Huitième de finaliste

Les champions limbourgeois ont enrôlé un globe-trotter japonais qui en est déjà à son troisième continent.

En 2000, quand Malines avait enrôlé Masahiro Endo, il était aussi mû par des considérations commerciales. Endo tentait d’obtenir une place en équipe nationale. Malines espérait que les sponsors afflueraient, que des chaînes japonaises retransmettraient -contre paiement- les matches du Malinwa et que ce transfert comblerait le déficit du club. C’était bien vu mais ça n’a pas abouti: Toyota n’est pas devenu sponsor maillot, le club n’a trouvé aucun accord avec Canal +, qui gère les droits TV du championnat à l’étranger et, en plus, Endo n’a rien apporté sportivement. Après quatre apparitions dans l’équipe fanion, il a disparu de la scène. Il a essayé de rebondir à La Louvière la saison suivante, mais n’a plus fait partie du noyau dès novembre.

Feyenoord a prouvé avec Shinji Ono que ça pouvait marcher, même s’il s’est abstenu de révéler les chiffres exacts générés par le médian gauche la saison passée. Toutefois, les chaînes japonaises ont retransmis en direct tous les matches de Coupe UEFA de Feyenoord et Ono est devenu une star dans son pays, à l’instar de Nakata.

Le RC Genk connaît jusqu’à présent plus de succès que Malines. Takayuki Suzuki doit se contenter d’entrées au jeu mais ça peut changer. Bert van Marwijk a expliqué à Sef Vergoossen qu’Ono avait eu besoin de quelques mois pour trouver sa place dans l’équipe. Compte tenu de la fatigue du Mondial et du choc culturel, Vergoossen pense toujours que aura besoin d’un crédit de temps. Il le voit plutôt dans un rôle de passeur, sur le flanc droit, par exemple, qu’en pointe, où le duo SonckDagano paraît indétrônable.

Commercialement, le transfert semble être un succès. La semaine passée, Canal + a conclu un accord de principe avec Sky Perfect TV pour la retransmission de tous les matches du RC Genk au Japon, via l’agence internationale Dentsu. Le deal rapportera 400.000 euros à la chaîne payante, qui devra en ristourner une partie à Genk. La direction du club de Genk n’est pas particulièrement heureuse de la situation car dans l’opération, elle ne recevra que quelques cacahuètes. Une lettre de protestation a été envoyée à Canal+ car le club n’a pas été consulté et que, de plus, le contrat télé n’est pas encore signé avec la Ligue Pro. A Canal+, on rétorque que les droits des images du championnat appartiennent à la chaîne et elle peut donc les rétrocéder à qui bon lui semble. Le contrat prévoit en effet qu’en cas de revente des images à l’étranger, la Ligue Pro perçoit 25% du montant déduction faite des coûts de production.

Depuis son arrivée en Belgique, Suzuki est suivi par une meute de journalistes nippons. Ses débuts pour le champion, à Louvain, ont fait l’objet d’un reportage sur TSB, qui a déboursé 3.000 euros pour pouvoir utiliser les images. Suzuki n’est pas ébranlé mais s’étonne du nombre d’interviewes demandées par des reporters belges. Au début, il les refusait, poliment mais fermement.

« Il voulait prester avant de s’exprimer », explique Vergoossen. Suzuki a toutefois changé son fusil d’épaule lorsque son entraîneur lui a fait remarquer que les relations avec la presse faisaient partie de son contrat.

Le nouvel attaquant de Genk est né à Hitachi. Suzuki: « Mon père jouait au football en amateur et m’a appris le jeu. Le football professionnel n’existait pas encore et mon père n’était pas brillant non plus. C’était un hobby pour lui. C’est devenu mon travail ».

Et puis, il y eut Zico

En 1995, Suzuki, qui n’avait encore joué qu’à l’école, s’est affilié aux Kashima Antlers, une grande équipe. « Percer en équipe fanion a été très difficile. Au bout de deux ans, découragé, je suis parti au Brésil ». Les deux pays sont unis par d’étroits liens. Dans les années 20, des Japonais ont émigré au pays de la samba et, depuis les débuts de la J-League, de nombreux footballeurs brésiliens ont effectué le chemin inverse.

Parmi eux, Zico, l’actuel sélectionneur du Japon. Le Pelé blanc a joué pour les Antlers, il a décelé les aptitudes des vifs et énergiques Japonais et leur a conseillé de s’épanouir dans le club, le CFZ, qu’il avait fondé dans son pays. Suzuki: « Je ne sais pas ce que Zico m’a trouvé. Je ne le lui ai jamais demandé. Un autre Japonais m’a accompagné ».

Il a souffert, en tout cas. Le CFZ jouait en D3 et visait la montée. Les deux jeunes gens ont été placé devant leurs responsabilités. « Ce fut dur, intense, qu’il s’agisse du football ou de la vie au Brésil. Comparé à celui du Japon, le niveau de vie du Brésil est bas. Même quand on s’y habitue, ça reste pénible ».

Le titre en poche, il est revenu au Japon. Kashima l’a reloué, à Ichihara, cette fois. « On m’a surtout utilisé comme joker mais je n’arrivais pas à être titulaire. A la fin de la saison, Ichihara était menacé de relégation et m’a demandé si je voulais être prêté. J’ai accepté, mû par les motifs qui m’avaient déjà poussé à m’exiler au Brésil: je voulais jouer ».

Les voyages sont le fil rouge de sa carrière, car il a rempilé au Brésil. « Techniquement, je n’ai pas appris grand-chose lors de mon deuxième séjour. Mon équipe n’était pas supérieure à Kashima. Toutefois, les conditions de vie, pénibles, m’ont enrichi sur le plan humain. Toutes ces années, j’ai rêvé de jouer en J-League « .

Kashima a continué à le louer. En août 1999, il s’est retrouvé à Kawasaki. Suzuki: « Je n’étais pas déçu car j’avais moi-même proposé mes services. Kashima ne m’avait toujours pas titularisé et je ne voulais pas perdre mon temps sur le banc ». Les journalistes japonais racontent qu’il a tellement douté de lui qu’il a failli arrêter les frais. A ce moment, Kashima a eu besoin d’un avant, a repris Suzuki et celui-ci a éclos.

Beau blond

Pour fêter ça, Suzuki s’est teint les cheveux en blond.

« Vous tenez ça des journaux japonais », rit-il. « Jamais je n’ai songé à arrêter le football. La grande différence entre Kawasaki Frontare et Kashima, c’est que Frontare venait de rejoindre l’élite et que j’étais habitué à des clubs où tout était parfaitement réglé. De là à arrêter… Non. Le hasard a bien fait les choses, puisque Kashima a eu besoin d’un attaquant et m’a repris. J’avais déjà teint mes cheveux mais la presse aime bien les belles histoires et a suggéré que je voulais fêter mon retour (il rit)« .

Sa carrière s’est accélérée, puisqu’il est devenu international en 2001. Etait-ce la récompense de son labeur et de ses investissements? Suzuki ne voit pas les choses sous cet angle. « Il m’a été très dur de me faire une place, parce qu’il s’agissait d’une équipe très forte. J’ai également eu des problèmes avec la presse. Mais d’autres ont consenti dix fois plus d’efforts que moi sans être pris en compte. Peut-être jouit-on d’une plus grande estime quand on recherche volontairement la difficulté ».

En 2001, donc, il a été repris pour la Coupe des Confédérations. Etait-ce la confirmation du niveau atteint? « Je n’ai jamais eu le sentiment que disputer cette épreuve confirmait mon statut d’international. J’ai été aligné, j’ai marqué un but, avec beaucoup de chance, et j’ai continué sur ma lancée ».

Il n’a plus marqué en championnat mais Philippe Troussier lui a conservé sa confiance. Il l’a sélectionné pour le Mondial et l’a aligné les quatre fois. Suzuki conserve des sentiments mitigés de ce Mondial. « La pression était terrible. Je n’avais jamais connu ça. Les attentes étaient telles que nous avions peur de ne pas les rencontrer. Nous avons été heureux de nous qualifier pour les huitièmes de finale. C’était notre objectif. Après le match contre la Turquie, la presse japonaise a raconté que nous aurions pu gagner. Je ne le pense pas. Selon moi, la Turquie a été meilleure que le Japon. Personnellement, je suis heureux d’être délivré de cette pression. Je suis content mais surtout soulagé ».

Il ne veut pas entendre parler de pression au RC Genk. Il connaît la réputation de Sonck et de Dagano. Il veut trouver ses marques, s’intégrer. « En principe, peu m’importe de jouer en attaque ou sur le flanc. (Il sourit). Le poste de gardien me paraît un peu plus délicat. Quoi que le club me demande, je ferai de mon mieux. Je ne peux faire davantage ».

Peter T’Kint

« Peu m’importe de jouer en attaque ou sur le flanc »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire