« Il me manque quelque chose »

Evénement : un footballeur pro fait son autocritique.

Yves Buelinckx a vu son programme d’entraînement allégé, la semaine dernière. En cause, une petite entorse de la cheville. A part cela, il a bien profité des vacances prises dans le sud de la France en compagnie de son épouse et de sa petite fille de huit mois. Sec, en forme, il attend énormément de la campagne à venir. S’il n’a pas raté ses retrouvailles avec le top, il n’arrive pas à se départir de l’encombrante étiquette de joker, solidement cousue au dos de son maillot. Pourtant, avec ses 33 sélections, Jean-Jacques Missé-Missé est le seul Louvièrois à avoir davantage joué que Yves Buelinckx…

Autre paradoxe, alors qu’on peut lui faire grief de ne pas trouver assez aisément l’ouverture, Buelinckx s’est offert, au Lierse et contre Genk, des réalisations capitales qui indiquèrent aux siens le chemin du salut. Pour lui, l’essentiel consiste désormais à dénicher le juste milieu. A l’image des Loups, finalement.

L’enthousiasme né du sauvetage assuré in extremis peut servir d’adjuvant, permettant de repartir du bon pied. Votre groupe a-t-il pris conscience de ses possibilités?

Yves Buelinckx: Tout à fait. Nous nous sommes prouvé quelque chose. Quelque chose de bien. A condition de négocier adroitement notre entrée en lice, l’espoir de réaliser un parcours identique à celui de l’Antwerp paraît envisageable. De toute manière, cette saison est celle de la confirmation. Impensable de rater le rendez-vous, même si nous risquons d’être attendu plus sérieusement, maintenant.

Par le passé, vous n’aviez pas été habitué à vous battre pour le maintien. Que retenez-vous d’une telle expérience?

J’ai appris à gérer un stress très fort, très prenant. On laisse énormément d’énergie dans ce genre de combat. Toutefois, la notion de défi à relever était excitante. En sport, on a besoin de se surpasser. Que ce soit pour décrocher des honneurs ou assurer une pérennité. Alors, lorsqu’on arrive à bien négocier ce passage, on en sort plus fort. Cela dit, je préfère de loin vivre un championnat tranquille, en réalisant de temps à autre un exploit, plutôt que d’être sur les nerfs trois mois durant.

Un début de saison infernal.

Précisément, votre première tranche de dix matches s’annonce infernale. Vous allez rencontrer tous les candidats au titre et les postulants présumés aux places européennes. Cela ne vous effraye pas?

Au moins serons-nous rapidement fixés sur notre valeur. Nous pourrons nous situer par rapport à des valeurs stables de la D1. Nous devrons atteindre très vite notre rythme de croisière. Au cours des cinq journées initiales, trois des déplacements les plus périlleux qui soient en Belgique nous attendent: Beerschot, Genk et Bruges! Il nous faudra un peu de chance, c’est certain. A nous de jouer à fond notre rôle d’underdog.

Et entre les coups, vous recevrez Anderlecht!

Là, je me montre raisonnablement optimiste. D’abord, nous n’avons rien à perdre… A part trois points! Ensuite, nous prendrons les Bruxellois juste entre deux joutes de Ligue des Champions. Enfin, compte tenu des bouleversements connus par l’équipe championne, on peut miser sur un éventuel manque d’automatismes, de cohésion. Mais de cela, je ne devrais même pas parler.

Pourquoi?

Parce que cela ne cadre plus avec l’esprit louviérois. Daniel Leclercq n’évoque jamais nos adversaires. Je ne l’ai entendu citer que deux noms jusqu’à présent : Koller et Van Meir. Il a insisté pour que nous soyons attentifs à leurs actions. Pour le reste, il veut sans cesse que nous pensions à notre jeu. Que nous imposions notre personnalité.

A titre personnel, avez-vous l’impression, justement, d’imposer votre personnalité?

Grand débat! J’ai frappé cinq fois lors du premier tour. Pas terrible. Honnête, sans plus. Malheureusement, j’ai attendu les trois dernières journées avant de retrouver le chemin des filets. Ces mois de disette m’ont plongé dans le doute. J’ai gambergé. Je me suis remis en cause. Par bonheur, j’ai délivré cinq passes victorieuses avant de frapper à deux reprises lors de rencontres cruciales. Cela m’a fait le plus grand bien. Aujourd’hui, je suis confiant tout en sachant parfaitement me situer.

« Je ne suis pas un pur attaquant de D1 ».

Malgré vos 32 présences sur la feuille d’arbitre, vous donnez un peu l’impression d’être toujours assis entre deux chaises.

En rejoignant le Tivoli, je sortais de quatre saisons en D2. Il me fallait digérer ce retour. Qui peut se targuer d’être un titulaire inamovible? La concurrence fait partie intégrante du foot. Se retrouver sur le banc n’est pas grave à condition de réagir positivement dès que s’offre l’occasion. Pour la petite histoire, avant ce fameux match au Lierse, j’étais réserviste!

En clair, avez-vous les qualités requises pour évoluer en première division?

Franchement, en tant que pur attaquant, non. Pas question de me bercer d’illusions ou de me croire supérieur à ce que je suis. Je sais d’où je viens, à 20 ans, j’étais toujours en 1ère Provinciale. En D2, même si je constate que tourner à la moyenne de 20-25 buts par saison n’est pas à la portée de tous, je suis capable de forcer la décision en misant sur mes atouts. Plus haut, c’est insuffisant. Les défenseurs sont bien entraînés, rapides et intelligents tactiquement.

Le constat établi est lucide et sans complaisance!

Pourquoi nier l’évidence? Il me manque quelque chose. Un démarrage plus sec sur les premiers mètres. Une touche technique susceptible de désarçonner le garde du corps. Un sens inné de la rupture. Par contre, dans la fonction que Daniel Leclercq me demande de remplir, et qui ressemble à celle que me confiait Hugo Broos dès 1994 au Club Brugeois, je pense être utilisé à ma meilleure place. Je m’y trouve à l’aise en tout cas. L’essentiel à mes yeux tend à justifier la confiance que mon employeur place en moi. Si je sens que les dirigeants sont fiers de me compter parmi leurs joueurs, alors, je suis bien dans ma peau. Marquer à 20 reprises? Faut pas rêver. Par contre, me rendre utile à la collectivité en y prenant du plaisir, c’est possible.

« On me traitait de mauvais et j’ai perdu confiance ».

Vous faites allusion à votre position dans le 4-3-3?

Absolument. J’évolue sur l’aile gauche. Légèrement en retrait. Cela me permet de venir de loin en bénéficiant de davantage d’espaces. Rentabiliser au mieux les potentialités de son noyau, c’est cela aussi, le rôle d’un grand entraîneur.

Est-ce votre réponse à Marc Grosjean qui se plaignait de vos services?

Je ne suis pas le seul à être passé à la moulinette. Nous, attaquants, étions tous visés. A force de se faire traiter de mauvais joueur à longueur de semaine, on perd la confiance indispensable à ce poste. Je ne veux même pas prétendre qu’il avait tort. Je lui reproche de s’être répandu un peu partout à ce sujet. Il pouvait me signifier sa manière de penser entre quatre yeux sans me dénigrer sur la place publique. Ca ne se fait pas.

Constatez-vous de grands bouleversements dans la préparation?

Le travail vise toujours à obtenir une condition physique optimale. La différence provient du fait que tous les exercices s’effectuent avec ballon. Etant donné que nous ne sommes pas des marathoniens, c’est quand même mieux!

En ce qui concerne le recrutement, La Louvière a misé prioritairement sur l’expérience.

A mon avis, peu de clubs comptent autant de joueurs ayant disputé plus de 400 matches au plus haut niveau. Avec Olivieri, Thans, Karagiannis, Suray, Siquet, nous bénéficions de la compétence de gens qui ont des planches. Leur apport sera essentiel dans les moments difficiles. Ces gens ne paniquent pas. Ils conservent la tête froide. Savent relativiser. Et aussi pousser un coup de gueule lorsqu’il le faut.

« Manu fera monter l’adrénaline ».

Avec Manu Karagiannis, vous serez servis!

L’arrivée en cours de saison de Benoît et Domenico a provoqué un premier électrochoc. Ils se sont d’emblée comportés en leaders. Même en jouant moins bien par moment, leur simple présence rassure le collectif. C’est sûr que Manu fera encore monter l’adrénaline. Plein de ragots négatifs circulaient à son propos. Non fondés à mon avis. Je ne le connaissais pas. J’ai découvert un gars super.

La plupart des recrues paraissent animées d’un formidable esprit de revanche. Karagiannis en veut à Van der Elst, Suray n’a pas brillé à Beveren. Ils reçoivent une merveilleuse opportunité de se pourvoir en appel. Le raisonnement vaut aussi pour les plus jeunes, Dias, Djim.

Et moi, je veux prouver à tous ceux qui m’ont snobé qu’ils se sont trompés! Aucun de nous ne vient profiter d’un dernier bon contrat. Tous en veulent. A condition de ne pas se tromper sur le plan humain, il est possible de bâtir de bons ensembles en s’appuyant sur une base pareille. D’ailleurs, je crois qu’une formule identique est à l’origine de l’épanouissement de Westerlo. Dauwe, Schaessens, Janssen, Dauwen étaient des laissés pour compte. Thans jouait en D2. Toni Brogno glissait vers un étage plus bas. Dans l’absolu, l’exemple fourni par Westerlo doit nous inspirer.

La Louvière débute son rodage. Deux matches ont été disputés jusqu’à présent.

Nous avons rencontré Denizlispor (0-4), déjà affûté par sa participation à la Coupe Intertoto. Et nous avons fait 2-2 contre Lille, prêt à reprendre le championnat dans une semaine. Je préfère me mesurer à de bonnes phalanges. Ces tests sont intéressants. Ils constituent d’excellentes mises en jambes. On apprend toujours au contact de belles formations.

Daniel Renard

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