» Le plus important pour un sportif qui gagne, c’est de rester très humble « , m’affirma Moreno Argentin lors d’un long entretien exclusif en juillet 91. Ce fils d’un garde d’usine s’est forgé un splendide palmarès qui fait de lui un des champions marquants de l’histoire du cyclisme : un titre mondial (Etats-Unis, Colorado Springs en 86), le Tour de Lombardie (87), le Championnat d’Italie (89), un quarté légendaire à Liège-Bastogne-Liège (85, 86, 87, 91), le Tour des Flandres (90), la Flèche Wallonne (91). Il a privé plus d’une fois, hélas, mon cher Claude Criquielion d’un succès au bout de la Doyenne. Et en 91, il signa même le doublé Liège-Bastogne-Liège / Flèche Wallonne.

 » Ce sont les plus beaux moments de ma carrière « , me dit encore Il Capo en 91.  » Ce double succès m’a procuré plus de plaisir et de joie interne que le Mondial ou le Tour de Lombardie. J’ai prouvé que je pouvais vaincre de plusieurs façons très différentes l’une de l’autre : athlétiquement à Huy, techniquement et plus tactiquement à Liège. On connaît mes qualités de finisseur. Quand je suis présent dans un petit groupe qui a une chance d’aller jusqu’à la ligne, on ne me fait pas de cadeaux. Vous ne pouvez gagner avec la tête comme je l’ai fait à Liège que quand le physique vous donne les moyens d’être très lucide dans les moments difficiles. J’ai de l’admiration pour Criquielion qui fut second tant à Huy qu’à Liège et que j’ai souvent retrouvé sur ces parcours vallonnés qui me conviennent. C’est surtout un homme d’honneur et un coureur très sérieux.  »

A cette époque, Argentin s’était déjà lancé dans sa reconversion et m’en parla avec sa sérénité de champion intéressant et d’homme attachant :  » Je me suis associé avec mon beau-frère et nous avons investi dans deux domaines très différents. J’importe du bois que je scie et que je conditionne pour de nombreuses menuiseries. Ce bois vient des quatre coins de l’Europe. Nous donnons du travail à plus ou moins 70 ouvriers. Cela tourne très bien et je découvre progressivement les mécanismes du monde des affaires. C’est très intéressant. D’autre part, nous avons une société immobilière et un bureau d’études avec des architectes. On achète des terrains, on étudie et on finance des projets immobiliers, avec construction de maisons, petites ou moyennes. A l’avenir, on développera certainement d’autres projets. Je m’y impliquerai de plus en plus après ma carrière, à partir de la fin 93 probablement. Je ne suis pas homme à me contenter d’une idée, d’un projet. Je veux avoir plus d’une flèche à mon arc. La famille passe avant tout et j’aimerais m’occuper plus souvent de mes enfants.  » En 91, en tout cas, j’ai mieux compris pourquoi Argentin était un géant de la route.

PAR PIERRE BILIC

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