Humour à froid

B ertrand Crasson doit donc quitter le Sporting d’Anderlecht ! Le Berre, convoqué par Michel Verschueren, s’est entendu dire que le club voulait  » rajeunir ses cadres  » Comme je connais notre gaillard, il est encore bien capable d’avoir -Ah bon, alors vous allez nous quitter !

L’humour à froid est son arme favorite et il en joue avec un talent tel qu’on l’aurait mieux imaginé dans un univers moins austère qu’un vestiaire. Car malgré tous les compliments sur son esprit d’équipe, sa convivialité et son influence positive sur le groupe, je crois que son humour déstabilise et que sa tournure d’esprit fait peur à certains. D’autant qu’avec l’âge, il a acquis une influence non négligeable sur le groupe. Et comme on sait qu’il n’appartient pas à cette catégorie de joueurs qui avalent facilement des couleuvres ou qui font semblant de les avaler (ce qui est nettement moins honorable), on a cru bon devoir s’en séparer.

Dommage car, à 32 ans en octobre prochain, il aurait pu devenir le joueur emblématique du Sporting à l’instar des Maldini, Hierro ou autres Adams, des joueurs que leurs clubs n’hésitent pas à retenir pour leur expérience et leur image. N’est-ce d’ailleurs pas un peu dans le même esprit qu’a été pensé le retour de Zetterberg ? Un peu contradictoire, ce rajeunissement des cadres…

Bertrand n’avait donné aucun signe alarmant de faiblesse. Bien au contraire, il restait sur une saison exemplaire en dépit de quoi on lui envoya, une fois de plus, un missile dans les pattes en la personne de Marc Hendrikx qui ne prouva strictement rien.

Avant Hendrikx, il y avait eu Houben, Pirard, Suray et j’en passe. A chaque fois, le Berre a résisté à la concurrence. On le voyait même terminer cette ultime saison en beauté quand une suspension fut l’occasion de le remettre à sa place… sur le banc !

Il y a toujours des gens qui veulent  » remettre à leur place  » quelqu’un à l’esprit critique et à la capacité d’analyse trop vives. Bertrand n’est malheureusement pas manipulable : il ne peut supporter d’être pris pour un c… ! Sa personnalité entière et son intelligence ne s’accommodent guère de la langue de bois du milieu ni de la pensée unique qu’on y véhicule. En ne s’alignant pas toujours sur les convenances de vestiaires, il dérange alors qu’il s’accorde tout simplement le droit d’exister. Et c’est un peu tout cela qu’il paie finalement aujourd’hui sur le banc ! La liberté de pensée et de parole a un prix.

Anderlecht perd un joueur toujours capable de le servir efficacement et un vrai clubman. Restera le seul Bassegio pour représenter la race des Mauves. Repéré en tournoi par Pierre Leroy, actuel délégué de l’équipe Première, Bertrand avait quitté Evere à 13 ans pour rejoindre Anderlecht. Il y fit tout son apprentissage. Seul un petit intermède napolitain est venu interrompre deux ans une carrière complète dans le même club. C’est aussi trop rare pour ne pas être souligné.

Bertrand l’intello, Bertrand le marginal, Bertrand l’artiste… Oh pas l’artiste du ballon rond mais l’artiste tout court ; l’imitateur, le chanteur, le musicien, l’homme de scène… qui observe, qui caricature, qui ironise qui amuse et fait rire tout un vestiaire en direct sur la télé pour fêter un titre de champion.

Bertrand aurait donc perdu toute crédibilité… sur le terrain. En quelque mois celui, qui fut jadis l’auteur de buts décisifs dans la course au titre, se retrouve sur la liste des demandeurs d’emploi. Inutile de tenter de connaître ses sentiments et ses états d’âme ! Dépité ? Déçu ? On n’en saura rien. Bertrand a décidé de jouer la carte de celui qui quitte SON club en bons termes. Surtout avec son président qui l’aurait sans doute encore bien gardé.

Bertrand, porté spontanément à l’impertinence, reste étrangement impassible par rapport à ce qui lui arrive. Il s’y attendait et en parle avec beaucoup de philosophie avec ses proches.  » Dix années de professionnalisme, ça blinde ! « , assure son frangin Olivier.

Laissons le mot de la fin à sa maman qui a suivi tous ses matches, sous le maillot du Sporting, depuis sa plus tendre enfance : » Bertrand s’est toujours surpassé ! Il a toujours été un enfant précoce : à cinq mois et demi il était debout, à neuf mois il marchait « .

parAndré Remy

 » Bertrand, porté spontanément à l’impertinence, reste étrangement impassible « 

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