Il faut savoir ce qu’on veut

« Moi, j’aime le football ». Antoine Duquesne, ministre de l’Intérieur, nous l’a dit jeudi dernier de vive voix, lors d’un cocktail. Il n’allait évidemment pas dire le contraire. En période électorale, ce serait mal vu au MR, dont les deux derniers transferts ont pour noms Alain Courtois et Marc Wilmots.

Cela dit, Duquesne a mauvaise réputation dans le monde du foot. C’est lui qui est chargé de faire appliquer la loi de décembre 1998 sur la sécurité dans nos stades. Une loi qui n’était pas un cadeau de Noël et a été à la base des plus grosses tracasseries administratives imposées aux supporters. A savoir la Fan Card…C’est elle qui a suscité le plus grand nombre d’envois de lecteurs à notre rubrique courrier. Et ça continue…

Cela dit, Duquesne a aussi été l’un des meilleurs joueurs de l’EURO 2000, qui s’est terminé sans problème majeur sur le plan de la sécurité, malgré quelques velléités musclées de trublions allemands et anglais. Actuellement, la Belgique compte un peu plus de 200 hooligans connus et recensés. Un total insignifiant, mais Duquesne se plaint tout de même du coût des opérations de sécurité des matches sur le territoire. Et il plaide pour une prise de conscience des bons supporters: « Le seul moyen de mettre les hooligans hors-jeu, c’est de signaler immédiatement tout débordement aux forces de l’ordre ».

Bonne idée, mais le supporter moyen est comme le Belge moyen: il trouve la police souvent étonnamment passive à l’égard de la canaille. « C’est vrai qu’on est coincé par les dispositions légales et qu’on voudrait pouvoir intervenir plus fermement. Mais on vient d’aménager la loi de 1998… », insiste Duquesne.

Désormais, effectivement, le périmètre de sécurité peut être porté à cinq kilomètres maximum, la police a la possibilité d’arrêter les personnes détentrices de feux d’artifices dans le stade, toutes les mesures coercitives sont applicables à toute personne dès l’âge de 14 ans, les interdictions de stade (avec un maximum de six mois) peuvent être soumises à toutes les enceintes du pays, la police a l’autorisation de communiquer des informations nominatives aux polices étrangères et la loi est étendue aux stades des clubs de D2 et D3!

Il fait, effectivement, de moins en moins bon, être hooligan en Belgique.

Parallèlement, le nombre de spectateurs était en hausse cette saison -à l’interruption hivernale du championnat- par rapport aux dernières années. Le nombre de buts et la convivialité sont également des valeurs sûres d’un championnat, qui n’est pas une grosse machine à fric mais plutôt une kermesse sympa.

L’amateur de foot belge adore l’ambiance bon enfant et a donc été terriblement perturbé par les exigences de la Fan Card. Mais après analyse approfondie, il n’y avait pas moyen de faire autrement. Lisez la confrontation entre le ministre Duquesne et le directeur de la Ligue Pro Jean-Marie Philips en page 26 pour vous en rendre compte.

La Ligue Pro a beaucoup réfléchi et n’a rien trouvé d’autre que de lancer la Fan Card au prix d’une procédure lourde et onéreuse. Mais pour la facilité de localisation de chacun dans un stade, combien d’inconvénients?

A commencer par l’obligation de posséder une Fan Card nominative. Normalement… car certains clubs ont des stocks de Fan Cards anonymes (!) pour faire plaisir aux clients des loges ou à d’autres acquéreurs occasionnels de tickets. Tout règlement est bien sûr fait pour être détourné, mais Duquesne prévient qu’il y aura à ce sujet des contrôles et « tant pis pour ceux qui n’appliquent pas rigoureusement la loi ».

Bonne nouvelle, la Ligue Pro annonce que la carte sera gratuite pour tous au début de la saison 2004-2005… à condition de trouver les sponsors pour la payer. Est-ce là trancher dans sa propre chair, les sponsors potentiels se détournant dès lors de l’un ou l’autre club pour s’associer à la Fan Card? Peut-être, mais la Ligue Pro dira que si tout le monde a sa Fan Card gratuite, on ne pourra plus dire qu’elle empêche les spectateurs potentiels d’aller au foot et que l’ensemble du secteur en profitera.

La Fan Card finira par entrer dans les moeurs. Au même titre que l’application de plus en plus dure des prescriptions de la Licence Pro. Elle fait partie des soubresauts d’un football professionnel en mutation.

La Fan Card finira par entrer dans les moeurs. Au même titre que la Licence Pro.

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