Broos est le 19e entraîneur qu’a connu Mouscron depuis la fusion. Probablement le plus long bail de l’histoire.

Le mois dernier, Hugo Broos a signé un nouveau contrat de quatre ans à l’Excelsior Mouscron. S’il n’est pas résilié avant terme, l’entraîneur brabançon deviendra celui qui aura conclu le plus long bail avec les Hurlus. Il est le 19e entraîneur du club frontalier depuis la fusion entre l’ARA et le Stade Mouscronnois, en 1964. Jacques Vandewalle, secrétaire de l’Excelsior depuis 1972 mais supporter avant, les a tous connus.

« Le premier entraîneur du club fusionné fut Raoul Rixhon« , se souvient-il. « Il habite toujours à Mouscron, mais est liégeois et a joué à La Gantoise. On n’a pas été le chercher très loin, puisqu’il était l’entraîneur du Stade Mouscronnois. Il continue à s’intéresser au foot, mais est surtout devenu un bridgeur acharné ».

Trois Ch’timis et un Hongrois

 » Albert Dubreucq était un Ch’timi pur et dur, un Nordiste caractéristique qui s’exprimait avec un accent abominable. Il habitait à Watreloos, juste de l’autre côté de la frontière, et a effectué plusieurs passages par le club. C’était un entraîneur de Promotion et de Provinciale, en décalage entre son vécu comme joueur et la réalité de l’époque. Il parlait de terrain d’honneur! A ce moment-là, le club n’avait pas d’ambitions démesurées. Dubreucq aimait la vie: pendant que les joueurs buvaient de l’eau, il commandait une bouteille de rouge. Je pense qu’il est décédé. Son fils, Serge Dubreucq, a réalisé une carrière honorable. Il a joué à l’Excelsior, mais aussi à Lille, à Ajaccio et à Bastia. Techniquement doué, il était capable de transformer directement un corner en but. Il est devenu inspecteur de police à Lille ».

 » Janusz Pintie est -si l’on excepte nos voisins français- le seul entraîneur étranger qu’ait connu l’Excelsior. Ce ne fut pas une expérience très fructueuse. Il a eu des problèmes avec plusieurs joueurs. Il a ensuite fait du scouting pour la fédération hongroise.

Jules Bigot était un autre Français. Un grand entraîneur. Par exemple, durant toute la semaine, il faisait comprendre à un joueur qu’il ne serait pas sélectionné car son rendement était insuffisant. Puis, la veille du match, il lui annonçait: -Finalement, je n’ai pas d’autre solution: je suis obligé de te mettre dans l’équipe, montre-moi ce que tu sais faire! Et le gaillard explosait. Bigot était un gentleman. Voici deux ou trois ans, je l’ai revu en compagnie de son épouse. Il a déjà un âge respectable et goûte à une retraite bien méritée.

Lorsque je suis devenu le secrétaire du club, en 1972, l’Excelsior venait de descendre de D3 au terme d’une saison difficile qui avait vu Jules Vandooren et Richard Orlans se succéder à la tête de l’équipe. On a alors engagé Richard Desremaux: un Nordiste dont le C.V. avait séduit. Il avait été un bon joueur au CORT (Cercle Olympique Roubaix-Tourcoing), le club-phare. Il n’habitait pas loin, juste de l’autre côté de la frontière, ce qui correspondait au profil que nous recherchions. Ce n’est jamais facile de reprendre une équipe qui descend… Il n’est resté qu’une saison ».

Zorro est arrivé

« L’opportunité d’engager Jacky Stockman comme joueur-entraîneur s’est présentée. Accueillir un ancien joueur d’Anderlecht, c’était un honneur pour Mouscron et on n’a pas voulu louper l’occasion. C’est au Canonnier que Zorro a commencé sa carrière d’entraîneur, mais il n’a jamais connu sur le banc de touche le sommet qu’il avait vécu comme joueur. Il a essayé de transposer à Mouscron les entraînements dispensés à Anderlecht. Lorsqu’il neigeait en hiver, il avait appris à noircir les paupières pour se protéger de la réverbération. Je me souviens aussi que, lorsque nous avions négocié son contrat, nous nous étions rendus à son domicile. Il nous avait emmené dans sa salle de bains et avait ouvert sa pharmacie afin de nous montrer ses produits. Je n’oserais pas parler de produits dopants: c’étaient plutôt des vitamines. Nous tombions des nues. Mais il n’a jamais exigé que nous achetions ces produits. Stockman avait d’autres manies. Par exemple, les panneaux qui ceinturaient le terrain étaient peints en blanc, sauf ceux situés derrière les buts: il estimait que le buteur tirait instinctivement lorsqu’il voyait du noir.

Sous un aspect au moins, il collait parfaitement avec la philosophie mouscronnoise: le sens de la fête. Lorsqu’une sortie était programmée avec les joueurs, on ne risquait pas de s’ennuyer. La génération actuelle? Tous des braves garçons par rapport aux joueurs de l’époque.

Jean-Marie Baert a succédé à Stockman. C’était un régent en éducation physique qui donnait cours à l’ITEM. Il habitait à Mouscron et avait été précédemment joueur ici, ainsi que du RC Tournai. En tant qu’enseignant, il était très didactique. Il mettait beaucoup l’accent sur la technique et la tactique, beaucoup moins sur le physique. Il avait déjà un oeil sur les jeunes. Quelques transferts avaient été conclus dans l’optique de l’avenir. C’était un aspect très positif. Il est revenu au club plus tard, mais est malheureusement disparu trop tôt à la suite d’une crise cardiaque.

William Terras habitait à Renaix. Pour la Provinciale, c’était un bon entraîneur, sans ambitions démesurées. Un garçon très posé qui a fait ce qu’il pouvait avec l’équipe dont il disposait. Il vit toujours, mais ne s’occupe plus de football ».

Joueur-entraîneur, une tâche difficile

 » Richard Cornil a fait remonter le club de Provinciale en Promotion. Il était entraîneur des jeunes à l’US Tournai et avait posé sa candidature à des conditions très intéressantes. Il n’était encore âgé que d’une petite trentaine d’années et avait étudié le foot. Il ne se contentait pas, lui, de transposer les entraînements connu comme joueur. Il travaillait chez Belgacom et avait le contact facile. Il a laissé de bons souvenirs.

Après trois saisons, il a cédé le relais à Jules Verriest: un pilier de la défense du Cercle de Bruges qui est venu à Mouscron comme joueur-entraîneur. Comme Stockman, il a estimé que la Promotion ne devait pas présenter de grandes difficultés pour un ancien joueur de D1. Erreur! Il s’était lui-même titularisé lors des premiers matches, s’est inscrit ensuite comme réserviste, puis finalement n’est plus monté au jeu du tout. Il avait sous-estimé la difficulté de combiner les tâches de joueur et d’entraîneur. En outre, il avait le gros handicap de ne pas parler un mot de français. Il fallait traduire toutes ses directives, mais certaines traductions n’étaient pas très heureuses et les joueurs ne comprenaient pas toujours où il voulait en venir. Verriest n’a pas terminé la saison: il a été remplacé à sa demande, car il ne s’adaptait pas à un contexte qui n’était pas le sien.

Eddy Kinsabil, un ancien joueur de Waregem, est également arrivé comme joueur-entraîneur. Lors d’un entraînement à Mouscron, il a été victime d’un vilain accident. Tout le monde a entendu un horrible craquement. Après cela, il n’a plus jamais retrouvé son niveau et a préféré arrêter. Il a cependant continué à venir très régulièrement à Mouscron, notamment pour visionner des équipes. Comme son état physique ne lui permettait plus d’être actif sur le terrain, il a fait du scouting pour Anderlecht et pour une équipe hollandaise ».

Le retour de Zorro

« Lorsque Stockman est revenu, il avait tiré les enseignements de sa première expérience. Il avait confié la direction de son agence bancaire à sa fille et s’est contenté d’un simple rôle d’entraîneur… mais n’a pas connu davantage de réussite. Il est tout de même resté deux ans et demi. Au cours de la troisième saison, on a dû s’en séparer. Il est l’un des rares entraîneurs de l’Excelsior dont le contrat a été rompu. Je me souviens que cette séparation fut assez pénible, car l’homme avait des côtés attachants et était un vrai clubman. Willy Verhoost, à l’époque président du comité sportif, a dû l’appeler un dimanche matin pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. L’actuel manager de Lokeren, un dur, avait la larme à l’oeil. Daniel Besengez, le père d’ Olivier Besengez, était adjoint et a pris les commandes de l’équipe.

Walter Ellegeert est un autre entraîneur dont le contrat a été rompu: il est resté une saison et demie. C’était un Flandrien, d’Eeklo. Il était professeur de mathématiques. Cela se ressentait dans ses méthodes: très rigide, il avait des idées bien particulières sur la manière de gérer un groupe. Sa mentalité ne convenait pas trop au club: il était fort porté sur les amendes et les punitions. Il ne fournissait jamais d’explications: lorsqu’il avait décidé quelque chose, c’était comme cela et pas autrement. Il n’avait pas vraiment le sens de l’humour non plus. Il nous donne cependant encore régulièrement de ses nouvelles. Hélas, son épouse est décédée d’un cancer voici quelques années et cela l’a bouleversé. Depuis, ce n’est plus le même homme ».

De la Promotion à la D1

 » André Van Maldeghem, un autre Flandrien, de Deinze, a marqué le club: il a fait monter l’Excelsior de Promotion en D2. Il n’a malheureusement pas pu propulser le club parmi l’élite. Après quelques échecs au tour final, le stress était devenu très fort et un incident avec Dominique Lemoine a sonné le glas de ses espérances. Je me souviens de son premier match. C’était en Promotion, sur le terrain de Lignette. Un terrain abominable, dans un bled entre Tournai et Leuze. Un brouillard à couper au couteau. Van Maldeghem s’est demandé ce qu’il était venu faire. Il a failli repartir tout de suite mais il est finalement resté cinq ans et demi. C’était un militaire et, pendant les entraînements, il n’était pas question de rigoler. Par la suite, il s’est déridé. Mais il y a tout de même eu certains heurts avec Dariusz Kasperek, qui avait un sens de l’humour polonais assez spécial. Van Maldeghem avait le coup d’oeil pour dénicher des talents. Il a amené le petit Pascal De Vreese qui évoluait en 2e Provinciale. Nous sommes restés en très bons termes. Il fait désormais du scouting pour la fédération.

Georges Leekens fut le premier entraîneur pro. Il est arrivé au bon moment, car nous n’avions aucune expérience du foot de haut niveau. Il nous a apporté beaucoup dans la manière d’organiser, de gérer et de structurer le club. Il a réussi à réinstaurer un climat positif au sein d’une équipe moralement atteinte par les échecs successifs. Avec lui, nous avons enfin remporté ce fameux tour final de D2. Et chacun se souvient encore que nous étions très bien partis en D1 lorsqu’il a été appelé par la fédération. Après une victoire 1-2 à Lokeren, nous étions en tête du classement avec quatre points d’avance en janvier. Certains prétendent encore qu’avec lui, l’Excelsior aurait été champion. Personne ne pourra jamais le dire mais cela n’avait rien d’utopique. Son comportement concordait parfaitement avec la mentalité mouscronnoise. Il avait un grand sens de l’humour et appréciait de pouvoir travailler comme patron. Pour nous, cela ne posait aucun problème: chacun se ralliait à son expérience. Il savait imposer sa vision des choses, mais de manière assez diplomatique. A l’entraînement, il avait une poigne de fer, mais il savait aussi faire la fête. Lorsqu’il a eu l’occasion de s’en aller, il est malheureusement parti: cela a un peu taché sa carte de visite. Mais il restera, à tout jamais, l’entraîneur qui a propulsé Mouscron parmi l’élite et qui a entamé le processus de professionnalisation ».

Broos est irremplaçable

« Après l’interim de Gil Vandenbrouck, est arrivé Hugo Broos. J’ignore s’il restera à vie à l’Excelsior, comme le souhaite le bourgmestre, mais il aura à coup sûr un très long bail. Après Leekens, on ne pouvait pas engager Tartempion. Il fallait un homme d’expérience et d’une grande réputation. Caractériellement, Broos est très différent de Leekens. Il est plus pondéré, moins expansif, et il faut le connaître davantage pour pouvoir le sonder. Il a apporté énormément de sérénité dans un club où on avait tendance à tomber très rapidement dans l’euphorie ou le désespoir le plus complet. Il dirige les entraînements, mais négocie également les contrats et représente parfaitement le club. On peut discuter de tout avec lui. Il est irremplaçable ».

Daniel Devos

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