» Il ne pourrait pas vivre sans être capitaine « 

Le boss des Diables Rouges a longtemps traîné son lot de fantasmes. Malgré une exposition grandissante et une carrière qui l’a rapidement amené sous les feux des projecteurs, l’homme reste mystérieux. Son frère, François, décrypte pour nous le personnage Vincent Kompany.

« J’étais le petit qui le suivait partout « . Lui, c’est François. Chez les Kompany, il est le fils resté dans l’ombre. Vincent a pris la lumière, la gloire et la médiatisation. François est, lui, à la recherche d’un nouveau club après une expérience peu concluante en D2 du côté d’Alost. A 24 ans, l’homme semble pourtant parfaitement dans ses baskets, heureux, pas envieux de la carrière de son frère. Après avoir  » en famille  » accompagné, au Brésil, son frère durant tout le premier tour, il est revenu à la vraie vie, chez lui, à Bruxelles. A quelques heures de l’épique Belgique-Etats-Unis qui enverra nos Diables en quarts de finale, il s’installe, place du Miroir à Jette, pour raconter l’histoire du  » grand-frère « .

Comment s’est déroulé votre séjour au Brésil ?

Nous sommes arrivés le mardi, le jour du premier match face à l’Algérie, et je suis revenu le lendemain de la dernière rencontre de poule des Belges. On était logés à environ une heure de Salvador de Bahia. Vu qu’il y avait quand même des craintes concernant la sécurité, on a préféré rester en retrait, à cause notamment du fait qu’on porte le nom  » Kompany « . Et puis ma soeur (Christel) est un peu parano sur les bords (il rit). Finalement, les manifestations étaient bien moins importantes que ce qu’on avait annoncé.

Que retiens-tu du Brésil ?

La joie de vivre des Brésiliens, leur exubérance. Ils arrivaient au stade avec leurs couleurs et c’est eux que l’on entendait dans les tribunes bien plus que les publics visiteurs.

As-tu le sentiment d’être un privilégié grâce à ton frère ?

C’est sûr que l’argent que mon frère gagne nous permet de vivre des choses que peu de personnes peuvent se permettre.

C’est lui qui a financé votre voyage au Brésil ?

Oui. On était environ dix personnes à se rendre sur place et on n’a pas tous le même budget. D’une certaine façon, c’est logique quand on connaît les sommes que gagne mon frère. Il aurait eu honte que l’on paie nos billets nous-mêmes. Et c’est la même chose pour toutes les autres familles de joueurs des Diables. Personne n’aurait laissé un membre de sa famille payer 5000 euros pour les suivre au Brésil.

 » Vincent m’écoute beaucoup  »

Le fait que ton frère gagne autant d’argent rend-il vos rapports plus compliqués ?

Non, pas du tout. Et puis je ne suis pas un flambeur de nature, je ne dépense pas mon argent dans les fringues ou dans les bagnoles, j’ai une voiture du club par exemple. J’ai une vie simple et c’est très bien comme ça. Je pourrais me permettre de mettre la ville en feu en soirée mais ce n’est pas dans mon éducation. C’est la même chose pour mon frère. Tout dépend de la manière dont tu veux te faire voir auprès des gens. Mon frère porte parfois du Zara, du H&M. C’est quelqu’un de très simple. Si on ne le connaissait pas, on ne pourrait pas se douter qu’il touche un gros salaire.

Es-tu impliqué dans certains investissements réalisés par ton frère ?

Je suis impliqué dans le BX, tout comme ma soeur qui, et c’est logique, doit encore apprendre à connaître les rouages du milieu du foot. C’est surtout mon père et moi qui sommes présents dans ce projet. On est régulièrement là pour les réunions avec le coach. Je suis également son intermédiaire concernant le Good Kompany. J’ai dû aller voir l’évolution des travaux, discuter avec l’architecte, etc. Quand Vincent veut s’acheter des appartements, c’est notre soeur qui s’en occupe et puis je lui fais part de mon avis. Et comme on a souvent le même avis, il m’écoute beaucoup.

Quelle relation as-tu avec ton frère ?

Souvent, je reste en retrait. Sauf quand il y a quelque chose qui me déplaît vraiment. Il m’arrive parfois de laisser faire ses erreurs alors que ma soeur ne laisse rien passer. Quand je vois que ça va trop loin, je lui dis. Il peut aussi compter sur des amis d’enfance, qui sont toujours là aujourd’hui, comme Trésor Diowo, qui n’hésite pas à lui dire les choses en face. C’est parfois tellement franc que Vincent hésite parfois à lui en coller une (il rit).

Ce n’est pas un entourage de cire-pompes…

Non et pourtant ça existe beaucoup dans le milieu du foot. Des suiveurs qui essayent de gratter un maximum, j’en ai vu. Parfois, c’est même le  » pote  » du joueur qui lui dit, en soirée, un tel a mis telle bouteille, tu dois faire la même chose. Vincent n’a pas ce genre de problème.

Il y a une véritable fidélité chez ton frère au niveau de son entourage proche.

Oui, il marche avec les mêmes depuis tout petit. Anthony (Vanden Borre) n’a, par exemple, pas eu cette même structure autour de lui. Mais aujourd’hui, il a compris. Et puis, Anthony a surtout la chance d’avoir un talent incroyable que seul Eden Hazard a peut-être en Belgique. Qui d’autre aurait pu être capable de disputer une Coupe du Monde alors qu’un an plus tôt il était totalement dans le trou ?

 » Vanden Borre et Pelé font partie de la famille  »

Es-tu proche de ses amis de Neerpede, Vanden Borre ou Pelé Mboyo ?

C’est davantage un rapport de grands-frères que d’amis. Quand Pelé ou Anthony parlent, je les écoute, je me tais. Ils m’ont connu quand je savais à peine marcher. Ils font partie de la famille.

Une grande famille…

Oui, c’est comme ça chez les Africains.

Es-tu fier de la carrière de ton frère ?

Qui ne le serait pas ?

Arrives-tu à réaliser ce qu’il est devenu ?

J’ai toujours été là, j’ai eu le temps de voir les choses arriver. Il a gravi les échelons petit à petit. Il est parfois tombé aussi mais il a toujours su remonter… très haut comme aujourd’hui. Le seul moment de sa carrière qui m’a vraiment frappé, c’est quand il a intégré la première d’Anderlecht. Que ce soit à Malines où je jouais, ou à Anderlecht pour mon frère, on ne connaissait personne issu de la formation qui perçait jusqu’en première. On ne pensait pas une seconde à l’argent qu’il était possible de se faire dans le foot. La réussite de mon frère et des autres qui ont suivi a permis aux plus jeunes de rêver de devenir pros.

Aujourd’hui, ton frère est capitaine des Diables et du champion d’Angleterre. Comment vis-tu cette carrière incroyable qu’il est en train de réaliser ?

Je suis posé, dès que l’émotion est passée, je redescends sur terre. Mon père, par contre, est en pleine euphorie, il est davantage expansif, il va voir les supporters, etc. Il a réalisé tellement de sacrifices pour nous que voir mon frère vivre ses rêves, c’est le plus beau des cadeaux qu’on peut lui faire. Hormis être avec ses petits-enfants car quand il est avec eux, faut même plus lui parler, il ne sert plus à rien (il rit).

Plus jeune, imaginais-tu ton frère réaliser une telle carrière ?

Même s’il ne laisse rien transparaître, il est très fort mentalement. La part de talent dans la réussite d’une carrière est minime. Si Anthony avait été aussi mature que mon frère lors de leur éclosion à Anderlecht, il serait aujourd’hui back droit dans un des meilleurs clubs du monde. Mais c’est loin d’être fini pour lui, il peut encore surprendre pas mal de monde et devenir ce qu’il aurait dû être depuis longtemps.

 » Mon frère a toujours été ambitieux  »

Es-tu étonné par l’ambition débordante de ton frère que ce soit dans le foot ou en dehors ?

Non, il a toujours été très ambitieux sauf qu’aujourd’hui il a les moyens pour. Et il est bien entouré : une cellule du côté de son agent et une autre au niveau de son business. Il a les idées et des personnes de confiance qui travaillent pour lui et qui font en sorte de les mettre en place. C’est impossible pour lui de s’occuper de tout ça. Je pense d’ailleurs que la personne qui travaille le plus pour mon frère, c’est mon père. Et ce n’est pas Vincent qui va lui expliquer comment faire les choses.

Certaines personnes sont parfois même irritées par le côté perfectionniste de ton frère…

Moi aussi ça m’irrite (il rit). C’est quelqu’un qui a la chance d’être un sportif d’élite, un athlète incroyable, d’être intelligent et d’être beau garçon. Ça peut déranger certains quand une personne rassemble tous ces profils-là.

Ce désir de tout contrôler est-il façade ?

On le voit rarement souriant à la télé, de plus il marche très droit, le regard sérieux, les gens qui ne le connaissent pas peuvent penser que c’est de l’arrogance. Mais dans la vie de tous les jours, c’est quelqu’un de totalement différent, de drôle, d’expressif. Seulement quand il ne connaît pas une personne, il est plutôt méfiant. Il a été connu très jeune et a rencontré pas mal de monde qui ne lui voulait pas que du bien. Aujourd’hui, il ne laisse plus l’occasion de dire du mal de lui. Et pour se protéger, il se rend inaccessible. Par contre, ceux qui le connaissent vraiment vous diront que c’est la personne la plus fidèle et accessible qui soit. Il va t’écouter, il ne va jamais t’envoyer balader.

Prend-il beaucoup de place dans une équipe ?

C’est un leader, c’est clair. Même en jeunes à Anderlecht, il aurait mérité d’être capitaine sauf qu’à cette époque c’était une politique d’amis-d’amis qui te permettait de porter le brassard. Désormais, il ne pourrait pas vivre sans être capitaine. Dans un vestiaire ou sur le terrain, il parle beaucoup trop pour ne pas qu’on lui donne le brassard.

 » Les Diables forment vraiment un groupe soudé  »

Quelles sont les ambitions futures de ton frère ?

A Manchester, c’est le patron. Et c’est difficile pour lui de changer de statut et de retrouver un autre club comme Barcelone par exemple où il deviendrait  » seulement  » un joueur important. Je ne pense pas que mon frère accepterait. Il a travaillé dur pour connaître cette reconnaissance. Et puis City a le budget pour gagner tous les prix. Pourquoi irait-il voir ailleurs ? Vincent est devenu une icône en Belgique mais à Manchester, c’est encore d’un autre niveau. Il est vraiment en train de devenir une légende comme Paul Van Himst l’a été pour Anderlecht. Le public chante un chant à sa gloire, au minimum, trois fois par match. Et si le public belge est fantastique, en Angleterre c’est encore une autre excitation. Les gens sont de vrais fanatiques.

Ton frère est fier de représenter la Belgique ?

Ça se voit non ? Lui et Jan Vertonghen ont été les premiers à faire en sorte que les choses bougent en équipe nationale. Et tout le groupe a suivi dans leur sillage. Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il y ait un joueur qui ne se sente pas belge, qui n’est pas fier de porter ce maillot.

Le groupe des Diables est-il aussi soudé qu’on le laisse entendre ?

Oui ça ne fait pas de doute. J’ai une fois fait le trajet avec plusieurs joueurs, et on voit que ce sont de véritables amis pour la plupart, ils rigolent souvent et ça discute de tout, de foot mais aussi de la famille, de la vie. Même un Daniel Van Buyten se mélange sans problème avec les plus jeunes. Quand Pelé a été convoqué chez les Diables, il m’a dit que tous les joueurs l’ont intégré pour qu’il se sente bien. Il était même surpris d’un tel accueil.

La différence est-elle notable avec le passé ?

Il y a quelques années, Vincent traînait un peu la patte quand il fallait jouer en équipe nationale devant un stade vide. Aujourd’hui, c’est un réel bonheur. Il n’y a ni Flamands ni Wallons comme c’était le cas avant et ce qui créait des tensions. Aujourd’hui, tout est mélangé. Vincent s’entend avec tout le monde même si celui dont il est le plus proche reste Anthony. Leur amitié est liée à leur enfance ; ce lien est impossible à recréer avec d’autres joueurs.

 » Un jour, il aura une fonction à Anderlecht  »

Quel est son principal défaut ?

Il veut toujours avoir raison. Avec mon père, il peut débattre pendant des heures pour avoir le dernier mot.

Sa plus grande qualité ?

Il est sûr de lui. Et il est toujours là pour aider ses proches…

Ça va mieux au niveau de la ponctualité ?

Là-dessus, il a totalement changé. Ou plutôt, il arrive à l’heure quand il y a une réelle obligation. Par contre quand on va au restaurant, on lui dit que le rendez-vous est à 7 h et nous on se pointe vers 7 h 40, on est sûr qu’il arrivera dans ces eaux-là.

Quel fut le déclic dans sa carrière ?

L’Allemagne. Un jour, on lui avait donné rendez-vous à 10 h et il s’ était pointé à 10 h 05 tout content. Mais tout le monde était présent en train de l’attendre. En Allemagne, les joueurs arrivent une demi-heure avant l’heure de rendez-vous, si tu te pointes un quart d’heure à l’avance, tu es déjà en retard. Ça a été un gros changement pour lui. Aujourd’hui, il est le premier dans le vestiaire et le dernier à le quitter.

Ces dernières années, on a aussi été frappé par sa métamorphose au niveau physique…

Il s’est toujours donné à fond en dehors des terrains. Il s’entraîne souvent avec des coaches personnels en dehors des entraînements collectifs. Je pense qu’il aime ça sinon il n’en ferait pas autant. Il n’y a pas de miracle, tu n’arrives pas aussi haut sans travailler.

Il n’est pas le dernier à s’exhiber à la fin d’un match…

Quand t’as un corps comme ça, tu aimes bien l’exhiber (il rit). Même chose pour Romelu qui est le premier à retirer sa vareuse après un match.

Quand a-t-il compris que le foot était devenu son métier ?

Quand il a acheté la maison familiale à Ganshoren. Il a compris que le foot pouvait lui permettre de mettre sa famille à l’abri. Et depuis qu’il est à Hambourg, il verse à chaque membre de sa famille un montant sur un compte.

Son futur est-il à Bruxelles ? A la présidence d’Anderlecht comme cela a été évoqué il y a quelques semaines ?

Ce serait une fierté pour lui d’être un jour président d’Anderlecht mais son ambition première sera de faire du BX un beau club avec de bons jeunes. Je suis sûr qu’un jour il rentrera à Anderlecht, reste à voir dans quelle fonction. Il est viscéralement attaché à ce club.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: BELGAIMAGES/ CHRISTOPHE KETELS

 » C’est quelqu’un qui a la chance d’être un sportif d’élite, un athlète incroyable, d’être intelligent et d’être beau garçon. Ça peut déranger certains…  »

 » Mon frère porte parfois du Zara ou du H&M. C’est quelqu’un de très simple.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire