« Ici, les jeunes jouent »

Le jeune défenseur belge évoque calmement son ascension au sein d’un club mythique.

Jelle Van Damme, l’arrière gauche de l’Ajax, vient de subir un rude entraînement matinal: « Nous avons perdu hier, dans le cadre d’un benefit-match au profit des victimes de l’incendie de Volendam. Ronald Koeman était furax et nous l’a fait savoir ce matin! Pour le reste, ça va. Nous sommes prêts pour la deuxième moitié du championnat ».

Le premier tour s’est déroulé comme dans un rêve pour le jeune Lokerenois de 19 ans. « Personne n’aurait parié que j’en serais là aujourd’hui. L’entraîneur m’a fait confiance: au total, j’ai joué 870 minutes en dix rencontres. Sans ma blessure au pied encourue lors d’un match avec les Espoirs contre l’Ecosse, mon temps de jeu aurait été encore plus élevé. En un mot, c’est fabuleux. Les moments forts? Les matches de Ligue des Champions ainsi que le sommet contre Feyenoord ».

Lors de cette rencontre, les regards belges étaient tournés vers ThomasBuffel, mais c’est Jelle Van Damme qui fit forte impression à gauche de la défense ajacide. « J’ai disputé toute la rencontre et Thomas seulement 45 minutes, mais c’était aussi l’un de mes meilleurs matches. J’espère confirmer au cours des semaines à venir: mercredi en Coupe contre Roda JC, ensuite contre Feyenoord et puis ce sera le retour en Ligue des Champions ».

Et, qui sait, un minitrip en Algérie avec l’équipe nationale? « Ce serait merveilleux, mais je n’y compte pas trop. Ce n’est pas encore un must ».

Entraînements durs

Modeste, Jelle ne se considère pas comme titulaire à part entière à son poste actuel. Au sein d’un club qui compte 25 joueurs pros, seule une poignée possède ce statut: « Si tu ne t’entraînes pas assez bien ou que tu fasses une erreur, te voilà bien vite relégué sur le banc ». Chaque position sur le terrain est au moins doublée. Parfois, j’ai l’impression que nos entraînements sont plus intensifs que le championnat. Je me retrouve face à des attaquants redoutables tels Mido et Ibrahimovic, vraiment la classe. Avec tout le respect que je leur dois, les clubs néerlandais moyens n’ont pas des joueurs de cette qualité ».

Seuls trois joueurs amstellodamois ont plus de 30 ans : Bergdolmo, Witschge et Litmanen. Le reste a la vingtaine ou même moins. En Ligue des Champions, la moyenne d’âge de l’Ajax est de 22 ans et pourtant le club est au deuxième tour. « Peut-être s’agit-il là d’une leçon pour les équipes belges qui recherchent trop souvent des joueurs expérimentés. Lokeren, par exemple, possédait de bons jeunes mais attendait trop longtemps avant de leur offrir leur chance ».

Au niveau mental, l’adaptation fut plus ardue. « J’ai dû devenir plus dur », avoue Van Damme. « J’ai mordu sur ma chique. En réalité, ici il faut jouer pour soi. Défendre ses intérêts. Nous sommes vraiment unis sur le terrain mais dans les moments plus durs, chacun va jouer pour soi, je pense. On retrouve moins cette mentalité en Belgique où l’esprit de groupe me paraît plus présent. D’autre part, jouer contre Valence ou Lyon sans avoir une équipe soudée, c’est risqué. L’Ajax possède un bon mélange de talent, d’expérience et de mentalité. Nous pouvons jouer selon plusieurs schémas tactiques. Koeman s’adapte : à l’adversaire, mais aussi parfois pendant la rencontre ».

Et la confiance?

La confiance en ses moyens, voilà le principal atout de Jelle Van Damme, venu tout droit du banc du GBA: « Lors du stage hivernal, chaque joueur reçut une évaluation. Dans mon cas, ils étaient satisfaits de ma progression. Je dois cependant travailler pour remédier à certaines lacunes. Mon pied droit, par exemple. Je reçois régulièrement des critiques à cet égard. Et en tant que défenseur, bien jouer des deux pieds est essentiel ».

A terme, le staff technique ajacide souhaiterait faire de Van Damme un défenseur central. « Lors de cette fameuse évaluation, ils m’ont demandé quelle place je préférais sur le terrain. Pour l’instant, je me sens très bien au back gauche, cela me permet de participer de temps à autre à la construction offensive. Eux estiment que je devrais me tirer d’affaire au centre de la défense. J’ai une bonne passe à la relance, je donne de bons longs ballons, je suis grand et athlétique. Personnellement, pour l’instant, je ne me sens pas encore prêt pour ce rôle, notamment à cause de ce satané jeu du pied droit qui laisse à désirer ».

Jelle Van Damme se décrit comme un défenseur intransigeant. Comment a-t-il appris ce rôle? Car auparavant, il évoluait essentiellement en attaque. « Même comme numéro 10 lorsque j’avais 16 ou 17 ans. Parfois je me demande où je serais aujourd’hui si j’avais continué à cette place. Avec les Réserves de Lokeren, j’ai abouti au back gauche et j’ai enfin appris à m’endurcir. Mon entraîneur Rudy Cossey me disait chaque jour que je devais me donner à fond. Avec succès apparemment, puisque ce point fut évoqué de manière très positive par Koeman lors de mon évaluation. Il m’a dit: -Aux Pays-Bas, nous avons trop peu de défenseurs agressifs. C’est d’ailleurs grâce à ces qualités-là que l’Ajax me remarqua, à l’occasion d’un match amical du GBA contre Breda ».

Van Damme fut un temps coureur cycliste : « J’ai vite compris que ce n’était pas pour moi. Un pro du cyclisme a une autre vie qu’un footballeur. J’avais 15 ans et je n’étais pas mauvais, mais j’avais envie d’essayer autre chose. Je n’étais pas un grimpeur, ni même un grand rouleur. Le plus dur c’était les entraînements en solitaire. J’emportais du coca et des bonbons dans mon baluchon. On m’avait dit de prendre des sucres, j’ai pris cela à la lettre! J’avais sous-estimé la discipline ».

Il retourna à ses premières amours, passa de Beveren à Lokeren et recommença au bas de l’échelle, chez les Scolaires provinciaux.  » Stefaan Van Bastelaere, mon entraîneur à l’époque, m’a remis sur la bonne voie. Il m’a forcé à me consacrer pleinement au foot. Ma mère aussi m’a soutenu dans mes efforts. J’ai alors énormément progressé et j’ai disputé une bonne saison ».

Sa mère, parlons-en. Une femme de caractère qui quitta son mari quand Jelle avait 12 ans et éleva seule ses cinq enfants. « J’ai une copine, je retourne régulièrement voir ma mère en Belgique, quand le programme le permet (il soupire). Je loue une petite maison à Amstelveen, pour 1.100 euros par mois. Pour le même prix il y a moyen de louer une villa en Belgique. L’immobilier est scandaleusement cher ici ».

Jelle dispose encore d’un contrat de deux ans après cette saison, avec option pour deux années supplémentaires. « A la fin de mon contrat, j’aurai seulement 21 ans. Tu t’imagines, 21 ans et déjà trois ans d’expérience au plus haut niveau à l’Ajax! On verra bien à ce moment-là. Je ne vais pas me mettre à planer, ce n’est pas mon genre. Au niveau caractère, je suis plutôt calme ».

Peter T’Kint

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire