« IBRAHIMOVIC A RAISON: il ne faut avoir peur de personne… « 

Même âge que Courtois, même poste, même ambiance volley à la maison. Et quoi d’autre ? L’actuel numéro 1 d’Anderlecht se déboutonne.

Thomas Kaminski remplace actuellement Silvio Proto, blessé, dans la cage d’Anderlecht. C’est parti pour une interview 100 % gardien.

On va juste faire une exception au thème des gardiens. Ce mercredi, tu fêtes tes 21 ans et tu affrontes le PSG de Zlatan Ibrahimovic et Edinson Cavani. Tu es maintenant un grand garçon, ça va aller ?

Thomas Kaminski : C’est un rêve. Avant, je jouais contre eux à la PlayStation. A moi de montrer ce que je vaux par rapport à eux et par rapport au niveau de la Ligue des Champions. Le PSG, c’est un rassemblement de stars. Et Ibrahimovic, c’est évidemment quelque chose. Il a gagné combien de titres ? Et j’ai lu son livre.

Qu’est-ce que tu en as retenu ?

Des trucs que je peux appliquer dans mon métier : n’avoir jamais peur de personne, avoir plein de confiance en moi, être fort dans la tête en toutes circonstances.

Contre l’Olympiacos, tu as pris trois buts de Kostas Mitroglou. Ibra, c’est un Mitroglou au carré ! Tu retiens que tu as réalisé ton rêve de jouer en Ligue des Champions ou ça restera un cauchemar ?

Il y a un peu des deux. Quel match frustrant. Les Grecs ont trois occasions, ils marquent trois fois.

C’était une bonne chose d’apprendre au dernier moment que tu allais jouer ?

Je n’ai pas eu le temps d’être nerveux. A 20 minutes du coup d’envoi, John van den Brom m’a dit d’intensifier mon entraînement parce que Proto s’était fait mal. Je suis allé trouver l’entraîneur des gardiens, il m’a dit que j’allais jouer.

Tu es entré dans l’équipe à une période où Anderlecht a une des moins bonnes défenses de son histoire moderne !

C’est sûr, la pression est là. Mais j’essaie de ne pas trop penser à tout ça.

Si ça ne se passe pas bien contre le PSG, tu auras un rattrapage quatre jours plus tard : contre le Standard !

Il nous faut un déclic dans un gros match. Si on fait quelque chose de bien contre les Français, ça pourrait nous donner plein de confiance.

Comment vas-tu préparer le premier clasico de ta vie ?

Comme un match normal. Tranquille. Le stress n’a jamais été un souci. Je me sens encore comme un petit gamin quand je monte sur le terrain, même quand c’est un match avec beaucoup d’enjeu et beaucoup de monde.

Il se casse la jambe, son père ne lui parle plus

Tu fais le même métier que Thibaut Courtois, vous êtes nés la même année, vous avez tous les deux grandi dans une ambiance volley : tu vois encore d’autres points communs ?

Non, ça s’arrête là. Courtois est un super gardien mais je veux tracer ma route.

Il dit que le volley lui a apporté certaines choses. A toi aussi ?

Je l’ai pratiqué, mais pas longtemps. J’ai fait des entraînements, mon frère jumeau aussi, mais à l’époque, il n’y avait pas de championnat pour notre catégorie d’âge et on en a vite eu marre de faire du volley sans avoir la carotte d’un match le week-end. On a alors bifurqué vers le foot.

Pourquoi tu es devenu gardien alors que ton frère a fait un parcours de défenseur ?

J’ai commencé comme ailier gauche mais je tombais tout le temps ! Je n’étais pas fort dans les duels. Mon frère était attaquant de pointe, il avait une très bonne technique, il était fort de la tête et il marquait beaucoup mais il était un peu lent, alors on l’a fait reculer en défense. Il est allé jusqu’en Espoirs de La Gantoise, il se préparait à signer un contrat pro mais il s’est alors blessé. Une fois de plus. Il est descendu dans les divisions inférieures, et depuis cette année, il ne joue plus. La différence entre mon frère et moi, c’est que lui, il n’a jamais été obsédé par l’idée de faire une carrière professionnelle. Moi, quand j’étais à l’école primaire, je disais déjà à mes profs que je voulais devenir footballeur.

Et à 15 ans, tu pouvais signer à Arsenal…

Oui, j’ai fait un stage là-bas, j’ai découvert un autre monde, on m’a proposé de signer, le club m’a encore invité plusieurs fois pour voir des matches après ce stage, histoire de me séduire. J’étais confronté à un dilemme : devenir un des jeunes gardiens d’Arsenal ou passer numéro 3 au Beerschot dès l’âge de 16 ans avec un contrat pro. J’ai choisi le Beerschot, le chemin me paraissait moins compliqué.

Tu ne l’as jamais regretté ?

(Il réfléchit). Arsenal, ça reste Arsenal. J’y ai repensé la saison dernière, quand je ne décollais pas du banc d’Anderlecht.

Arsenal avait quel genre d’arguments ?

Mon père n’a aucun passé de footballeur mais on lui proposait un job de scout. Il serait allé visionner des joueurs dans son pays, la Pologne. Ça peut paraître bizarre de confier un boulot pareil à un ancien volleyeur mais il a beaucoup de contacts dans le sport de haut niveau et il a l’oeil pour repérer les talents. S’il ne m’avait pas imposé sa discipline d’ancien sportif professionnel, je ne suis pas sûr que j’aurais fait carrière. On allait parfois jouer au badminton dans la salle de gym de l’école où ma mère était prof. Quand je perdais, il se fâchait : -Monte dans la classe de ta mère, je ne veux plus te voir avant ce soir.

C’est pire que les pneus de tracteur que Daniel Van Buyten devait tirer dans son jardin !

A 13 ans, je me suis cassé le pied en jouant au foot dans la cour de l’école. Mon père était furieux car il avait arrêté de coacher une équipe de volley pour pouvoir me conduire tous les jours aux entraînements à Tubize. Pendant deux semaines, il ne m’a pas adressé la parole. Et dès qu’on m’a enlevé le plâtre, il m’a lancé : -C’est maintenant que ça commence. Il venait m’éveiller tôt le matin : – Habille-toi, on part au parc. J’avais toujours mal au pied, j’arrivais à peine à marcher normalement mais il me faisait courir dans des côtes et il m’accompagnait sur mon vélo. J’en aurais pleuré. Mais ça m’a rendu plus fort. Il a fait une carrière de haut niveau en volley, il était international polonais, il a joué en Allemagne. Mais il m’a expliqué souvent qu’à son arrivée en Belgique, il en avait bavé : -J’ai débarqué comme étranger et j’étais obligé de marquer vingt points à l’entraînement alors que les joueurs d’ici pouvaient se contenter d’en marquer dix.

Champion mais  » une saison à oublier  »

Pendant une saison, tu as déjà côtoyé Silvio Proto au Beerschot. Tu as même eu l’occasion de le remplacer dans un match de championnat, pour quelques minutes…

Oui, c’était le dernier match de la saison. C’est lui qui a demandé ce changement alors qu’il n’était pas blessé. Il m’a dit : -On a bien travaillé ensemble pendant un an, vas-y, prends un peu ma place.

Vous vous êtes retrouvés à Anderlecht : comment a évolué votre relation ?

On bosse bien, il me conseille, notre relation est saine, mais on reste des concurrents.

Je résume… Proto est encore jeune. Il est apprécié par tout le monde à Anderlecht. Il est très bon. Il est rarement blessé. Et presque jamais suspendu. Comment peux-tu bouger un monument pareil ?

C’est difficile. Je dois faire ce que je fais depuis quelques semaines : montrer qu’on peut compter sur moi.

Ton problème, c’est que tu n’es pas arrivé ici la saison dernière dans la peau d’un petit jeune qui n’avait encore rien montré. Tu avais déjà joué une soixantaine de matches en D1 avec le Beerschot et Louvain !

La saison passée, ça a été très dur. Une année à oublier !

Tu as été champion, quand même…

Non. Je ne me sens pas champion. Ce n’était pas mon titre. Je n’ai joué qu’un match en championnat et deux en Coupe. Chaque week-end, ça me faisait très mal. Je n’arrivais pas à me dire que c’était déjà bien d’être sur le banc d’Anderlecht.

Tu savais quand même que Silvio Proto était bien installé dans le but et qu’il n’avait pas l’intention de changer de club ?

Bien sûr mais mon choix était aussi une preuve d’ambition. Entre le Beerschot et un club qui joue chaque saison pour le titre et peut disputer la Ligue des Champions, le choix était vite fait. En plus, le Beerschot ne voulait plus de moi, il préférait prendre Stijn Stijnen.

Tout aurait été plus simple si tu étais parti à Bruges en janvier de cette année… Toi, tu voulais y aller ?

(Il soupire). En fait… (Il réfléchit). J’avais envie de jouer. Mais passer d’Anderlecht à Bruges, c’est toujours délicat. Et Anderlecht, c’est mon club, ma vie. Quand j’étais gamin, mon rêve, c’était de jouer ici. J’habite à dix minutes, j’ai encore des photos d’enfance où je pose avec Olivier Deschacht, Besnik Hasi, Marcin Wasilewski.

La saison passée, chaque interview que tu donnais illustrait un gros ras-le-bol !

Bien sûr. Je voulais que ça change. Aujourd’hui, le coach me dit qu’il a confiance en moi, mais l’année passée, je pense qu’il avait un peu peur de me mettre dans le but. Mes parents étaient désolés. Chaque week-end, mon père en était malade de me voir sur le banc, il ne me parlait pas.

C’est la même chanson chez les Espoirs : les échos sont positifs, tu es toujours dans le groupe mais tu joues peu parce que Colin Coosemans est le titulaire attitré.

Je ne veux pas trop parler de ça.

C’est aussi difficile qu’à Anderlecht ?

Encore plus. Mais l’entraîneur fait ses choix. Pas d’autre commentaire.

Tu penses que ça peut changer ?

Mais ça doit changer, sinon…

Tu as 14 sélections et seulement 5 matches, ça fait 30 % de temps de jeu.

Ce n’est rien du tout. En plus, j’ai joué en septembre contre l’Irlande du Nord et j’ai sorti un bon match.

Tu n’as pas peur d’une histoire à la Michaël Cordier à Anderlecht ? Lui, il a accepté de rester longtemps dans l’ombre de Silvio Proto.

Je ne ferai pas la même chose. J’ai trop d’ambition.

De la génération 1992, Thibaut Courtois joue en Liga, en Ligue des Champions et en équipe nationale. Koen Casteels est en Bundesliga et chez les Diables. Colin Coosemans est titulaire en Espoirs. Tu ne te dis jamais :  » Et moi, et moi ?  »

Mes objectifs sont clairs : être le numéro 1 à Anderlecht et en Espoirs. Je bosse. A 8 heures du matin, je suis à Neerpede. Une heure avant le rendez-vous. Stabilisation, fitness, stretching. C’est un choix. Il faut avoir un peu de caractère…

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Je n’arrivais pas à me dire que c’était déjà bien d’être sur le banc d’Anderlecht. « 

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