Huitièmes de finale

Melbourne, Paris, Londres : l’Américain n’est jamais allé plus loin. Et il a peut-être déjà été éliminé de l’US Open…

Comment vous sentez-vous alors que vous abordez l’US Open, la quatrième et dernière levée du Grand Chelem 2001?

Pete Sampras : Bien. J’ai toujours envie de briller dans les tournois majeurs. Je n’ai pas perdu ma motivation.

L’US Open, il est vrai, est une épreuve qui vous a souvent souri par le passé. Vous l’avez remporté à quatre reprises…

C’est là, à 19 ans, que j’ai gagné mon tout premier tournoi du Grand Chelem. J’aime bien l’ambiance particulière de Flushing Meadow. Cet endroit me donne toujours envie de me surpasser.

Mais l’an dernier, vous y aviez encore atteint la finale, battu par Marat Safin…

Marat m’a véritablement surclassé à cette occasion. Je me rappelle avoir tout essayé contre lui, service-volée, retour-volée, rester au fond, mais à chaque fois, il avait une réponse. Tout le mérite de la victoire lui revient, car il est parvenu à retourner mon service et à tirer des passing-shots mieux que quiconque. Je ne me trouvais peut-être pas dans ma meilleure forme ce jour-là, mais je pense qu’il y était aussi pour quelque chose. Il était hot et avec son jeu de frappeur, il était dès lors très difficile à battre.

N’était-ce pas un peu le monde à l’envers?

Ce n’est pas arrivé souvent que je doive encaisser un tel bombardement. Je ne m’imaginais pas que Marat parviendrait à maintenir ce niveau de jeu durant toute la finale. Je m’attendais à ce qu’il se crispe au fur et à mesure que le match progresserait, mais il ne l’a pas fait. Il a continué à servir le plomb. Il possède l’un des services les plus puissants du circuit. Je ne réussissais tout bonnement pas à le lire.

« J’ai toujours le jeu pour battre n’importe qui »

Cette défaite aurait-elle par hasard eu un effet traumatisant? Depuis cette finale, vous n’avez plus affiché de grands résultats. Cette saison, vous n’avez pas encore remporté le moindre titre, ce qui ne vous était plus arrivé depuis… dix ans. Votre dernière victoire en tournoi remonte à l’été dernier lors de votre septième triomphe à Wimbledon. Que se passe-t-il?

Je ne pense pas que mon meilleur tennis soit derrière moi. La différence se situe au niveau de la constance. Plus on devient vieux, plus il devient difficile de conserver son meilleur niveau semaine après semaine et a fortiori de se maintenir au sommet. A ce stade de ma carrière, j’essaye toujours d’établir un programme qui me permette d’arriver en forme pour les tournois du Grand Chelem. Même si je n’ai pas réalisé une très bonne saison jusqu’à présent, je sais que j’ai toujours le jeu pour battre n’importe qui. Mon physique est impeccable, la passion est intacte et l’envie de gagner aussi.

Pourtant, dans les trois dernières levées du Grand Chelem, vos performances ont été décevantes. Vous n’y avez pas dépassé le stade des huitièmes de finale!

C’est vrai. Je suis tombé de haut à l’Australian Open. Je n’avais pas joué en automne, justement pour préparer ce premier Grand Chelem, et mon niveau n’était pas là. Todd Martin a formidablement bien joué en huitièmes de finale, mais j’aurais tout de même dû le battre, comme j’avais toujours su le faire par le passé. Roland-Garros fut une nouvelle déception. J’avais investi beaucoup de temps et d’énergie dans ma préparation et je ne suis jamais entré dans le tournoi, avec comme conséquence une défaite au deuxième tour contre Galo Blanco. Vous savez, il existe des endroits où la chance vous sourit et d’autres où ce n’est pas le cas. A Paris, malheureusement, je n’ai pas bénéficié de beaucoup de réussite, même si j’ai vraiment cru, lorsque j’ai atteint les demi-finales en 1996 contre Evgueni Kafelnikov, que j’allais remporter l’épreuve. Et puis, à Wimbledon, j’ai pour une fois perdu un match accroché. Cette défaite contre Roger Federer m’a d’ailleurs un peu abattu. Le fait de me retrouver à la maison en deuxième semaine alors que j’avais l’habitude de poursuivre ma route sur le gazon m’a procuré une drôle de sensation. Mais bon, je dois être réaliste. J’ai déjà gagné tant de matches serrés dans ma carrière à Londres. Je pouvais bien en perdre un…

Depuis, vous avez atteint la finale à Los Angeles contre Andre Agassi, mais vous avez également réalisé une nouvelle contre-performance à Cincinnati, où vous avez subi la loi d’Alberto Martin…

Il faisait très chaud et humide et j’ai rencontré beaucoup de difficultés à tenir ma raquette et à contrôler mes coups. J’avais l’impression de me trouver dans un sauna. Il y avait longtemps que je n’avais plus joué dans pareilles conditions. J’ai très mal dormi après cette défaite.

« Andre et moi-même sommes toujours les deux hommes à battre »

Et vous aviez été battu en deux sets à Miami, fin du mois de mars dernier, par le grand espoir du tennis américain, Andy Roddick, 18 ans. C’est le symbole d’un changement de garde?

A ce moment-là, d’autres pensées me traversaient l’esprit. J’étais frustré de ne pas avoir adopté la bonne attitude durant le match, me prenant trop la tête, abstraction faite de l’identité de mon adversaire. Cela dit, Andy Roddick est quelqu’un qui n’a pas fini de faire parler de lui. Tout le monde a les yeux rivés sur la nouvelle génération et je suis persuadé que c’est lui qui va mener l’assaut. Il représente l’avenir du tennis américain. Je ne crois certes pas que cette défaite puisse avoir valeur de symbole. Pas encore…

Quand vous voyez Andre Agassi si bien jouer à 31 ans, qu’est-ce que cela vous inspire?

Cela ne me surprend pas particulièrement. Cela montre ce dont lui et moi sommes toujours capables. Nous possédons assez d’armes dans nos jeux respectifs pour être efficaces sans que pour autant cela n’exige un effort surhumain de notre organisme qui, c’est vrai, avance en âge. J’ai mon service qui me permet de gagner pas mal de points facilement alors qu’Andre prend la balle tellement tôt qu’il n’a pas besoin de se dépenser autant que Gustavo Kuerten ou Marat Safin. Sa saison a été remarquable jusqu’ici. Je l’ai d’ailleurs affronté chaque fois en finale à Indian Wells et Los Angeles et je pense que lorsque nous jouons bien, nous sommes toujours les deux hommes à battre.

Lorsque vous le voyez remporter des levées du Grand Chelem, ressentez-vous parfois un petit sentiment de jalousie?

Pas vraiment, non. Andre est un tout grand joueur. Il représente mon plus grand rival depuis de longues années. Sincèrement, il aurait très bien pu se retrouver aujourd’hui avec dix titres du Grand Chelem à son actif alors qu’il en a remporté sept. Je pense qu’il faut également tenir compte des périodes plus ou moins longues de repos qu’il s’est accordées au cours de sa carrière et qui lui ont peut-être permis de conserver un état de fraîcheur un peu supérieur et dont il retire les fruits.

Vous appréciez-vous davantage maintenant que vous êtes à l’automne de vos carrières?

Oui. Andre et moi-même nous entendons aussi bien qu’il est possible pour deux rivaux qui s’affrontent au plus haut niveau depuis des années. On se respecte énormément. C’est lui qui m’a donné le plus de fil à retordre et, en même temps, qui m’a poussé à dépasser le plus mes limites. En outre, plus vous avancez en âge, moins vous êtes obnubilé par l’idée de laisser votre empreinte comme vous pouvez l’ambitionner vers 21 ou 22 ans.

« Je rêve d’une vie de famille »

Les records que vous avez établis (13 victoires en Grand Chelem, six années de suite à la première place mondiale)… pensez-vous qu’ils seront battus dans un avenir relativement proche?

Je ne vois pas vraiment qui, mis à part peut-être Gustavo Kuerten. Il a le potentiel pour dominer le tennis mondial pendant plusieurs années, mais s’il veut y parvenir, il devra accepter de nombreux sacrifices. Moi, la seule chose qui m’ai manqué dans ma jeunesse, c’est de ne pas avoir été à l’université. C’est quelque chose de très important dans la vie d’un adolescent aux Etats-Unis. Vous savez, lorsque j’étais gamin, je ne savais pas vraiment ce que je voulais. Je n’aimais pas perdre sur un court de tennis, c’était tout. Les gens qui me connaissaient, tout en considérant que j’avais du talent, pensaient que je n’étais sans doute pas assez fort mentalement pour devenir un champion. J’étais trop gentil, trop doux, pour succéder à Ivan Lendl, Jimmy Connors ou John McEnroe. Il n’empêche, sous mes dehors de mollasson, j’ai commencé à savoir ce que je voulais et, tout en intériorisant mes sentiments, mon ambition est devenue aussi forte que celle de mes prédécesseurs. Mais quand je sentirai que je ne serai plus en mesure de rivaliser pour gagner des tournois, je tirerai ma révérence.

Comment voyez-vous votre vie dans dix ans?

Je ne serai plus sur le circuit. Je ne compte pas jouer jusqu’à 40 ans comme le fit Ken Rosewall. Je m’imagine avec ma famille. La mienne, celle de mes soeurs, de mon frère, sans oublier mes parents. Je pense que je vivrai dans un quartier sympa de Los Angeles et j’espère avoir une activité qui me maintienne occupé, même si à ce jour je ne sais pas ce que je ferai.

Pensez-vous que vous demeurerez encore impliqué dans le tennis?

Je ne sais pas. Vraiment, je ne suis pas certain que vous me verrez encore souvent. Le tennis est et restera une grande partie de ma vie et je crois que d’une certaine façon je conserverai des liens avec le milieu. Il se pourrait que je m’implique dans une académie, mais je voudrais également être un bon père, un bon mari et savourer ma vie après le tennis. Mon existence a changé depuis mon mariage avec Bridgette Wilson. Le fait de s’engager à offrir sa vie à quelqu’un qu’on aime est une chose formidable. Cela me procure beaucoup de joie et une stabilité à laquelle j’aspirais. J’aimerais avoir des enfants, c’est un superbe chapitre de ma vie qui s’ouvre. Je rêve d’une vie de famille.

Serge Fayat

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire