Hôpital de ROULERS, svp

La poisse lui colle aux basques depuis un an. Les blessures se sont succédé. Un drame pour lui, qui ne supporte pas l’inactivité.

Yves Vanderhaeghe est un dur. Après s’être fracturé la pommette suite à un coup de coude de Tony Sergeant lors du match à l’Antwerp, le dimanche 18 janvier, il a été opéré le mardi à l’hôpital de Roulers. Le jeudi, il était déjà en visite au stade Constant Vanden Stock, et si cela n’avait tenu qu’à lui, il serait monté sur le terrain pour affronter Gand le samedi.

Depuis lors, il a repris l’entraînement individuel. C’est toujours ça…  » Rien ne s’y oppose « , affirme-t-il.  » Je n’éprouve aucune gêne lorsque je cours. Je peux tout aussi bien frapper le ballon. Je dois simplement éviter les contacts, car les os ressoudés sont encore fragiles « .

L’envie de jouer est grande chez le demi défensif international. D’autant plus grande que, depuis un an, il a été réduit à la portion congrue. Blessé au genou en mars, il avait dû faire une croix sur la fin de saison 2002-2003. Revenu en période de préparation, il avait rapidement dû se rendre à l’évidence : c’était trop tôt. Entre-temps, Besnik Hasi avait conquis ses galons de titulaire. Yves Vanderhaeghe a dû apprendre les vertus de la patience. Il pensait recevoir une nouvelle chance pendant la blessure de l’Albanais, en janvier, mais voilà qu’un nouveau coup du sort s’est abattu sur lui. Alors, aujourd’hui, Yves Vanderhaeghe a faim de ballon. Un appétit gargantuesque.

Des nouvelles de votre blessure, tout d’abord ?

YvesVanderhaeghe : Je vais bien, rassurez-vous. L’opération s’est parfaitement déroulée, et j’en suis heureux. Si les médecins n’étaient pas parvenus à remettre l’os de la pommette bien en place, des complications auraient pu surgir. Mais on n’a pas dû m’apposer des vis et cela m’a permis de rentrer très rapidement à la maison. Je ne ressens plus aucune douleur. Je sens simplement que mon visage a subi quelques aménagements, c’est tout.

 » Relève-toi, ce n’est rien !  »

De quoi vous souvenez-vous, depuis le moment du choc ?

J’ai reçu un coup de coude de Tony Sergeant. Un coup de coude involontaire, je m’empresse de le souligner. Je crois volontiers le joueur de l’Antwerp lorsqu’il m’a exprimé ses regrets. C’est un joueur correct, et il m’a d’ailleurs appelé dans la soirée pour s’excuser et prendre de mes nouvelles. C’est un geste que j’ai apprécié. Il ne pouvait rien faire d’autre à ce moment-là. Le choc s’est produit dans le feu de l’action. C’était un match engagé, et nous sommes allés au duel pour la conquête du ballon. Si l’impact s’était produit deux centimètres plus bas ou plus haut, je n’aurais peut-être rien ressenti, mais là, c’était au mauvais endroit. Sur le coup, la douleur fut très vive. Je suis tombé au sol et j’avais un horrible mal de tête. En posant la main sur la joue, j’ai senti d’emblée qu’il y avait un trou. Le public s’est mis à gronder, en pensant que je jouais la comédie. Mes partenaires d’Anderlecht devaient le penser également : ils m’ont tiré le bras, pour essayer de me relever. N’avaient-ils rien vu de ce qui s’était passé ? J’ai fini par me relever, et je me suis dirigé vers le banc, afin qu’on m’examine de plus près. On a immédiatement décelé une fracture : je ne pouvais pas poursuivre le match. Pourtant, j’avais envie de continuer. Du moins quelques instants, le temps que Pär Zetterberg termine son échauffement. Je ne voulais pas qu’Anderlecht doive jouer à dix, ne serait-ce que quelques minutes.

Même dans ces moments-là, vous avez donc songé à l’intérêt de l’équipe avant de songer à vous ?

Oui, on peut le dire. Je me disais que je devais faire abstraction de la douleur afin de demeurer sur le terrain. J’aime trop ce jeu et je veux toujours y participer, coûte que coûte. La sagesse, heureusement, l’a emporté. Rentré au vestiaire, j’ai directement téléphoné à Yves Feys. Comme il était blessé ce jour-là, il assistait au match depuis la tribune. Je l’avais côtoyé à Mouscron, jadis : pendant deux ans, nous avons fait la route ensemble. Il a accepté de me reconduire à Roulers. Dans la voiture, j’ai failli m’évanouir à plusieurs reprises. La douleur était devenue insupportable. Arrivé à l’hôpital, on m’a administré des anti-douleurs.

Le nouveau Brad Pitt

Pourquoi teniez-vous absolument à rejoindre l’hôpital de Roulers, plutôt qu’une clinique plus proche ?

Mon épouse y travaille comme réceptionniste, et grâce à elle je pouvais recevoir toutes les facilités pour passer un scanner dans les plus brefs délais. J’ai toujours été bien soigné à l’hôpital de Roulers et je commence à y avoir mes habitudes. Le Sporting n’y voit pas d’inconvénient : au club, on sait que je prends toujours toutes les dispositions pour être soigné dans les meilleures conditions. En pratiquant de la sorte, je gagne du temps, et je suis toujours resté en contact avec le Dr Huylebroeck, le médecin du club. Le scanner a révélé la fracture. Ou plutôt, les fractures : l’arcade était brisée à quatre endroits, et le sinus à deux endroits. J’ai été opéré le mardi 20 janvier. Comme j’ai bien réagi à l’opération, j’ai déjà pu rentrer chez moi le soir même. La nuit, je porte un appareil pour que je ne m’endorme pas sur le côté opéré. Je l’enlève en journée, mais je dois encore être prudent. Les os sont encore fragiles. Ce n’est pas bien grave : autour de moi, on me dit que je suis plus beau qu’avant. Je suis… le nouveau Brad Pitt ! ( ilrit) Moi, en tout cas, je me sens déjà des fourmis dans les jambes.

Vous n’avez jamais eu envie de  » profiter  » de la situation pour vous la couler douce, durant quelques jours ?

Jamais. Je ne supporte pas l’inactivité. J’éprouve toujours le besoin de bouger, de courir, de transpirer. Deux jours après l’opération, je me suis déjà rendu au sauna. Je suis comme cela. Les vrais sportifs comprendront mon état d’esprit.

Plutôt une mauvaise joue qu’un mauvais genou

Quand espérez-vous rejouer ?

Les médecins m’ont prévenu que je devrais tout de même patienter quatre semaines pour que la calcification soit complète et que je puisse supporter les contacts. La semaine dernière, je me suis rendu à Bruges, à la même adresse que David Rozehnal, pour qu’on me confectionne un masque sur mesure. En portant ce masque, je devrais pouvoir reprendre assez rapidement les entraînements de groupe. Je n’ai aucune appréhension, je ne demande qu’à rejouer le plus vite possible, dès que les médecins m’auront donné le feu vert. Mon genou est désormais impeccable, c’est le principal. A Maspalomas, je me suis entraîné deux fois par jour, de manière très intensive, sans le moindre problème. A la limite, pour un footballeur, il est préférable d’avoir un genou en bon état et une joue en… mauvais état.

Car la guigne vous poursuit, depuis un an : auparavant, c’était le genou qui vous empêchait de jouer…

2003 ne m’a pas porté chance, effectivement. J’ai souffert d’une usure du cartilage du genou gauche. Je ressentais, certes, une légère douleur, mais elle était supportable et j’ai continué. Finalement, j’ai dû me résoudre à l’opération. Celle-ci s’est déroulée le 17 mars. A partir de ce moment, je savais que j’en avais pour six mois. Début juillet, j’étais cependant d’attaque pour la reprise des entraînements. Plus tôt que prévu, donc, mais comme je n’avais rencontré aucun problème lors de la rééducation, le Dr Martens m’a donné le feu vert et j’ai tenu à participer aux séances collectives qui conditionnent souvent la suite de la saison. J’ai participé sans problème au premier match amical, à Knokke, mais lors du match suivant à Grimbergen, je n’ai pas tenu la distance. J’avais enchaîné trop rapidement les exercices de course et les entraînements purement footballistiques : frappes de balles, démarrages, mouvements de pivots. J’ai dû mettre le frein à main : pendant deux à trois semaines, je n’ai plus fait que du vélo et de l’aquajogging. Besnik Hasi n’a pas attendu ma guérison pour conquérir ses galons de titulaire.

Frustrant ?

Oui, mais c’est la loi du football. Lorsqu’on signe dans un club comme Anderlecht, on sait qu’on devra affronter la concurrence. Je le savais d’autant mieux que Besnik Hasi était arrivé en même temps que moi. Nous allions être deux pour une place et le meilleur jouerait. Longtemps, j’ai eu la préférence. Mes blessures ont modifié la donne. Pendant ma convalescence, Hugo avait tenu à me rassurer. Il m’avait affirmé que, dès que je serais rétabli, je récupérerais ma place. Il n’a pas entièrement tenu parole, mais je ne peux pas lui en vouloir : on ne change pas une équipe qui gagne. Et je dois reconnaître que Besnik Hasi avait livré de très bonnes prestations. Lors des trois matches que j’ai disputés, je pense avoir bien tiré mon épingle du jeu. J’ai même marqué à Mouscron. Depuis octobre, je suis à 100 % de mes possibilités. Mais je suis contraint d’attendre mon tour. Aussi, lorsque j’ai appris que Besnik Hasi devrait faire l’impasse sur trois ou quatre matches en janvier, je m’étais dit qu’une chance s’offrait à moi. Ma motivation était décuplée. Une nouvelle année avait commencé, et elle débutait sous les meilleurs auspices. Je n’en ai que plus râlé lorsque cette blessure au visage m’a obligé à une nouvelle période d’inactivité. Je devrai recommencer de zéro. Et encore patienter.

Le Japon ou La Haye

On prétend que vous aviez même envisagé de changer d’air, à un moment donné…

C’est vrai. Lorsqu’on ne joue pas, on envisage tout. Si, sportivement, je n’ai plus la possibilité de m’épanouir et de me battre pour remporter des trophées, cela ne m’intéresse plus. J’espérais qu’avec l’enchaînement des matches, et le système de tournante qui allait être instauré, je recevrais davantage d’occasions de m’exprimer. Mais j’ai dû m’en tenir à trois titularisations en championnat. Je n’ai jamais joué en Ligue des Champions cette saison, à l’exception de dix minutes en fin de partie contre Lyon. Chaque match passé sur le banc devenait un calvaire pour moi. Alors, je dois l’admettre : j’ai songé, dans ces circonstances, à faire une croix sur mes ambitions sportives afin de privilégier l’aspect financier. En essayant d’obtenir, à l’image de Lorenzo Staelens, un dernier contrat lucratif. Au Japon ou ailleurs.

On a aussi parlé d’un intérêt de La Haye. Qu’est-ce qui aurait pu vous intéresser là-bas ?

Pas les ambitions sportives du club, c’est clair : La Haye est plutôt une équipe qui lutte contre la relégation. Mais l’envie de jouer était tellement grande que j’étais prêt à accepter n’importe quoi, ou presque, pourvu que je retrouve le terrain.

Aimé Anthuenis vous en aurait dissuadé ?

Je l’ai contacté, c’est vrai. Entre nous, il existe un respect mutuel. J’avais envie de connaître son point de vue : je suis toujours enclin à écouter les conseils des hommes d’expérience. Il m’a encouragé à prendre patience, en ajoutant que j’avais le privilège de faire partie du meilleur club de Belgique et que je ne pouvais pas gâcher cette opportunité. Il m’a assuré que, si je retrouvais ma place de titulaire au Sporting, j’entrerais de nouveau en considération pour une place en équipe nationale. J’avais espéré pouvoir participer au match Belgique-Croatie, le 10 septembre, mais j’ai dû me rendre à l’évidence : je n’étais pas prêt.

Jouer le plus longtemps possible

Vous avez 34 ans. C’est un âge où un sportif a ses plus belles années derrière soi…

Peut-être, mais aussi longtemps que j’estime avoir le niveau, pourquoi devrais-je revoir mes ambitions à la baisse ? Actuellement, je n’y songe pas du tout.

Avez-vous planifié votre fin de carrière ?

Non, je ne me suis fixé aucune limite. Je veux jouer le plus longtemps possible. A 40 ans, Vital Borkelmans joue encore. Dany Verlinden et Filip De Wilde aussi, mais ce sont des gardiens de but, c’est différent. Lorenzo Staelens aurait pu continuer, lui aussi. On va parfois courir ensemble pendant l’été et il tient encore facilement la distance. Le problème ne se situait pas au niveau physique, mais plutôt mental : il n’avait plus envie de subir toute la pression médiatique, notamment. En ce qui me concerne, il me reste deux années de contrat à Anderlecht, et si tout se passe bien, je compte les honorer. J’aurai alors 36 ans. Après ? On verra. Je suis certain d’une chose : si mon état le permet, je continuerai à jouer au football. Si ce n’est plus à Anderlecht, ce sera à Mouscron ou ailleurs. Le plus haut possible. Et, croyez-moi : je ne décevrai pas l’équipe qui daignera encore me faire confiance.

Daniel Devos

 » En posant la main sur la joue, j’ai senti qu’IL Y AVAIT UN TROU  »

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