» Il faut que ça change ! « 

En janvier dernier, l’attaquant aurait pu être transféré au Standard mais les choses ne se sont pas faites dans des conditions peu valorisantes pour le joueur…

Au classique  » Comment ça va ? », Elimane Coulibaly (30 ans) répond évasivement par une phrase assez énigmatique :  » Mieux qu’en janvier ! « . Et il enchaîne avec une citation du philosophe Friedrich Nietzsche :  » Ce qui ne tue pas, rend plus fort… « 

Que s’est-il passé en janvier ?

Elimane Coulibaly : Des choses étonnantes. Quand un club comme le Standard s’intéresse à vous, vous êtes évidemment honoré. Mais que Gand était prêt à me vendre, cela m’a effrayé. Autre surprise : la divulgation de ma feuille de paie. A Gand, j’ai été engagé comme doublure de Zlatan Ljubijankic avec un contrat conforme à ce statut de remplaçant. Mais quand j’étais en négociations à Liège, mes interlocuteurs savaient précisément ce que je gagnais à Gand ! A Liège, j’ai passé avec succès les tests médicaux mais je ne suis pas arrivé à un accord financier. D’autre part, je n’ai toujours pas obtenu ici à Gand l’adaptation de contrat prévue. J’ai l’impression que certains me considèrent encore toujours comme un footballeur de Provinciale. Ce n’est que ma troisième saison en Jupiler League mais j’ai déjà beaucoup appris et progressé en ce laps de temps.

Vous estimez ne pas être apprécié à votre vraie valeur à Gand ?

C’est un club où il y a beaucoup de va-et-vient, sans trop de considération pour les gens, semble-t-il. Voyez le cas de Randal Azofeifa. Bien installé et intégré à Gand, avec femme et enfants, il est subitement transféré en janvier en Turquie à Gençerbirligi. Moi, je ne suis arrivé que la saison dernière de Courtrai. Mon contrat court jusqu’à la fin de la saison prochaine. Après je serai libre. Je suis devenu le meilleur buteur du club. J’ai aussi fait la différence en finale de la Coupe de Belgique. Certains oublient vite. De plus, on a colporté de fausses informations à mon sujet. Ce n’est pas la première fois que je me sens trahi. Désormais, je veux que cela change.

Après un début de saison difficile, les choses se sont améliorées ?

Oui, j’ai réussi des buts décisifs, notamment en Europa League face à Feyenoord. Mais je regrette les trois matches de suspension à la suite de l’incident avec Carl Hoefkens et les deux semaines d’indisponibilité pour blessure. Néanmoins, j’étais satisfait à l’issue du premier tour. J’avais réalisé un pas en avant. C’est pourquoi je me suis tellement étonné de l’issue des événements de janvier.

Mais ensuite vous avez à nouveau été écarté de l’équipe de base. Pourquoi ?

Je n’ai pas joué contre Courtrai, mon ancien club, à l’étonnement de tous. Des gens m’ont demandé si j’étais blessé. Hein Vanhaezebrouck a même déclaré qu’il était content que je ne joue pas. J’ai aussi raté les matches contre Woluwé et Lokeren. Mais j’ai réagi vigoureusement, je me suis battu et j’ai ensuite réalisé des prestations déterminantes, surtout contre le Standard, que nous avons battu très largement en championnat. A présent, la page est tournée. J’ai appris que dans le football professionnel il faut être prêt à tout encaisser, surtout ne pas pleurnicher. Leye, Rosales, Custovic et Azofeifa sont partis. Autant de joueurs qui ont tous connu leurs moments de gloire au cours de notre fantastique saison passée. Moi, je suis toujours là. Et je me donne à fond. Je viens même dégager des ballons de la tête en renfort défensif. J’ai soif de toujours faire mieux, de m’améliorer. Je veux être champion avec La Gantoise.

Est-ce vraiment réalisable ?

Oui, j’y crois. Au départ de la saison, l’objectif du club était l’obtention d’un ticket européen. Personnellement, je vise le plus haut possible : le titre. Et c’est toujours possible. Les play-offs constituent une compétition très particulière : dix matches au sommet de trois en quatre jours et 30 points à gagner. Dans une telle formule, une équipe en forme peut réaliser une grande différence sur une autre qui ne l’est pas. Nous, notre avantage est d’aussi pouvoir gagner en ne jouant pas bien. C’est aussi ma qualité personnelle : si je ne marque pas, je rends meilleurs les joueurs qui m’entourent en les sollicitant davantage. Je crois donc le titre possible et je ne suis pas le seul. Cela se voit à l’entraînement. Nous formons un groupe d’excellents footballeurs et de personnalités diverses qui veulent tous gagner et se valoriser. En revanche, une défaite peut mettre le feu à la maison. Seule la victoire nous calme. Et si le titre n’échoit pas à Gand cette année, je suis persuadé que ce groupe jeune arrivera à le conquérir ultérieurement quand tout ce talent aura un peu mûri.

 » J’ai dû changer de style et plus construire « 

Avec Francky Dury, Gand évolue différemment que sous Michel Preud’homme la saison dernière. Quelles sont les différences ?

Actuellement, c’est plus difficile comme ça l’est quand on doit intégrer un nouveau système de jeu, mais je m’adapte. Avec Preud’homme nous pratiquions un football plus direct et mon jeu personnel était davantage axé sur la conclusion. Cela a demandé beaucoup de travail pour réaliser l’objectif. A présent, je dois changer de style et participer plus à la construction. Je touche davantage de ballons en dehors du grand rectangle. C’est excellent pour mon évolution, mais j’estime quand même que mon meilleur rendement réside dans ma présence dans les 16 mètres. Parfois, comme face au Standard, nous évoluons avec deux jeunes dribbleurs sur les flancs, Yaya Soumahoro (21 ans) et Yassine El Ghanassy (20 ans), ce qui réclame à nouveau du changement pour l’homme de pointe. Ces deux footballeurs apportent un plus à l’équipe mais ce n’est pas facile de jouer avec eux. La plupart du temps, on ne sait pas quand le ballon va arriver. On a beau mieux les connaître, il y a encore des surprises. L’avantage pour moi est que leur présence ne m’oblige plus de me déporter sans cesse sur les flans. Quand on leur adresse le ballon, je sais que je peux me poster dans les 16 mètres. Yaya ne recherche pas systématiquement le dribble. Il est aussi capable d’ajuster un centre de 40 mètres. Yassine, lui, s’engage à chaque fois dans une action individuelle bien que désormais il cède plus rapidement le ballon. La saison dernière il continuait pratiquement à dribbler indéfiniment. A présent, il a fourni plusieurs bons assists qui m’ont permis d’inscrire un but et il marque aussi lui-même. Il évolue donc positivement et sa marche de progression est encore grande. Yaya est le plus rapide de nous tous et réussit facilement un goal, mais il est souvent blessé. C’est parce qu’il n’a pas connu de repos l’été dernier. Il est passé sans vacances d’une saison à l’autre. Je pense qu’il ira très loin. Mais je crois le plus en Conte, un footballeur du type Boussoufa. Il peut devenir le meilleur joueur de la compétition belge.

Vous vous laissez encore parfois emporter par vos impulsions comme à l’occasion du match contre Bruges et l’incident avec Hoefkens. Vous éprouvez des difficultés à vous calmer ?

Comme jeune Sénégalais originaire d’un quartier de Dakar, la vie n’a pas toujours été facile. Tout ce que j’ai obtenu pour moi, pour ma famille et pour mes amis est le fruit d’obstination, de luttes et parfois de bagarres, même au sens premier du terme. Mais le coup de coude que j’ai délivré à Hoefkens n’était absolument pas une action délibérée. J’étais très impressionné et affecté de l’impact produit par ces images à la télévision. Comme si j’avais tué quelqu’un ! Un tel geste n’a pas sa place sur un terrain de football, mais j’ai été puni. J’ai purgé ma peine de trois semaines de suspension et j’en ai tiré les leçons. Il n’y a rien d’autre à voir et à chercher dans cet incident. Cela n’a d’ailleurs pas non plus été une période facile pour mon épouse car il existe des gens plus agréables à côtoyer qu’un Coulibaly privé de football. Moi, je savais que j’allais revenir. Et je suis effectivement revenu, même plus fort qu’avant. Depuis lors, je pratique également le yoga. Cela m’aide beaucoup. Je me sens mentalement plus serein et aussi physiquement plus souple. Jacky Dury joue également un rôle déterminant dans ma recherche d’une plus grande maîtrise par la manière dont il me parle et m’approche quand j’ai tendance à m’énerver. Cela aide…

Votre route croise encore celle du Standard en cette fin de saison. L’intérêt du club liégeois pourrait-il resurgir ?

Je n’en sais rien. Depuis nos entretiens en janvier, je n’ai plus rien entendu de la part du club liégeois. Un journaliste de Belgacom TV m’a raconté que des dirigeants liégeois lui avaient confié leur regret de ne m’avoir finalement pas engagé. En tout cas, je reste très ambitieux. Bientôt j’entamerai la dernière année de mon contrat en cours à Gand et ce qui s’est passé en janvier est très significatif et instructif à mes yeux. On verra bien ce qui se passera.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

 » Le titre est toujours possible. Les play-offs constituent une compétition très particulière ! « 

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