« Il faut oublier le RWDM »

Le chef de file du nouveau club bruxellois ne veut pas perdre de temps. Mais le monde politique acceptera-t-il tous ses plans?

Entrepreneur, Johan Vermeerch a l’habitude de travailler vite: il suffit de se rendre dans les bureaux de son entreprise de construction, à Ternat, pour comprendre que chaque seconde qui passe vaut de l’argent. « Ce sera le projet, tout le projet, rien que le projet et aucune question », lance-t-il.

Johan Vermeersch fonce. « Oui, j’aurai besoin de l’appui des autorités concernées mais je n’ai pas de temps à perdre. J’ai déjà donné en la matière. Je m’étais retiré naguère du RWDM parce que je ne comprenais rien au jeu d’une présidence très politique dans sa façon de voir les choses. A mon époque, le RWDM était européen avec un budget de 1,5 million d’euros pour l’équipe ».

Johan Vermeersch ne parlait pas exactement le même langage que Serge Villain. « Notre projet est très simple à comprendre », avance-t-il. « Il est minuit moins une: si on ne réagit pas, il n’y aura plus jamais de deuxième grand club bruxellois. Et cette école de la vie qu’est le football en prendra un fameux coup. C’est maintenant ou jamais ».

Le ton est décidé. Ses propos semblent indiquer que c’est à prendre ou à laisser: « Je ne suis évidemment pas un dictateur. Mais quand on n’est pas ferme, c’est le laisser-aller comme ce fut déjà le cas au RWDM. L’anarchie même et je n’ai plus de temps à perdre. Si je ne suis pas suivi, je me retirerai avec regret ».

Vous êtes déjà installé à Molenbeek: n’est-ce pas la preuve quele projet est devenu une réalité pour longtemps?

Johan Vermeersch: Pour longtemps, c’est ce que j’espère. Mais je ferai plusieurs bilans en cours de saison et surtout à la fin du championnat. J’ai un accord avec Philippe Moureaux, le bourgmestre de Molenbeek: j’ai obtenu, à titre personnel, le droit d’occuper le stade que je mets à la disposition de Strombeek. Cet accommodement arrivera à terme en juin prochain: cela veut dire qu’il faudra avancer vite, étayer notre projet, pour prouver que nos théories tiennent la route. Si nous avons planté notre tente au stade Machtens, c’est parce que les installations sont dignes de la D2 maintenant, de la D1 demain si nous la rejoignons. Il faut oublier le RWDM, c’est le passé, ce club n’existe plus. Notre initiative est partiellement molenbeekoise, car cette commune fait partie de l’agglomération, mais est d’abord totalement bruxelloise. Le but est de créer un club où toutes les couches de la population de la capitale seront les bienvenues: francophones, néerlandophones, émigrés, enfants des fonctionnaires internationaux, etc. C’est une richesse. Et il faut l’inscrire dans le cadre d’un football belge qui changera très vite. A mon avis, il y aura un jour une D1 à 10 ou 12 clubs et une D2 semi-pro. Puis, en dessous, ce sera le football amateur. Le FC Brussels aura sa place, si tout se passe bien, en D2 et un étage plus haut, pourquoi pas, si toutes les conjonctures, sportives et financières, s’unissent. Il faut être réaliste quand on étudie le paysage sportif de la capitale. Molenbeek seul, ça ne va plus. St-Gilles, Uccle, Schaerbeek, Etterbeek, Ixelles, Boitsfort, Woluwé, Forest et les autres non plus. Il y a là des clubs de D3, Promotion ou des séries provinciales: pour viser plus haut, la capitale a besoin d’autre chose. Déjà des équipements pour 5.000 jeunes!

Qu’attendez-vous des autorités de la région?

L’Entente bruxelloise des clubs représente 33 clubs et 5.000 jeunes. Le FC Brussels doit être le chaînon indispensable entre le monde amateur et le top belge. Je ne veux pas la fin de tous ces clubs, au contraire, car ils assument un rôle social important. Mais j’aimerais que le FC Brussels soit la locomotive de quatre ou cinq grands centres de formation disséminés aux quatre coins de la capitale: Woluwé, Schaerbeek, Molenbeek et Forest-Uccle. Là, les jeunes seraient pris en mains par des entraîneurs diplômés, des éducateurs, des formateurs. Le monde des affaires est intéressé par cette dimension bruxelloise. Un profil plus local n’aurait pas le même impact. Mon projet a déjà faut bouger une banque qui offrirait un compte et une première somme de 25 euros à chaque jeune qui s’affilie à un des clubs concernés par le projet. Un fabricant m’a promis 5.000 équipements et paires de chaussures. Le projet est global et ne concerne pas que le FC Brusselsmais toute la région. Chaque jeune fréquentant ces centres de formation serait libre de s’entraîner et de jouer dans le club bruxellois de son choix le week-end. Les antennes locales leur apporteraient tout si leur club de base n’est pas à la hauteur, ou un « plus » technique, mental et tactique. Ces centres appartiendraient en quelque sorte à tous les clubs bruxellois. Tout ce que je demande, ce sont des installations et des entraîneurs. Le projet dépasse donc les capacités d’une seule commune. Si la Région de Bruxelles-Capitale n’embraye pas, le centre du pays deviendra un désert footballistique par manque de moyens ou de vision sportive et ce sera aussi un drame social pour les jeunes.

Cela passe d’abord par la réussite du FC Brussels en D2: pour avancer, n’aviez-vous pas misé sur deux tableaux, c’est-à-dire la reprise du RWDM et un accord avec Strombeek?

Oui. J’ai essayé de sauver le matricule 47. Impossible. Je ne savais pas à combien s’élevaient les dettes fédérales. Elles avaient été fixées ponctuellement à 72.000 euros mais le chiffre pouvait varier à chaque seconde, si je puis dire, en fonction de futures ardoises fédérales et autres. On a cité à un moment un chiffre de 7 millions d’euros pour l’ensemble des créances. Mon idée numéro 1 était de fusionner le matricule 47 et Strombeek, c’était impossible et je suis passé au deuxième scénario: installer les banlieusards (qui gardent leur numéro de matricule) au stade Machtens avant de changer de nom la saison prochaine. Cela arrange tout le monde. Strombeek a été remarquablement géré sur le plan sportif mais son avenir se situait en D3 ou en Promotion car ce cercle est l’émanation d’un quartier. Cela ne suffit pas pour assurer le futur financier d’un club. Pour eux, le long terme passe par le FC Brussels ou le football amateur. Tout le monde se rejoint dans une formule plus ambitieuse. Il y a 21.000 entreprises belges dans et autour de la capitale de l’Europe. Elles s’identifieront plus facilement au FC Brussels qu’au RWDM, à Strombeek, ou à un autre petit club de la capitale.

Quel est le budget de ce club pour la D2?

Il tourne autour de 100.000 euros. Je m’occupe déjà de la cellule financière. Strombeek apporte son excellente culture de club. Le président a, notamment, le catering, donc la restauration, dans ses attributions. Au secrétariat, il y a des anciens du RWDM et, en quelque sorte, il y a une addition de compétences qui doivent se mettre en place. Danny Ost occupe le poste de coach et il doit avoir sa chance. Mais il est évident que je suis là pour l’aider. Je l’avais déjà fait avec René Vandereycken avec qui j’avais une longue conversation chaque semaine. Un entraîneur doit travailler dans le contexte fixé par le club. Ost doit réussir l’osmose entre les gens de Strombeek et pas mal de joueurs de l’ancien RWDM. C’est un gros boulot. Je sais que beaucoup ont cité le nom de Marc Wuyts qui s’est bien battu au RWDM. Chapeau mais il y avait un organigramme sportif bien en place à Strombeek: cela se respecte et, de plus, la philosophie de ce club a souvent étéexcellente. Jai personnellement pris en charge le salaire d’anciens joueurs mis à la disposition d’Ost. « Boskamp a l’art de travailler avec les jeunes »

Il a été question du retour de Johan Boskamp: est-ce envisageable alors que le budget du club n’est pas énorme?

Boskamp a du nez pour découvrir et faire mûrir le bon blé. En fait, il faut d’abord avancer dans notre projet de centres de formation. Quand ce sera bien au point, je crois que Johan Boskamp pourrait être intéressé. Un bel objectif et des possibilités de l’atteindre, c’est plus important qu’un contrat ou de l’argent, c’est une oeuvre; peut-être la plus belle d’une carrière ou d’une vie. C’est le genre de défi qui ne peut qu’intéresser Johan Boskamp.

Mais qu’est-ce qui nous dit que le FC Brussels serait plus viable que le RWDM?

Le club aura la dimension de la capitale. C’est toute une région qui, directement ou indirectement, s’identifiera à son club.

Mais les autorités politiques de Molenbeek veulent une présence de leur commune dans la nouvelle appellation: est-ce un problème?

Non, on peut trouver des solutions mais elles doivent comprendre que ce n’est pas l’ambassadeur de leur commune. Le Daring et le RWDM ont disparu car l’identification avec Bruxelles ne se faisait pas…

Sauf quand on parlait du Daring Club de Bruxelles: les politiciens insistèrent pour que le matricule 2 (le RWDM obtint le matricule 47 lors de la fusion entre le Racing White et le Daring en 1973) deviennent le Daring de Molenbeek…

Ce sera le FC Brussels car cela répond à une réalité de notre époque. Mais on peut trouver des ajouts qui conviennent à Molenbeek. FC Brussels 1080, par exemple afin de faire référence au numéro de canton postal. En tout cas, la référence, ce sera FC Brussels. Molenbeek doit comprendre que l’on ne peut pas être nombriliste dans ce projet. Evidemment que tout le monde saura que le FC Brussels joue à Molenbeek. Il y a là un complexe formidable qu’il faut mettre en exergue. Si on n’y joue pas, cela ne ressemblera plus à rien.

Ce stade et la superficie occupée vaudraient 25 millions d’euros, ce qui fait dire aux autorités politiques qu’elles sont déjà le plus gros sponsor du club…

Je ne nie pas du tout l’importance de leurs efforts et je devine parfaitement que nous sommes plus ou moins sur la même longueur d’onde. Nous avons besoin les uns des autres. Mais il faut aller vite, je ne suis pas un homme patient.

Vite, ce n’est pas le propre des politiciens. En général, ils prennent tout leur temps.

Non, le temps presse. Je ne veux pas investir de l’argent et du temps si c’est pour faire du sur-place. Je dresserai un bilan financier en mai puis j’en ferai autant en ce qui concerne les appuis. Le privé répond déjà présent, le politique doit comprendre que c’est un dossier important. Il faut foncer, rien à faire. En avant. J’accepterai les critiques et remarques positives, pas le reste. Il y a toujours des gens qui bloquent tout: ils sont fatigants. Le FC Brussels sera populaire et appartiendra aux Bruxellois et je veux éviter une solution à la Standard. Ce club a été repris par des investisseurs étrangers et est devenu une coquille vide. Les décisions sont prises à l’étranger et les Liégeois ne reconnaissent plus leur club. Le FC Brussels n’aura pas la dimension du Standard mais son âme sera celle de sa région.

L’ancienne tribune est fermée…

Oui, les spectateurs auraient pu y être en danger. Mais, de toute façon, il nous reste 8.0000 places, c’est assez pour la D2.50% de chances de réussite

La commune y fera des travaux importants: heureusement qu’il y a l’autre tribune tant décriée car chère…

Elle a probablement été à la base des gros problèmes de trésorerie du RWDM. Lors de mon passage dans les années ’90, mon budget clôturé était de 112 millions de francs belges (on ne parlait pas encore d’euros) mais il fallait déduire 33 millions pour l’amortissement de la nouvelle tribune, 11 millions pour les jeunes, etc. Il me restait 60 millions pour l’équipe. Cette tribune pesait lourd. A l’époque, je n’avais pas assez de terrains pour mes 27 équipes. Puis, j’avais dans le pattes un politicien avec un gros cigare. Je ne savais pas ce que Serge Villain venait faireau RWDM: il ignorait si un ballon était rond ou carré. Quand je suis parti, il y avait la tribune à amortir et un prêt de 25 millions de francs belges. La suite ne me concernait plus.

Anderlecht avait aussi songé à ajouter Brussels à son appellation. Ne coupez-vous pas l’herbe sous le pied des Mauves?

Non, Anderlecht a une dimension européenne. C’est le fruit de dizaines d’années de travail acharné. Ce club a son nom, sa réputation, sa légende. Il se situe à Bruxelles, le monde entier le sait. Pour un autre club de la capitale, c’est différent. Tout le monde ne peut pas aller à Anderlecht. Il y a donc de la place pour un FC Brussels qui rien qu’à lui seul aura 600 jeunes. C’est d’abord à eux que je songe. En les aidant, on donne une raison de vivre au FC Brussels.

Quelles sont vos chances de réussite?

Si tout le monde tire à la corde dans le même sens, nous avons 50% de chances de mener ce projet à bien. Ce pourcentage augmentera ou diminuera en fonction de la force de nos ambitions.

Pierre Bilic

« On saura que le FC Brussels joue à Molenbeek »

« Le temps presse, il faut foncer »

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