Hors de l’ombre

Il fut pendant quatre ans le directeur de l’Excelsior. En fin de contrat, il s’est laissé attirer dans la capitale par Johan Vermeersch.

Ancien journaliste sportif au quotidien flamand HetLaatsteNieuws pendant 25 ans, dont neuf comme rédacteur en chef, Gino Gylain avait choisi de s’établir à son compte voici une dizaine d’années en créant sa société G&G Production et en enfilant parallèlement le costume de manager, principalement dans des clubs de football (RWDM avec Johan Vermeersch, Courtrai où il fut impliqué dans le projet de fusion Courtrai-Harelbeke-Waregem qui échoua et enfin Mouscron à la demande de Jean-Pierre Detremmerie), mais aussi de basket (Ostende à la demande de Rudolf Vanmoerkerke). Pendant cette période, il s’est profilé comme un grand travailleur, compétent mais discret, au service de ses patrons.

« Les déclarations spectaculaires, ce n’est pas mon style », admet-il. « Je pourrais clamer bien haut que j’ai déjà des contacts pour faire venir Sir Alex Ferguson et Ben Johnson à Bruxelles dans le cadre d’un débat, ou que j’ai été invité en Libye par le président de la fédération de football: Monsieur Gheddafi, fils. Si j’étais vaniteux, je pourrais aussi déclarer que, moi, j’aurais pu réussir à Anderlecht car je n’aurais pas tenté de m’opposer à Michel Verschueren. Mais je préfère laisser les autres juger de mon travail, et je constate que les propositions ont afflué lorsque j’ai fait part de ma décision de quitter l’Excelsior Mouscron. J’avais le choix entre sept possibilités. L’une des propositions émanait d’un autre club de football de D1 belge, que je ne peux pas citer car Jean-Pierre Detremmerie s’est opposé à ce que je prête mes services à ce club-là ».

Depuis samedi dernier, 1er mars, Gino Gylain a donc quitté le Canonnier après quatre années de bons et loyaux services. « J’ai promis au bourgmestre de la Cité des Hurlus que, s’il avait encore besoin d’un coup de main d’ici à la fin de la saison, je répondrais toujours présent. Je lui dois bien cela, d’autant qu’il a accepté de me libérer trois mois avant la fin de mon contrat pour rejoindre le FC Brussels de Vermeersch. Je quitte Mouscron avec beaucoup de regrets. J’ai vécu là-bas quatre années inoubliables ».

Vous aviez le titre de directeur à Mouscron. Mais, entre Jean-Pierre Detremmerie et les patrons sportifs (Hugo Broos puis Lorenzo Staelens), beaucoup de personnes avaient du mal à vous situer…

Gino Gylain: Je ne me suis jamais vanté de mon travail, ce n’est pas mon genre. Par ailleurs, il était écrit noir sur blanc dans mon contrat que je devais toujours oeuvrer dans le sens voulu par Hugo Broos. Si l’idée lui prenait d’organiser un stage en Côte d’Ivoire, je ne pouvais pas lui répondre: – Vous n’y pensezpas?C’esttropdangereux! Je devais lui répondre: – D’accord, jevaisessayer! Je pense que les stages hivernaux organisés en Espagne, toujours avec deux délégations, se sont dans l’ensemble bien passés. Il fallait aussi obéir à Jean-Pierre Detremmerie, c’est clair. Mais, vis-à-vis du grand patron, cela me semble couler de source. J’étais au service de ces deux patrons. Comme, au FC Brussels, je serai au service de Johan Vermeersch et de Harm Van Veldhoven.

Quelle fut votre « oeuvre », en quatre années de travail dans la Cité des Hurlus?

Je n’aime pas parler de moi. L’Excelsior Mouscron, c’est d’abord l’oeuvre de Jean-Pierre Detremmerie. Des idées, il en a tous les jours. J’en ai eues quelques-unes également comme les « petits déjeuners économiques ». C’est un lieu de rencontres idéal pour de futurs partenaires et sponsors. Trouver des sponsors n’est pas plus facile à Mouscron qu’ailleurs, même si la présence de Jean-Pierre Detremmerie peut aider. Il faut pouvoir présenter autre chose qu’une simple action dans le football. Si vous me demandez: – EstilplusfacilededénicherunsponsorpourleFCBrusselsquepourl’ExcelsiorMouscron?, je suis bien obligé de répondre: – Oui! Associer son nom à la capitale de l’Europe, c’est prestigieux. Pour l’Excel, j’ai conclu un partenariat avec La Poste qui a rapporté 2,5 millions d’euros en trois ans. Ce n’est pas rien. Le contrat n’a pas été renouvelé pour diverses raisons. Entre autres, parce qu’il avait été signé avec l’ancien administrateur délégué.

Comment Mouscron compensera-t-il cette perte de rentrées financières?

Une restructuration est en cours. De nouveaux investisseurs vont rejoindre le Conseil d’Administration. Ils appartiennent à différentes sociétés. C’est aussi une volonté de Jean-Pierre Detremmerie: ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.Un club d’avenir

Etes-vous inquiet pour l’avenir de l’Excelsior?

Pas vraiment. Le club traverse une période plus difficile, mais c’est le cas de beaucoup de cercles belges. L’Excel est bien structuré. Beaucoup de choses ont déjà été réalisées. Lorsque des émissaires de Tottenham ont visité le Futurosport, ils ont ouvert de grands yeux. Mouscron a toujours été l’un des premiers clubs à obtenir sa licence, et ce sera encore le cas cette saison, même si l’élaboration du dossier a pris un peu plus de temps en raison de la mise en place de la nouvelle structure. L’Excel va réussir. Le tout est de savoir ce que l’on entend par « réussir ». S’agit-il de remporter le titre ou d’avoir un bon club viable sur le long terme? Une chose m’inquiète: c’est qu’un jour, Jean-Pierre Detremmerie décide d’arrêter, pour des raisons de santé ou simplement de ras-le-bol. Il a déjà annoncé sa démission à plus d’une reprise lors de réunions du Conseil d’Administration. Cela arrive à tout le monde d’avoir des moments de déprime, mais parfois, j’ai eu l’impression que le découragement était plus profond chez lui. J’ai peur qu’un jour, il passe à l’acte. Et l’Excelsior ne me semble pas encore prêt à vivre de manière autonome, sans lui.

Qu’est-ce qui vous fascine chez lui?

Sa force de travail. Sa vision, aussi. Ce n’est pas facile de travailler avec Jean-Pierre Detremmerie. Mais il voit clair. Ce n’est pas un hasard si Anderlecht l’aurait volontiers vu dans le fauteuil de président de la Ligue. Pour ma part, je crois que davantage que président de la Ligue, sa place serait celle de président de la fédération. Mais, avec la fédération, il a plutôt tendance à se disputer…

Il prépare sa succession, mais veut rester le patron…

C’est vrai, c’est une situation un peu délicate. Il est conscient qu’il lui faut déléguer, mais il veut rester le décideur. Il n’apprécie pas trop, par exemple, que des subalternes parlent en son nom. Des interviews comme celles-ci ne devraient pas être publiées simultanément dans une dizaine de quotidiens. Je pense qu’il a apprécié mon travail, il me l’a confié en plusieurs occasions, mais je crois qu’il a encore davantage apprécié que je l’aie effectué en toute discrétion.

Serez-vous remplacé?

Ce sera à la nouvelle structure mise en place d’en décider. Si j’étais resté, l’une de mes attributions aurait été de voyager davantage. A mon avis, dans un premier temps, le travail qui était le mien sera d’abord réparti entre les gens déjà en place. Si la charge de travail s’avère trop importante, peut-être engagera-t-on une autre personne. Stéphane Pauwels avait, un jour, sollicité le président dans l’optique d’un éventuel retour. Mais c’était l’an passé. Aujourd’hui, il est employé avec Georges Leekens par la fédération algérienne.

S’il devait être viré à Anderlecht, Hugo Broos pourrait-il revenir à Mouscron?

J’ai l’impression que lui-même reviendrait volontiers, mais la porte du Canonnier lui serait-elle toujours ouverte après la discussion orageuse qu’il a eue avec Jean-Pierre Detremmerie lors de son départ pour le Parc Astrid? Et puis, dans ce cas, que ferait-on de Lorenzo Staelens? Il faudrait qu’Hugo Broos enfile le costume de directeur technique pendant que Lorre demeurerait entraîneur…

L’affaire Zoran Ban pourrait-elle déstabiliser le club?

Jean-Pierre Detremmerie est le seul habilité à parler de cette affaire. Je ne ferai donc aucun commentaire. Sinon celui-ci: Zoran Ban est toujours là…

Daniel Devos

« Ma seule crainte est que Detrem’ arrête »

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