Hurricane

La ligue professionnelle féminine américaine plie bagage au moment où la Coupe du Monde pose les siens aux Etats-Unis.

Le scénario est digne d’Hollywood, à moins que ce ne soit de Wall Street, qui, dernièrement, se fait spécialiste de la plongée financière ! En 1999, la troisième World Cup féminine, organisée sur le territoire américain, avait connu un succès sans précédent. On retient les images fortes de la finale entre les USA et la Chine, disputée au Rose Bowl de Pasadena devant 90.185 spectateurs…

Dans la foulée de cet immense élan populaire, la Fédération nationale (USSF) avait créé un championnat professionnel à huit équipes, appelé WUSA (Women’s United Soccer Association).

Appelés à reprendre dare-dare l’organisation de l’édition 2003 de cette même Coupe du Monde 2003 pour pallier la défection de la Chine en raison de la pneumonie atypique, les Etats-Unis sont cette fois nettement moins fiers et triomphants. C’est que le soufflé est tristement retombé. Le soccer des filles ne passionne plus les foules à telle enseigne que la WUSA a même annulé son championnat en cours… cinq jours à peine avant le coup d’envoi de la Women’s World Cup Soccer !

Faillite

La nouvelle a évidemment fait grand bruit car elle ternit grandement et peut-être même irrémédiablement l’image très clean, positive et optimiste du soccer féminin et affecte le sport non seulement aux Etats-Unis mais dans le monde entier. En effet, pas moins de 37 joueuses des 16 nations prenant part à la phase finale évoluaient en WUSA, le seul championnat professionnel û et donc lucratif û digne du nom au monde.

Malgré la foi de John Hendricks, le président de la WUSA, les chances d’un come-back sont minces :  » Nous devons trouver 30 millions de dollars pour redémarrer l’an prochain. C’est-à-dire huit sponsors désireux d’engager chacun 2,5 millions de dollars. Le reste proviendrait de sponsors locaux, de la vente des billets et du merchandising. Ce n’est pas la mer à boire…  »

C’est une façon personnelle de voir les choses. Le contexte n’incite pas à la joie. Cette année, seuls deux sponsors d’envergure nationale, Hyundai et Johnson & Johnson, avaient répondu présents. Après un investissement initial de 100 millions de dollars, le passif de la Ligue atteint les 17 millions. Il n’y a pour ainsi dire pas de couverture télévisée, si ce n’est sur la confidentielle chaîne PAX où le soccer ne remporte qu’un anecdotique 0,1 % des suffrages. Quant aux spectateurs, ils semblent se lasser du spectacle puisque la moyenne est passée de 8.100 personnes par rencontre lors de la première saison à 6.700 actuellement.

Ces chiffres sont le résultat de spéculations marketing et d’erreurs stratégiques. A l’exception de la WNBA, la ligue professionnelle féminine de basket-ball, généreusement financée par la toute-puissante NBA, aucun sport d’équipe professionnel féminin n’a jamais réussi à percer aux Etats-Unis.

Du point de vue organisationnel, la WUSA a tenté d’innover en impliquant financièrement tous les acteurs : les sponsors bien sûr, mais aussi les administrateurs des clubs et aussi les joueuses, tous et toutes parties prenantes de l’aventure. La méthode û louable pourtant û n’a pas répondu à l’attente.

Déjà affublée d’un produit difficile à vendre au grand public, la WUSA s’est malheureusement rendue coupable d’un péché capital : l’impatience. Au lieu de proposer un produit mature, elle l’a proposé à l’état brut, expérimental à la limite. Il a fallu 12 ans à la NFL (le foot américain pro) pour surpasser la popularité du football universitaire et la NBA a eu besoin d’une trentaine d’années pour s’affirmer au niveau populaire et gagner enfin les faveurs des chaînes télévisées.

On peut aussi s’interroger sur la répartition géographique des huit équipes du (défunt) championnat, localisées exclusivement sur les côtes est (New York, Boston, Atlanta, Caroline du Nord, Philadelphie et Washington) et ouest (San José et San Diego) du pays. Pas d’équipe dans le sud ni dans le midwest, des régions pourtant très populeuses. Plus inexcusable encore est le fait que la WUSA ne soit pas parvenue à capitaliser l’immense popularité du soccer auprès des adolescentes. Particulièrement cool auprès des petites filles, le soccer devient soudainement et de façon inexplicable out dès qu’elles atteignent l’âge de 13 ans.

World Cup

C’est dans ce contexte peu réjouissant que se déroule actuellement la Coupe du Monde, dominée par les puissances habituelles : USA, Norvège, Allemagne, Chine, Suède.

Si le niveau de jeu de cette quatrième édition (après la Chine en 91, la Suède en 95 et les USA en 99) est de très grande qualité, l’engouement populaire ne se marque pas, sauf bien entendu quand se produit l’équipe américaine. C’est peut-être ça qui trahit l’absence de base du soccer aux USA. Les spectateurs ne se rendent pas au stade pour le sport en lui-même mais bien par esprit nationaliste ou par fanatisme. Les red, white and blue font recette là où elles évoluent mais ne crèvent pas l’écran. Leur affrontement contre la Suède n’a attiré que 1,3 % des 75 millions de téléspectateurs potentiels, soit un peu moins d’un million de personnes. C’est une chute de 41 % par rapport à la dernière Coupe du Monde. Et ce, en dépit du fait que leurs prestations soient retransmises sur une chaîne publique nationale ( NBC). Tous les matches des autres équipes par contre passent sur les chaînes câblées et très peu connues : ESPN2, TFN, Galavision

Mais il faut dire qu’il y a une grande circonstance atténuante : le timing. En devant se substituer au pied levé à la Chine, les Etats-Unis n’ont pas eu le temps d’assurer la promotion de l’événement. De plus, les mois de septembre et d’octobre (des mois de pleine scolarité) ne sont pas idéaux pour attirer les familles au stade. Mais surtout, à cette époque, le soccer se heurte de plein front aux best sellers que sont le football (universitaire et professionnel) et le base-ball, tout juste entré dans les playoffs. Une concurrence inégale et qui pourrait, hélas, être fatale…

Bernard Geenen, à Chicago

A l’exception de la WNBA, aucun sport d’équipe professionnel féminin n’a percé aux Etats-Unis

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