre Zulte Waregem, moi non plus. Il a rectifié le tir, s’est adapté aux réalités du jeu à la belge et son équipe est montée en puissance match après match. L’ambiance de travail est excellente…

Qu’est-ce qu’Anderlecht et le Club Bruges ont de plus que vous ?

Ce sont les principaux candidats au titre. Par rapport à eux, il nous manque un joueur décisif pour le moment. Anderlecht a Dieu et Jova, Bruges dispose de Vazquez et Refaelov. Tchité ? On verra en fin de saison…

 » Benteke a peut-être été vendu trop bon marché « 

Qu’est-ce que le transfert de Benteke et de Witsel vous inspire. Le Standard a cédé Benteke pour 1,3 millions à Genk. Les Anglais l’ont acheté un an plus tard pour 10 millions d’euros…

Benteke, on l’a peut-être vendu trop bon marché. Il a mené la guerre pour partir et a fait la même chose à Genk. Le marché s’est emballé car Aston Villa a absolument besoin de lui. Il en a profité. Le transfert de Witsel au Zenit Saint-Pétersbourg devrait nous rapporter des indemnités de formation. Mais, je ne sais pas combien.

Il y a un peu plus d’un an que vous êtes directeur technique. Le job vous plaît ?

Oui. Nous avons avancé et mis une belle structure de travail en place. Cela a demandé beaucoup de travail mais nous y sommes arrivés. Il y a un an, tout était à refaire. Ne l’oublions pas…

PAR PIERRE BILIC

 » Il y avait trop d’états d’âme la saison passée…  »  » La saison passée, Tchité a tout le temps pleuré pour obtenir son transfert. « 

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