Il était une voix

Pavarotti avait propulsé les ténors dans l’univers des rock stars. Au point de faire parfois oublier l’inimitable beauté de son chant.

Luciano Pavarotti est mort le 6 septembre 2007 dans sa maison de Modène, en Italie, ville où il était né près de soixante-douze ans plus tôt. Révélé dans les années 1960, le ténor dépassa vite en notoriété la plupart de ses confrères, vendit, dans toute sa carrière, plus de 50 millions de disques et quittera le statut de  » star du lyrique  » pour celui de  » superstar « . Comme Callas ou Karajan.

 » Lucky Luciano  » était devenu le symbole de l’opéra italien. Il délaissera peu à peu les grandes scènes mondiales pour les stades, y chantant la musique de Puccini ou de Verdi, qu’il aimait par-dessus tout. En 1990, le concert de clôture de la Coupe du monde de football, en Italie, verra la première réunion des fameux Trois Ténors – Pavarotti, Domingo, Carreras – dont le succès fut hors norme. Decca vendra le disque à 10 millions d’exemplaires. Lors du Mondial suivant, aux Etats-Unis, Warner déboursera plus de 100 millions de francs pour éditer le concert, deux fois plus que Sony pour Dangerous de Michael Jackson, présenté, à l’époque, comme l’album le plus cher de l’histoire de la pop. Pour couvrir son investissement, Warner devait en vendre plus de 7 millions d’exemplaires et y parviendra.

Suivront d’autres tournées, toujours plus gigantesques, des concerts au Champ-de-Mars ou sur la place Tiananmen. Pavarotti a chanté une dernière fois en public à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Turin, en février 2006. La voix avait perdu de sa perfection, mais l’aura du personnage était intacte. Il restait un homme simple et extrêmement populaire.  » Pavarotti avait reçu ce don de plaire au plus grand nombre et non à une minorité, explique Roberto Alagna, qui l’a bien connu. Il a rendu le mélange des genres possible : sa série de concerts et d’albums Pavarotti & Friends [où il croisait Bono ou Sting] a montré au grand public que l’opéra n’était pas ringard, qu’il pouvait attirer des artistes venus des horizons les plus divers.  » Les amateurs d’art lyrique les plus exigeants ont toujours pardonné à Pavarotti ces infidélités, de même qu’ils excusaient son piètre jeu de scène lorsqu’il chantait à la Scala ou à Covent Garden.

Car Pavarotti, c’est d’abord, et surtout, une voix. Une voix unique. Inimitable. Reconnaissable entre mille. Et qui habitait chacun de ses personnages. Comme tous les grands chanteurs italiens, Caruso, Gigli ou Corelli, dont il a poursuivi et enrichi l’héritage, il donnait l’impression d’un chant naturel, ensoleillé, d’une évidence hors de toute contrainte technique. Alors qu’il ne savait pas bien lire la musique, Pavarotti possédait une virtuosité exceptionnelle, au service d’un timbre d’une rare densité. Homogène sur toute sa tessiture, sa voix s’appuyait sur des graves bien assis. Elle s’ouvrait progressivement à mesure qu’elle courait vers le registre aigu, pour devenir étincelante dans le suraigu, sans jamais perdre de sa douceur. A cela, il faut ajouter une ligne de chant quasi infinie et une diction irréprochable – en italien, puisque Pavarotti ne s’aventura hors de sa langue natale qu’en de très rares occasions. De nombreux enregistrements, la plupart remarquables, rendent, aujourd’hui, cet homme immortel. l

Bertrand Dermoncourt

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