« Il faut oser, pas forcément être fou »

Révélation carolo du dernier championnat, Parfait continue sur sa lancée en ce début de compétition. Le poids du frère, la concurrence, l’équipe nationale congolaise et les photos bizarres : le Franco-Congolais s’est livré avec le sourire.

Jeudi 15 août, alors que la Belgique entière profite du congé de l’Assomption, il n’est pas question de trêve au Sporting de Charleroi où Felice Mazzu a dispensé l’entraînement matinal. A notre arrivée au stade du pays de Charleroi, Parfait Mandanda est déjà en place dans la salle de presse. Tablette à la main, le gardien zébré tue le temps en jouant à Candy Crush, l’application la plus téléchargée du moment.  » C’est un jeu de fou. Tu fais une partie avant de dormir, tu perds donc tu recommences et quand tu lèves la tête, il est une heure du matin « , plaisante le Franco-Congolais. Si ses nuits s’en trouvent raccourcies, ses performances n’en pâtissent pas comme le prouvent ses arrêts déterminants face à Mons il y a une semaine et demie.

Parfait, comment tu juges le début de saison carolo ?

C’est pas mal. A Bruges, on perd mais on peut sortir la tête haute. Si Jamal Thiaré mets l’occasion qu’il loupe, on rentre à la maison avec un point. Contre Waasland, on perd deux points avec cette histoire de hors-jeu et contre Mons, on s’est bien repris en deuxième mi-temps. J’espère qu’on va vivre une grande saison.

Une grande saison ça signifie quoi ?

Pour nous, c’est terminer dans la colonne de gauche.

Tu as fait un gros match contre Mons, Onur Kaya a même dit dans la presse que tu étais un sorcier.

Ouais, il me taquine parce qu’à l’entraînement il n’arrive pas à marquer contre moi. C’est pour ça qu’il dit ça (rires). Après c’est mon rôle, quand l’équipe est un peu moins bien, de montrer que je suis là.

Vous allez enchaîner Anderlecht et Genk, tu vas encore avoir l’occasion de te mettre en évidence.

Oui mais j’espère pas trop quand même. Quelques arrêts OK mais pas en encaisser six comme l’année passée au Standard parce qu’après c’est dur de se relever. Pour l’instant on est serein, j’espère qu’on ne va pas leur laisser trop de possibilités. Juste deux ou trois et que je les sorte.

Tu vois qui champion cette année ?

C’est difficile à dire parce que ça vient de commencer mais pour l’instant je vois bien le Standard. Et Lokeren aussi.

Lokeren ?

Ouais, ils ont fait un excellent début de championnat, ils sont vraiment costauds.

Tu avais un sérieux concurrent l’an passé avec Michalis Sifakis, comment tu as géré ça ?

La concurrence c’est nécessaire. L’année dernière c’était Sifakis, maintenant c’est Olivier Renard, l’année prochaine ce sera peut-être quelqu’un d’autre. Ça permet d’aller de l’avant, de progresser, de te donner à fond, d’élever ton niveau. C’est toujours intéressant. Avec Olivier, ça se passe très bien. C’est un bon gardien, une bonne personne. Il m’apporte beaucoup, il donne ses conseils et il est toujours ouvert et gentil.

Tu n’as pas eu peur de ne pas récupérer ton poste après la CAN ?

Je savais que quand j’allais revenir je ne jouerai pas tout de suite. Sifakis est un bon gardien, il devait prouver qu’il était là. De toute façon, je ne pouvais pas dire non à mon pays. J’ai pris mes responsabilités et je n’ai pas eu de soucis par rapport à ça. Il faut accepter les choix du coach. Au final, j’ai rejoué et je suis satisfait de ma saison.

Désormais, tu as acquis un autre statut à Charleroi et dans le championnat. Tu en es fier ?

Bien sûr, mais il ne faut pas prendre la grosse tête et continuer à travailler parce que le chemin est encore long. Tu montes vite et tu redescends très vite aussi. On oublie rapidement ce que tu as fait auparavant et il y a toujours une nouvelle page qui s’ouvre, toujours un nouveau match. L’an passé, j’ai joué, j’ai pu m’affirmer, me montrer, prendre de l’expérience. Et même en D2, sur le banc, j’ai progressé grâce au travail accompli avec l’entraîneur des gardiens Michel Iannacone. Après il faut avoir le mental. J’ai toujours été quelqu’un qui travaille beaucoup même en dehors des entraînements.

 » Le président, il est Turc ou quoi ?  »

Comment s’est passée ton arrivée à Charleroi ?

J’ai fait un essai pendant un mois avant de signer. A la base, je devais jouer, je sortais d’une très bonne saison en Turquie mais je me suis loupé dès mon premier match. Je pense que la direction a pris peur. Elle a engagé Stéphane Coqu et c’était fini pour moi.

Tu ne t’es pas demandé dans quelle galère tu t’étais fourré avec le président Abbas Bayat et tous les changements de coaches qu’il y a eu cette année-là ?

Si, je trouvais ça un peu étrange mais disons que j’avais l’habitude puisque je venais de Turquie où on vire les coaches en un claquement de doigt. Je me suis dit :  » Le président il est Turc ou quoi ?  » Cela dit, nous les joueurs, on ne ressentait pas trop les problèmes. C’est plus le staff qui avait la pression même si ça faisait bizarre de voir un président descendre dans les vestiaires pour nous engueuler quand on perdait. Mais maintenant les choses ont changé. L’environnement est plus pro. Tu te sens dans un club  » normal « .

C’était comment ta saison en Turquie ?

J’avais signé pour trois ans à Altay Izmir en D2 en tant que remplaçant. J’étais dans une belle ville, très touristique. A part les entraînements, c’était un peu les vacances. La vie n’est pas chère, tu manges toujours dehors, il fait chaud. Le titulaire s’est blessé au bout de la quatrième journée. J’ai enchaîné une dizaine de matches puis il a récupéré sa place comme il était capitaine et on a dégringolé au classement. Au final, on est descendu en D3 et j’ai cassé mon contrat.

En parlant de vacances, tu n’en as pas eu beaucoup cette année ?

C’est clair. En fin de saison, j’ai directement enchaîné avec un stage avec l’équipe nationale. En revenant j’ai eu quatre jours libres durant lesquels j’ai coupé mon téléphone : je ne voulais plus entendre parler de foot. Puis j’ai directement commencé la préparation avec Charleroi. C’est dur de ne pas avoir eu de vrai coupure. Je ressens parfois un peu de fatigue mais j’arrive à gérer aux entraînements et les coaches sont compréhensifs. Et puis si l’équipe est meilleure cette saison, c’est aussi grâce à la préparation. L’année passée c’était délicat avec le coach qui est arrivé tard et la reprise du club.

Tu as prolongé ton contrat à Charleroi jusqu’en 2017, tu te vois rester jusque-là ? Tu as un plan de carrière ?

Pour l’instant oui je me vois bien rester puisqu’il n’y a pas de soucis. Je joue, ça se passe bien. Concernant un plan de carrière, mon but ça a toujours été de devenir pro parce que je savais que ce n’était pas facile. Aujourd’hui, l’objectif c’est de le rester. Après j’aimerais gagner des titres. J’ai été champion en D2 pourquoi pas viser aussi un titre en D1.

Tu penses quoi du système des play-offs ?

Je n’aime pas tellement. Le pire c’est les PO3 : cinq fois la même équipe au bout d’un moment tout le monde doit en avoir marre, les joueurs comme les supporters qui doivent se taper le même match à longueur de semaine. Certes les play-offs 1 ça fait de belles rencontres mais personnellement je préfère un système classique.

Il y a des gardiens qui t’impressionnent en Belgique ?

Silvio Proto est très fort. Copa Boubacar aussi c’est du solide et je trouve qu’en ce moment Eiji Kawashima montre qu’il faudra compter avec lui.

Et à l’étranger, tu as un modèle ?

J’aime beaucoup le style d’Iker Casillas mais mon modèle c’est évidemment mon frère (NDLR : Steve Mandanda, gardien de Marseille et de l’équipe de France).

 » Le frère Mandanda, il est pourri  »

T’en as pas marre qu’on te parle toujours de lui ?

Si, c’est lourd mais je suis obligé de vivre avec ça. C’est mon frère, on fait le même métier au même poste. Ça fait partie du foot. Et encore, ici, on m’en parle moins qu’en France parce que là c’est vraiment tout le temps.

C’était nécessaire de quitter la France pour te faire un prénom ?

Oui. Par exemple, pendant la préparation, on a joué Reims. La première chose que leur coach, Hubert Fournier, a demandé à Felice Mazzu c’est :  » Il est aussi bon que son frère ?  » Pourquoi ça directement ? J’étais obligé de partir pour souffler, pour me libérer de cette comparaison constante. Si j’avais fait un mauvais match à Reims, on aurait dit :  » Le frère Mandanda il est pourri !  » Partout où je passe, je suis  » le frère de « . Si je suis bon :  » Ils sont trop forts dans la famille « . Si je loupe un match :  » Il n’y a que le grand qui est fort « .

Tu ne penses pas que ton nom a pu parfois te servir ?

Non, quand j’étais à Beauvais, j’étais venu pour être deuxième gardien. Le coach m’a un jour demandé une place pour aller voir Marseille-Nancy. C’était impossible. Du jour au lendemain, je suis passé quatrième gardien. Moi je suis content que mon frère ait réussi mais je ne le crie pas dans la rue. Souvent, quand on me pose la question, je dis:  » Non, on porte le même nom mais ce n’est pas mon frère  » parce qu’au bout d’un moment c’est lourd.

Tu as encore deux autres frères qui sont gardiens. On dit souvent qu’il faut être un peu fou pour jouer au goal. Les Mandanda c’est une famille de fous alors ?

Non, je pense juste qu’il faut avoir un minimum de caractère. Il faut oser, pas forcément être fou. Je ne suis pas fou, hein. Je suis tranquille.

C’est-à-dire ?

Je suis à la maison, avec ma fille d’un an et demi. Je vais au restaurant avec Bison Gnohéré que je connais depuis 10 ans, on est toujours ensemble. Quand je sors c’est bowling-karting, tu verras jamais ma tête dans les journaux en boîte au petit matin.

Et tu es sensible à ce qu’on dit de toi dans les journaux ?

Je lis ce qu’on écrit sur moi mais ça ne me touche pas forcément. Ce que j’aime surtout ce sont les photos parce que je sais qu’en match je fais des têtes bizarres alors je les prends et je me moque de moi-même.

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Quand je sors c’est bowling-karting, tu verras jamais ma tête dans les journaux en boîte au petit matin.  »

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