Il faut bouger quand le soleil commence à somnoler (*)

La D1 belge, le maillot de meilleur buteur, la Coupe d’Afrique, la Ligue 1, une déception lilloise : il a découvert tout ça en moins d’un an. Et maintenant un gros transfert au Club Bruges.

(*) Proverbe malien.

« Entre un footballeur et un entraîneur, le feeling passe, ou pas. Il y a un lien de confiance, ou pas. Entre Abdoulaye Diaby et René Girard, ce n’est pas passé. Je n’ai pas envie d’en dire plus sur leur relation. Simplement, elle était problématique.  »

Ces mots sont du patron sportif de Lille, Jean-Michel Vandamme. Il souhaite tout le meilleur à Diaby et on sent, dans sa voix, qu’il regrette l’échec du Malien au LOSC. Rappelez-vous : en janvier dernier, ce club qui le prêtait à Mouscron le rapatriait dans le Nord de la France.

A priori, les signaux étaient au vert pour qu’il s’impose là-bas. Lille ramait un peu en championnat et son attaquant vedette, Divock Origi, était dans le trou. Il y avait donc une belle place à prendre pour celui qui emmenait le classement des buteurs de notre championnat.

Résultat des courses six mois plus tard ? La cata. La presse française parle d’un bilan lillois famélique pour Abdoulaye Diaby. Elle n’exagère rien : 1 minute de jeu contre Lyon, 11 contre Guingamp, 14 contre Rennes. C’est tout. Pour le reste, 4 présences sur le banc et surtout des matches vécus en tribune.

C’est donc une belle somme (on parle de 2 millions d’euros, plus bonus) que le Club Bruges vient d’allonger pour s’offrir Abdoulaye Diaby. La preuve que Michel Preud’homme croit en lui ? Sur son bulletin de vote pour le dernier Soulier d’Or, pour les suffrages couvrant la première moitié de la saison passée, il lui a donné son point de la troisième place.

Autre preuve de la confiance de MPH : il a déjà essayé de l’avoir en janvier. Entre-temps, Anderlecht s’y serait intéressé. Et le Standard a agi récemment pour entamer des négociations, mais à ce moment-là, Diaby était déjà sur la route de Bruges. Retour sur l’année folle de l’une des plus belles flèches africaines de notre football.

International avec un Mali où il n’a mis qu’une seule fois les pieds

 » Je ne l’ai découvert qu’au moment du tour final de D2 il y a un an « , lance RachidChihab, alors entraîneur de Mouscron.  » Quand j’avais repris l’équipe, il était blessé. Il n’est revenu que pour ces matches décisifs et il a été très bon. Puis, il a enchaîné en D1, sans avoir besoin d’une période d’adaptation alors qu’il n’avait jamais joué à ce niveau. Là, il s’est vraiment révélé.

Personne ne le connaissait et il a commencé à marquer pas mal de buts. C’est un gars sérieux avec une mentalité exemplaire. Point de vue foot, il a la vitesse, le sens de la profondeur et l’art de ne pas gaspiller grand-chose devant le but.  »

Pas gaspiller… quoique… Lors du premier match de la saison, à Anderlecht, il rate une occasion 5 étoiles qui aurait pu permettre au RMP de mener. Abdoulaye Diaby n’en dort pas, mais il se reprend très vite. Et il se met à scorer régulièrement. Il exploite à fond son sens du sprint ; il a UsainBolt comme idole. Dans le rectangle, il ne se laisse pas faire et sait être précis ; il a aussi Luis Suarez comme modèle.

En décembre, il présente un ratio minutes de jeu / buts comparable à ceux de Diego Costa, Neymar et Lionel Messi – toutes proportions gardées. Il porte le maillot du meilleur buteur de notre D1. Et dit :  » Clair que ce maillot me donne un sérieux coup de projecteur.  »

Abdoulaye Diaby faisait donc partie du lot de joueurs prêtés par le LOSC à Mouscron. Une particularité pour lui : il n’avait fait qu’une halte de quelques heures à Lille. Acheté à Sedan pour un million en 2013, il avait été parqué au RMP dans la foulée. Il avait aussi été appelé une fois en sélection française de jeunes mais il ne rêvait évidemment pas des Bleus.

En 2013, le Mali de ses parents l’avait invité, il aurait pu jouer la CAN, mais il avait décliné. Pour vite le regretter, et tant pis s’il ne connaissait pas ce Mali : il n’y était encore allé qu’une seule fois. C’est en banlieue parisienne qu’il est né et qu’il a grandi jusqu’au jour où il a intégré le centre de formation de Sedan.

Fin 2014, quand il est en pleine bourre avec Mouscron, le train repasse. Le coach du Mali, Henri Kasperczak (Polonais qui a fait une bonne partie de sa carrière de joueur en France et en a aussi obtenu la nationalité), l’appelle, toujours en vue de la CAN.

Diaby y va et marque lors de son tout premier match. Puis, il va effectivement à la Coupe d’Afrique. Pour une des grosses déceptions de sa saison : le Mali est éliminé… par tirage au sort.

Au Canonnier, Anice Badri est un de ses potes. Il évoque aujourd’hui  » un gars sérieux au quotidien qui est très fort dans tout ce qui est préparation invisible. Il fait toujours très attention à lui, il prépare remarquablement ses matches, avec sa femme et son fils, tranquille !

Il adore son métier et il fait tout ce qu’il croit devoir faire pour réussir. Il ne sort pas, il se repose, il surveille tout ce qu’il mange. Et sur le terrain, c’est un sacré bosseur.  »

Le Club Bruges n’a-t-il pas pris un risque ?

Quand Lille reprend Abdoulaye Diaby en décembre, ça jase pas mal à Mouscron. Comment peut-on faire un casse pareil dans son club partenaire ? A ce moment-là, le RMP n’arrive plus à gagner et s’enfonce au classement.

Quelques semaines plus tard, ça continue à ne pas tourner et le nouveau coach, Fernando Da Cruz, nous dit :  » Je suis obligé de constater que le départ de Diaby a été une grande perte. C’était un leader. Pas un leader par la parole mais un leader d’attaque, un joueur qui entraînait les autres dans son sillage en étant bon et en marquant des buts. Il donnait de la confiance à l’équipe.  »

Badri relativise :  » Evidemment, son départ a été une perte mais la chute au classement avait déjà commencé avant que Lille ne vienne le récupérer. Si on a dû batailler jusqu’à la dernière journée pour éviter les play-offs 3, ce n’est pas essentiellement à cause de son retour au LOSC.  »

On y revient, à ce retour sous forme de flop. Et cette question : Bruges n’a-t-il pas pris un risque en mettant autant d’argent pour un attaquant qui n’a finalement qu’une vingtaine de matches de D1 dans les jambes et n’a rien montré lors de son bref passage en Ligue 1 ?

Malgré tous les espoirs qu’il exprimait au moment de repartir en France. Il avait par exemple dit qu’il se sentait prêt pour franchir le cap de la Ligue 1 :  » Je n’ai pas l’habitude de laisser passer le train. Dès qu’une opportunité se présente, il faut la saisir. Je dois quitter Mouscron pour continuer ma progression. Jouer au plus haut niveau français, c’est un rêve pour moi depuis longtemps.  »

 » Changer de club en pleine saison n’est d’office pas évident « , juge Rachid Chihab.  » On peut dire qu’il est retourné à Lille puisqu’il y était déjà allé, mais non, en fait il ne connaissait rien de ce club puisqu’il n’y avait passé que quelques heures en arrivant de Sedan. Débarquer dans un groupe qui ne trouve pas ses marques, ça complique encore un peu plus les choses.  »

Jean-Michel Vandamme a pourtant cru que ce serait possible.  » Au LOSC, j’étais une des personnes les plus convaincues. Après ce qu’il avait montré pendant quelques mois en Belgique, je l’imaginais bien s’imposer chez nous. Mais, je vous le répète, le garçon n’a jamais été en confiance. Les choses n’ont pas été faites pour qu’il soit en confiance.

La relation coach – joueur ne s’est jamais matérialisée, c’est dommage. Alors que c’est une condition qu’il faut absolument remplir pour qu’un joueur qui monte de catégorie ait une chance de réussir. Votre équipe nationale est très bien… mais je reste persuadé que le championnat de France, pour un attaquant, est plus compliqué que le championnat de Belgique.

Il faut affronter chaque semaine des défenses renforcées, des organisations très constantes. C’est difficile de percuter ces blocs. On ne peut pas se focaliser sur le nombre de buts marqués par les avants du PSG, de Monaco, de Lyon ou de Marseille. Cela n’illustre pas la qualité, ou plutôt le manque de qualité des défenses. La réalité, c’est que ces clubs possèdent des attaquants de niveau européen ou mondial.  »

 » Il a vite manifesté l’envie de quitter Lille  »

 » Dans toutes les autres équipes, on a des attaquants qui doivent encore prouver leur valeur « , poursuit Van Damme.  » Et s’il y en a un qui explose, il part vite, soit dans un club français du top, soit dans un plus grand championnat. Abdoulaye Diaby n’a eu besoin que de quelques mois à Lille pour le comprendre. Et il a vite manifesté l’envie de partir.

 » Il a reçu une très bonne proposition de Bruges et j’ai cru comprendre que ce club lui avait plus ou moins promis une place de titulaire. Au LOSC, on ne pouvait pas lui donner cette garantie, il en a tiré les conclusions.  »

Dès la signature à Bruges, Preud’homme a lancé :  » Nous sommes tombés sous son charme dès que nous l’avons découvert à Mouscron.  » Diaby, lui, est  » content de pouvoir entamer la saison dans ce club magnifique « . Il sort d’un échec, c’est clair.

Mais par rapport à sa situation sportive il y a un an, il a déjà fait un pas de géant. Trouver ses marques en D1 belge ? Apprendre à marquer ? En faire assez pour jouer en équipe nationale ? Tout ça, check, ça a été fait en moins de 12 mois.

PAR PIERRE DANVOYE

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