» Il faut jouer comme des CHAMPIONS « 

Notre international parle d’avenir en club et de ses grandes ambitions avec les Diables.

« Si tu joues comme hier, ça va pas être évident face aux Belges « , sourit Patrick Kluivert, désormais entraîneur des Espoirs de Twente mais aussi deuxième adjoint de Louis van Gaal en sélection. Et de fait, la veille face au Mlada Boleslav, Nacer Chadli en fait voir de toutes les couleurs à la défense tchèque (2-0). Un but et le titre d’homme du match, de quoi fêter avec la banane ses 23 printemps.

Accompagné de son agent Daniel Evrard et de son conseiller Rubenilson (ex-joueur du Standard et du RWDM) qui l’a relancé après avoir été éjecté de l’école des jeunes du Standard, le bogoss des Diables prend le temps de s’épancher sur son futur et celui des Diables avant de reprendre la route vers Liège où est basée sa famille mais aussi les 240 mètres carrés du magasin de sapes qu’il vient d’ouvrir à Neupré avec un ami.  » J’ai toujours aimé la mode et ce magasin est une manière pour moi de placer mon argent « , explique-t-il.

Tu sembles en pleine bourre ces dernières semaines. Comment expliques-tu que ça marche si fort pour toi après une année en dents de scie ?

Nacer Chadli : D’une part, je joue à ma meilleure place, avant gauche. Et puis physiquement, je me sens très bien. La saison dernière, je me suis blessé après un mois de préparation. Quand je suis revenu dans le parcours, j’ai été mis à toutes les sauces. Dès qu’il fallait combler un trou dans l’équipe, l’entraîneur faisait appel à moi. J’ai joué à droite, en dix, trois rencontres seulement à gauche. J’ai même joué milieu défensif. Ce n’a pas été évident pour moi. Je pense que pour être vraiment performant il faut que je me tienne à une même place sur la durée. Je jouais des matches  » normaux  » mais je ne sortais plus du lot et ça me frustrait. Et ça frustrait un peu tout le monde d’ailleurs… J’étais moins décisif et je recevais donc beaucoup moins de ballons. C’est comme si mes coéquipiers me faisaient moins confiance. Depuis que j’ai retrouvé mon côté gauche, beaucoup de ballons passent enfin par moi.

Des chocolats plus que des buts

Il est beaucoup question de ton avenir ces derniers jours. Qu’en est-il ?

Je ne sais pas. Il me reste deux ans de contrat à Twente…

Mais qu’espères-tu ?

Evoluer dans une grande compétition. Et je pense avoir les qualités pour… Je pense être plus fort que l’année passée. Footballistiquement, je suis plus mature dans mon jeu. Durant la préparation, j’ai marqué très facilement, on m’a même essayé en pointe en Finlande où j’ai inscrit deux buts. Mais mon truc à moi, ça reste donner des  » chocolats  » davantage que marquer. Je trouve ça plus beau. Dans le foot, j’ai toujours regardé celui qui faisait la différence dans le jeu grâce à une passe que le buteur.

As-tu le sentiment que la compétition hollandaise est devenue trop petite pour toi ?

C’est compliqué à dire. Ça fait deux ans que je suis ici et je ne pense pas que je m’améliorerai en restant encore une saison. D’autant que pour un club comme Twente, c’est difficile de passer un palier. Chaque année, le club est obligé de vendre ses deux-trois meilleurs éléments. Je crois que mon développement passe par une autre compétition mais je n’ai pas toutes les cartes en mains pour décider de mon avenir…

Quel championnat a ta préférence ?

Ça se joue entre l’Allemagne et l’Angleterre. Et si je peux aller dans un grand club italien, je ne dirais évidemment pas non.

Qu’as-tu à offrir à un club d’un de ces championnats ?

Je peux marquer, je peux donner de bons ballons de but, je ne perds pas souvent la balle, et j’ai une intelligence de jeu qui s’est bonifiée avec le temps. Par rapport à la moyenne, j’ai cette créativité dans mon jeu qui peut faire la différence en match. En dehors des terrains, je pense être facile à vivre. En deux ans, je me suis pris la tête avec personne. Je ne suis pas un poseur de problèmes ( il rit). Je préfère les résoudre…

 » L’équipe nationale comme extra « 

Tu es désormais un des indiscutables de l’équipe nationale. Et pourtant, vous êtes de moins en moins nombreux à évoluer dans une petite compétition. Est-ce qu’il y a une forme d’émulation qui s’installe entre vous ?

Quand je rejoins l’équipe nationale, je sens que c’est un autre niveau, je sens que mes équipiers côtoient des grands joueurs. Ça se sent dans leur manière d’évoluer mais aussi de communiquer. C’est évident que pour les rares qui ne jouent pas encore dans un grand club, c’est stimulant ce qui se passe dans le foot belge.

Qui sont les joueurs qui t’impressionnent chez les Diables ?

Radja Nainggolan et Moussa Dembélé. Du moins parmi les joueurs dont on ne parle pas beaucoup. Radja est vraiment impressionnant physiquement, ça ne m’étonne pas de le voir suivi par ce qui se fait de mieux en Italie. Et Moussa a une protection de balle incroyable, il est quasi impossible de la lui prendre. Witsel, Hazard, Kompany, Fellaini, c’est très fort mais tout le monde le sait. Ce sont d’eux dont on attend qu’ils fassent la différence lors de chaque match des Diables.

Y a-t-il une aussi bonne ambiance chez les Diables qu’on le prétend ?

Oui. J’ai autant d’amis chez les Wallons que chez les Flamands. Pour moi, c’est un plaisir de retrouver les Diables. Je retrouve mes potes…

Ton meilleur ami, Witsel, est aujourd’hui cité dans les plus grands clubs. Tu imaginais qu’il puisse prendre une dimension pareille en si peu de temps ?

Le fait de signer à Benfica a été une décision intelligente. On n’en a pas mal parlé entre nous la saison dernière quand on s’est retrouvé en équipe nationale. Il aurait pu, par exemple, signer au Milan AC. Mais je pense qu’il a véritablement été charmé quand il a visité les installations du club lisboète et par le discours de leurs dirigeants.

Que son nom soit désormais cité au Real, ça a quelque chose d’irréel pour un joueur belge non ?

Quand on réussit comme il réussit à Benfica, se retrouver en quarts de la Ligue des Champions et être éliminé injustement par Chelsea, il est logique que l’étape qui suit soit le top absolu et donc un club comme le Real. Moi, ça ne m’étonne pas. C’est un joueur complet. Il a tout. Je ne le vois jamais perdre un ballon, il joue vers l’avant, recherche toujours la solution qui peut amener du danger, il sait éliminer un homme, marquer même si à Benfica il joue un peu trop bas… Et il sait défendre, car physiquement c’est du costaud.

Chez les Diables, la concurrence sur les côtés est énorme avec Mirallas, Dembélé, Mertens, Hazard. Crains-tu de te retrouver sur le banc durant la campagne de qualification ?

La concurrence est là, c’est clair. Mais mon unique but, c’est de jouer de grandes compétitions avec la Belgique. Et peu importe qui est sur le terrain. Je pense d’abord à l’équipe. En club, je joue mes matches, l’équipe nationale est un extra avec lequel je veux aller loin. Pas uniquement jouer des matches amicaux mais participer à de grands tournois. Maintenant il faut y aller ! C’est important pour tout le pays…

 » Wilmots est plus exigeant « 

Qu’est-ce que Wilmots a changé depuis sa récente prise de fonctions ?

C’est encore difficile à dire après deux matches amicaux. Hormis le résultat, on peut être satisfait du jeu produit.

Tu n’as pas trouvé étonnant d’évoluer sans véritable attaquant face à l’Angleterre ?

Si. Je crois qu’Eden peut encore évoluer au poste qu’il a occupé mais il faut alors quelqu’un qui prenne la profondeur. Marouane l’a fait un petit peu mais il est aussi attiré par son boulot défensif… Donc, c’est compliqué.

En quoi Wilmots est-il différent de Leekens ?

Il est plus exigeant que Leekens. Et puis, ça ne fait pas très longtemps qu’il a arrêté et on sent qu’il est encore un peu joueur. Il sait ce qu’il faut faire pour gagner un match. Tout le monde dans le groupe le respecte après ce qu’il a réalisé durant sa carrière. Il a joué dans des grands clubs, disputé de grosses compétition. Qui chez nous a marqué autant de buts ? Qui a disputé plusieurs coupes du monde ? Personne. Et c’était un fameux leader.

Penses-tu pouvoir aussi prétendre à devenir un des leaders de cette génération ?

Ça ne fait pas très longtemps que je fais partie du groupe. Mais quand j’ai quelque chose à dire, je le dis même si je préfère m’exprimer sur le terrain. Avec Simons, Van Buyten, Kompany, je pense qu’il y a suffisamment de leaders dans cette équipe…

En pointe, personne n’a encore le statut d’indiscutable. Qui se dégage d’après toi pour occuper cette place ?

Au vu de ses qualités, je suis convaincu que Lukaku est l’attaquant d’avenir des Diables. Mais pour ça, il faut qu’il joue. Et dès qu’il sera lancé, on aura notre attaquant pour dix ans. Dans sa tête, Romelu est très bien, c’est quelqu’un de sociable, qui discute avec tout le monde. Il doit multiplier les matches pour retrouver la confiance.

Qu’est-ce que les Diables doivent changer pour jouer les premiers rôles ?

C’est surtout dans la tête. Il faut jouer comme des champions, vouloir gagner le match. Ce n’est pas en multipliant les belles actions que l’on va aller en coupe du monde. L’Espagne taquine la balle, la fait circuler mais elle gagne au final. Il est là notre unique objectif désormais. Il faut s’arracher les tripes si on veut aller au bout. Car les Serbes et les Croates, aussi veulent aller au Brésil.

On joue trop à la baballe selon toi ?

Je ne dirais pas ça. Le foot à évolué, l’Espagne ne joue pas comme il y a 20 ans. Et chez les Diables, il y a pas mal de joueurs qui sortent des quartiers, qui ont une bonne technique. Quand les  » petits  » regardent le Brésil, l’Argentine ou l’Espagne, c’est sûr qu’ils ont envie de faire la même chose. Plus jeune, moi j’étais davantage supporter du Standard que du Real. Mais les choses changent, c’est normal que tout le monde veut désormais copier Lionel Messi. Le copier car l’égaler, c’est autre chose…

PAR THOMAS BRICMONT- PHOTOS : IMAGEGLOBE/KETELS

 » Ce n’est pas en multipliant les belles actions que l’on va aller en Coupe du Monde. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire