Ich bin serein

Il est de retour après sa blessure contre la Bulgarie et a marqué contre Hansa Rostock, Cracovie et face à Hanovre. Finies les années folles?

Un sombre après-midi à Gelsenkirchen. Le ciel est gris, il fait froid. A 16 h30, il y a trop peu de lumière pour faire des photos valables. Le photographe jure et constate que la ponctualité allemande n’est plus ce qu’elle était. L’entraînement n’a pas commencé à 15 heures comme prévu, mais avec vingt minutes de retard, sur un terrain dépourvu d’éclairage. Les joueurs ont consacré leur temps de midi à signer des calendriers 2003, plus de 1.000 exemplaires par tête de pipe. La grisaille n’empêche pas les supporters de procéder à des emplettes. La Noël approche à grands pas. Les marchands de saucisses font des affaires en or.

L’entraînement n’est pas énergique. Deux jours plus tard, Schalke 04 joue en Pologne et Frank Neubarth a le pied léger. Un échauffement en toute décontraction, des tours de terrain et deux fois dix minutes à dix contre dix. Les joueurs ne restent pas plus d’une heure sur le terrain.

Nico Van Kerckhoven vient de reprendre : « Comme on ne s’entraîne pas dur à cause du calendrier, il va me falloir du temps avant de retrouver mon niveau. Ce ne sera pas avant le second tour ».

Sven Vermant a eu la grippe mais s’entraîne à nouveau, avec un gros bonnet de laine.

Marc Wilmots, le futur sénateur, s’entraîne à fond comme toujours. Pas de blessure ni d’opération pour le vainqueur du Mérite Sportif: « Un peu de cortisone, ça fait des miracles ». Reste à savoir dans quel état il sera dans 20 ans.

Après la séance photo, Emile Mpenza (24 ans) nous invite à le suivre dans son appartement, à l’ombre du vieux Parkstadion. C’est un logement très sobre, où il passe la nuit quand il est trop fatigué pour faire la navette jusqu’à Liège. Un grand écran télé, une stéréo, d’impressionnants baffles, le cadet des Mpenza s’y connaît. Le frigo est bien rempli. Il vit vraiment ici. Ce soir, il y a Milan-Real mais avant de suivre la rencontre, il est prêt à revenir sur les trois ans passés dans la Ruhr, trois ans de bonheur, puisqu’il a failli être champion il y a un an et demi, mais aussi de douleurs.

Il a été opéré en novembre 2001 et en mai 2002 (chaque fois le même type d’opération destinée à assouplir la musculature de la cuisse, mais une jambe après l’autre alors que l’idéal est d’opérer les deux jambes dans la foulée). Et puis, il a été victime d’un solide coup de jambon contre la Bulgarie en septembre dernier…

Que s’est-il passé depuis votre deuxième opération?

Emile Mpenza: Je suis vraiment enchanté du travail réalisé par le Docteur De Clercq et le kiné Lieven Maesschalck. J’ai été opéré en mai pour la seconde fois, juste avant la Coupe du Monde, puis j’ai travaillé deux mois avec Lieven. De retour au club, j’ai subi des tests, comme les autres. Partout, j’étais premier: j’étais en pleine forme. J’ai eu un couac contre la Bulgarie. Jusque-là, tout allait bien. Le mois avait été pénible, avec deux matches par semaine, mais je l’ai très bien digéré. Maintenant, je suis à nouveau en pleine forme.

Cet été, vous disiez que ce devait être votre saison mais vous avez tardé à inscrire votre premier but. La blessure encourue contre la Bulgarie vous a-t-elle causé tellement de tort?

Il s’agissait d’un coup direct sur le muscle. On ne peut pas faire grand-chose. Cette blessure ne m’a fait rater que quatre matches mais ça s’est ajouté à toute la misère de la saison passée, durant laquelle j’ai peu joué. C’est peut-être pour ça que ça a marqué les esprits.

Le club s’en est encore pris à l’Union Belge.

Il estimait que l’Union Belge avait sous-estimé ma blessure et n’avait pas vu qu’il s’agissait d’une déchirure. Mais je ne me mêle pas de ça.

Avez-vous parfois douté?

Non car chaque fois, j’ai su revenir au plus haut niveau. A Mouscron, je n’étais quasiment jamais blessé mais nous ne nous entraînions qu’une fois par jour. Ensuite, le programme s’est alourdi, ce que je n’ai manifestement pas supporté. Désormais ces opérations émargent au passé et doivent avoir résolu mes problèmes. J’ai constamment dû repartir à zéro mais je ne l’ai pas mal vécu car je n’ai jamais eu le sentiment de ne plus atteindre mon niveau. Je dois dire que jamais le club ne m’a fait sentir sa déception. Il n’a cessé de m’encourager, sachant que je me donne toujours à fond sur le terrain. Malgré ces blessures, je n’ai pas vécu la peur au ventre. »Schalke voulait que je joue… »

Il y a environ un an, au moment de votre première opération, le manager de Schalke Rudi Assauer avait déclaré: « C’est d’une opération à la tête dont Emile a besoin ». Drôle de façon de vous encourager.

Ces paroles se retournent maintenant contre lui. Je n’ai jamais réagi afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu ni encourir de reproches. Je lui ai dit ce que je pensais d’homme à homme. Je lui ai affirmé que Lieven et moi avions pris une décision que nous estimions idéale et qu’il s’en rendrait compte plus tard.

Fondamentalement, le club ne voulait plus d’opération et vous bien. Pire: si vous aviez subi cette seconde opération plus tôt, vous auriez pu disputer la Coupe du Monde. Frustrant, non?

Oui, j’aurais eu moins de problèmes si nous avions pris cette décision plus tôt mais je comprends le point de vue du club, qui voulait que je joue et pensait que c’était possible sans opération. Moi-même, je croyais pouvoir participer au Mondial sans repasser sur le billard. La première intervention m’avait déjà valu beaucoup de problèmes et Schalke ne voyait pas l’utilité d’une deuxième, contrairement aux Belges. Ce fut difficile: je savais que la solution était à portée de main mais je ne pouvais rien faire.

Pouvez-vous expliquer ce que les médecins ont fait, exactement?

Ils ont un peu assoupli les muscles des deux jambes. J’ai une musculature de sprinter, trop raide. Un sprinter donne tout ce qu’il a pendant un laps de temps très court, de dix secondes sur 100 mètres à moins de 50 sur 400, mais en football, il faut être explosif pendant 90 minutes. On m’a donné des exercices spécifiques pour améliorer la circulation. Lieven me les a prodigués pendant la revalidation. L’entraîneur physique de Schalke 04 en a compris l’utilité aussi. Il ne pouvait malheureusement pas me les faire faire constamment, puisqu’on s’entraîne généralement en groupe. Depuis, nous avons donc pris une mesure radicale: parfois, je m’entraîne à part.

Durant ces moments difficiles, avez-vous été embêtant?

Non, j’étais plutôt ennuyé. Me lever, manger, faire ma revalidation, manger, dormir. Je m’ennuyais et j’étais renfermé. Je n’éprouvais pas le besoin de voir des gens. Je m’isolais, ne voyant que les êtres chers. Je n’avais pas envie de tout devoir expliquer pour la énième fois. Et puis, les gens voyaient bien que je n’étais pas à 100%. Mes coéquipiers, l’entraîneur me connaissent, savent comment je joue. Je ne devais pas raconter grand-chose: ils savaient ce qui n’allait pas. Une fois ma forme retrouvée, j’ai montré à Assauer ce dont j’étais capable. Contre le Bayern, 5-1. Un but et quatre assists.

Vous avez fait parler vos pieds.

C’est la récompense de mon travail. Ce n’est pas en s’épanchant dans les journaux qu’on devient un grand footballeur.

Cette saison, Frank Neubarth a pris la place de Huub Stevens. Qu’a-t-il changé, concrètement?

Stevens imposait nettement plus de discipline. L’entraîneur actuel est encore jeune, c’est sa première saison en Bundesliga. Il demande fréquemment l’avis des anciens, Andy Möller ou Marc. Je ne sais pas s’il doute vraiment mais après la trêve, quand tout le monde sera rétabli, il va avoir des problèmes. Le noyau est très large, il compte beaucoup de bons joueurs. Ancien avant lui-même, il nous donne de précieux conseils, surtout à Victor Agali qui, très grand, a un style assez comparable au sien. Moi, il me guide dans ma façon de me démarquer. Victor est blessé mais je pense qu’il aimerait nous faire jouer ensemble. Ebbe Sand voudrait évoluer un peu plus en retrait, d’une position qui lui permette de marquer plus facilement. C’est possible car Andy n’est pas en superforme. Sand peut prendre sa place, en assumant un peu le rôle que Marc a endossé au fil de sa carrière. « J’ai toujours joué quand j’étais fit »

Stevens alignait généralement trois défenseurs centraux, Neubarth préfère un quatuor défensif.

Oui, toujours. Il change l’entrejeu: une fois deux médians défensifs, l’autre fois un seul. Les résultats sont bons, même si nous devrions en fait être deuxièmes, voire premiers. Jusqu’à présent, nous avons commis trop de fautes. Nous sommes plus efficaces en déplacement qu’à Gelsenkirchen. Je pense que c’est dû au stress: le public est proche de nous, nous jouons toujours à guichets fermés. Beaucoup de joueurs ont peur de mal faire, ils sont anxieux. Notre public est devenu très exigeant. A mon arrivée ici, les supporters nous laissaient jouer. Maintenant, ils exigent des résultats. Le fait que nous ayons raté le titre d’un cheveu a accru leur confiance et ils veulent tout: un prix, du beau football, le titre. Oui, ils deviennent critiques, très critiques.

Est-ce que ça vous paralyse?

Non, pas du tout. Je joue mon match et cet intérêt me plaît. Chaque joueur rêve de se produire toutes les deux semaines devant 60.000 personnes, même si elles ne sont pas toujours contentes. Peut-être est-ce la raison du changement d’entraîneur. Huub Stevens est resté longtemps ici, il a gagné la Coupe UEFA, la Coupe d’Allemagne mais peut-être avait-on envie d’une autre tactique, d’un autre style de jeu, d’autres joueurs. Les dirigeants de Schalke 04 ont voulu conférer une autre image à leur club.

Vous êtes arrivé à Gelsenkirchen à la Noël 1999. Revenez sur vos trois ans à Schalke 04. Etes-vous satisfait?

Oui car si j’ai eu beaucoup de problèmes, j’ai toujours bénéficié de la confiance du club quand j’étais en bonne santé. J’ai toujours joué, ce qui est tout sauf évident en Allemagne. Comparons ma situation à celle de SvenVermant: il n’a jamais été blessé mais j’ai davantage joué, malgré mes blessures. Je suis convaincu d’avoir progressé. Je joue plus avec mes yeux. Avant, je faisais tout à fond, sans trop réfléchir. C’est différent. Je marque beaucoup plus facilement qu’avant. Je suis moins précipité devant le gardien, j’attends, je joue plus finement. J’ai acquis une certaine sérénité. Les problèmes que j’ai connus ces dernières années me permettent de voir les choses avec un autre regard.

Avez-vous changé?

Pas entre amis mais à l’égard du monde extérieur. Je dis ce que je pense, y compris à mes coéquipiers, et tant pis si on n’est pas d’accord. Je trouve cette attitude plus sage et plus saine. J’ai évolué trop vite, j’ai atteint un trop haut niveau trop jeune. A 17 ou 18 ans, la plupart des jeunes sont encore à l’école. Moi, j’étais sous les feux de la rampe, j’ai gagné de l’argent, j’ai été mis sous pression… Les autres vivent ça plus tard. Il s’agit de comprendre qu’on n’est encore nulle part, qu’il faut continuer à travailler sans laisser tomber les bras.

Vous avez gagné beaucoup trop d’argent à un âge encore tendre. Avez-vous su gérer cette situation?

Quand même. Je défends bien mes intérêts. Et les bêtises… j’ai encore deux autos, une BMW 4X4 et une Mercedes. Plus de Porsche. Peut-être rachèterai-je un jour la voiture de mes rêves, une Porche, mais sûrement pas de Ferrari. Ceci dit, je me concentre sur le football. C’est mon travail et en Allemagne, je le vis de manière plus nette qu’en Belgique. Peut-être parce que je n’avais pas de problèmes linguistiques à Mouscron ni à Liège. Je viens ici pour travailler puis je rentre chez moi.

Le club vous a critiqué, l’année dernière, parce que vous habitiez toujours à Liège, au lieu de déménager ici.

C’est terminé. Je séjourne plus souvent dans cet appartement et Nathalie y est souvent aussi. Le club a deux poids, deux mesures: certains Néerlandais retournaient aussi chez eux, d’autres faisaient la navette entre le club et Aix ou Bielefeld. éa fait aussi une trotte. Une heure et demie. Une fois, je me suis endormi au volant. éa peut arriver à tout le monde. J’aurais tout aussi bien pu avoir une collision avec une autre voiture ici, en plein jour. D’un autre côté, c’est vrai, je n’avais pas de logement sur place.

Avez-vous commis des erreurs?

Non. J’étais toujours dans l’équipe et j’apportais ce qu’on attendait de moi.

Etes-vous heureux ici?

Oui. Les gens m’ont accueilli avec chaleur. Je ne pense pas à l’avenir ni à un transfert. Je ne veux pas me mettre sous pression.

C’est nouveau: dans le passé, vous avez demandé votre transfert.

Désolé, c’est faux. Si les Glasgow Rangers m’ont visionné, je n’ai jamais demandé à partir. L’idée m’a effleuré, de fait, mais j’essaie de ne plus y penser. Je ne veux même pas le savoir, si des clubs se manifestent. Il n’est pas question d’un transfert en janvier. Au plus tôt en fin de saison.

Votre contrat arrive à échéance en 2004. Vous allez donc devoir bientôt le prolonger ou partir. Le club a-t-il l’intention d’entamer des négociations?

J’attends. Je n’ai rien entendu dire. Si nous trouvons un accord, je veux bien prolonger

Les années folles sont révolues.

(Un silence). Ce fut une période difficile de ma vie.

Peter T’Kint, envoyé spécial à Gelsenkirchen

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