HUGO, ROI D’AFRIQUE

En son for intérieur, Hugo Broos a dû souffrir, avoir la sensation de ne plus compter. Son téléphone ne sonnait plus que rarement, il passait ses journées à la maison, blessé et humilié après une carrière qui l’avait tout de même vu sacré Entraîneur de l’Année à quatre reprises. Après avoir qualifié le Cameroun pour la finale de la Coupe d’Afrique des Nations, il a parlé de revanche, comme s’il pouvait enfin exprimer sa frustration. Car l’ex-défenseur n’a pas l’habitude de s’exprimer de la sorte. Broos ne s’est jamais vendu.

Le succès de Hugo Broos à la CAN fait plaisir à beaucoup de monde. Le mot qui le décrit le mieux est : honnêteté. Broos déteste les joueurs qui ne tiennent pas leurs engagements ou qui font passer leur intérêt personnel avant celui de l’équipe. Est-ce démodé ? Non. Pour Broos, c’est une question de normes, de valeurs, de fierté et de respect. Au Cameroun, plusieurs stars ont renoncé à leur sélection. Cela ne rend son succès que plus beau.

Bien sûr, Hugo Broos n’est pas le meilleur entraîneur du monde. Des lacunes, il en a. Il aime se plaindre et ne communique pas facilement. Ce sont des reproches qu’on lui a toujours adressés. Mais il a une explication : pour lui, celui qui parle trop finit par se contredire. C’est pourquoi il ne dit que le strict nécessaire.

Hugo Broos a mal vécu le changement du paysage footballistique, les joueurs qui exultent lorsqu’ils marquent et tirent la tête lorsqu’ils sont sur le banc et les agents qui ne cessent de tourner autour d’eux. Il est nostalgique de l’époque de Bruges, où il prenait du plaisir lors de chaque entraînement, tant les joueurs étaient assidus et enthousiastes, repoussaient le seuil de la douleur, ne supportaient pas de perdre, acceptaient d’être taclés par leur propres équipiers. A Bruges, Broos a appris combien un joueur pouvait évoluer lorsqu’il se sentait respecté et accepté par tous. C’est ce climat qu’il est parvenu à créer en équipe nationale du Cameroun.

Cela fait pourtant des années que Hugo Broos n’a plus la cote. Après sa période anderlechtoise, il a été trop souvent limogé. Quand on a l’étiquette de « dépassé », la compétence et la fidélité ne comptent guère. Hugo Broos ne s’est pourtant jamais laissé faire. Lorsqu’il a dû entamer la saison au RWDM avec un effectif réduit, il a démoli la politique de la direction dans une interview, sans être sanctionné pour la cause. Et à Zulte Waregem, il a été viré pour ne pas avoir baigné dans l’euphorie que Patrick Decuyper, l’homme fort de l’époque, voulait imposer.

Hugo Broos a toujours été un homme de principes. Et il a toujours tenté de relativiser. Même au cours de ses trois saisons à Anderlecht, où la facilité dans laquelle les joueurs tombaient parfois avait le don de l’irriter au plus haut point. Broos ne lisait pas les journaux. Le soir, chez lui, il se plongeait dans un livre sur l’influence de la CIA. Mais son passage à Anderlecht l’a marqué au fer rouge. A partir de ce jour-là, il n’est plus jamais resté très longtemps en place et il a souvent été sans emploi.

Cela fait des années que Hugo Broos prétend qu’on ne veut plus de lui en Belgique. Cela changera-t-il ou cette victoire en Coupe d’Afrique des Nations sera-t-elle anecdotique ? Hugo Broos aura 65 ans le 10 avril. Il pourrait prendre sa retraite et partir par la grande porte, en Roi d’Afrique. Mais il s’est suffisamment reposé au cours des dernières années et il a toujours le feu sacré.

PAR JACQUES SYS

Hugo Broos a des normes et des valeurs

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