Histoires liégeoises

Né en 1892, le plus vieux club wallon porte le Matricule 4 et, en attendant des lendemains qui rechantent, se nourrit des exploits et vedettes qui peuplent sa légende.

La scène date de la fin du championnat 1951-1952 : le plus célèbre des citoyens liégeois, Georges Simenon, serre la main de Louis Carré. L’écrivain à succès et le footballeur en vogue. Le père de Maigret avait apprécié, dit-on, le suspense au bout duquel les Sang et Marine s’emparèrent du titre.

Ancien journaliste à la Gazette de Liège, pour qui il avait couvert un tournoi organisé à Sclessin par le FC Liégeois, Simenon vendit 550 millions d’exemplaires de son immense collection de romans. Son frère, Christian, a été affilié chez les Sang et Marine. Un de ses grands amis, Georges Remy, était journaliste à La Meuse, romancier aussi et joueur de l’équipe première de Liège. Le football ne le préoccupait pas beaucoup mais s’il ne s’était pas fixé à Paris et en Suisse, la petite et la grande histoire du vieux club de sa ville natale l’auraient peut-être inspiré, entre la mise au net du Pendu de Saint-Pholien et la dernière ligne de l’Horloger d’Everton. Maigret aurait pu mener des enquêtes intéressantes à Liège…

LES MINOTS DE ROCOURT

Victor Wégria (1936-2008) est un des nombreux jeunes qui, de tous temps, ont fait leurs classes à Rocourt. Ils sont toujours l’âme et la raison d’être du Matricule 4. Originaire de Fize-Fontaine, il se consacra d’abord à l’athlétisme avant que sa vitesse de sprinter et sa robustesse ne fassent des ravages sur les terrains. Redoutable, il fut sacré meilleur buteur de D1 en 1959 (26 buts), 1960 (21), 1961 (23) et 1963 (24). Une telle facilité en zone de vérité aurait dû lui valoir plus que cinq caps en équipe nationale.

En 1966, Roger Petit l’attira au Standard pour préparer la succession de Roger Claessen. Ce transfert défraya la chronique et les critiques affectèrent le père Wégria. Plus tard, il retrouva le stade Vélodrome en tant que coach (1971-1975, 1982-1983). Le bon Victor travaillait beaucoup avec les jeunes du cru. Son fils Bernard fit aussi les beaux jours du FC Liégeois, d’abord comme attaquant avant d’acquérir des galons comme arrière droit.

Inoubliables aussi : Albert et Gérard Sulon, Henri Depireux, Yves Baré,Julien Onclin, Emile Lejeune, Jean-François de Sart, Moreno Giusto, Benoît Thans, Bernard Habrant, Jean-Marie Houben, Frédéric Waseige, Eric Deflandre,Guillaume Gillet, Luc Ernes, Danny Boffin, Gaëtan Englebert, etc.

DIABLES LIÉGEOIS

Pol Anoul (1922-1990) était aux yeux de Robert Waseige un  » immense joueur qui n’avait pas froid aux yeux « . Et c’est peut-être ce qui explique son raid du 17 octobre 1948 à la 53e minute d’un France-Belgique de légende. Le marquoir indique 3-1 quand le Liégeois part de son camp, n’entend pas un équipier qui lui demande où il va ainsi, dribble une ribambelle de tricolores avant de décocher une fusée. L’Homme de Colombes est né et la Belgique égalisera après ce but de légende. Présent au Mondial de 54 (44 caps), pierre angulaire des deux titres liégeois en 1952 et 1953, Anoul est transféré au Standard en 1957 et contribue à la conquête du premier écusson rouche.

Entraîneur, il ramena le Sporting de Charleroi vers la D1 en 1966. Une autre aventure en dit long sur le caractère de celui qui géra durant des années une taverne (Le Colombes), près de l’Opéra dans le centre de Liège. En 1953, il joue avec des chaussures mises au point par son ami Maurice Gillis et garnies de son nom. L’Union belge lui inflige une suspension de six mois (ramenée ensuite à un) pour publicité interdite, ce qui le priva d’un match de l’équipe nationale. Anoul estima que la direction de Rocourt ne le soutint pas assez et ne se priva de le dire.

Inoubliables aussi : Louis Carré (recordman liégeois du nombre de sélections en équipe nationale : 56 de 1948 à 58), Yves Baré, Emile Lejeune, Guy Delhasse, Henri Govard, José Moës, Gérard Sulon,Albert Sulon, Victor Wégria, Dany Veyt, JackyStockman, Danny Boffin, Gaëtan Englebert, Jean-Marie Houben, Claude Croté, Willy Saeren, Jean-Marie Letawe, Francis Nicolay, Léon Rosper,Théo Lacroix, Ernest Moreau de Melen, etc.

VENUS D’AILLEURS

Edhem Sljivo (62 ans) est probablement le meilleur joueur étranger ayant jamais évolué à Liège. Il débarqua du FK Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) en 1978 et exprima des qualités de milieu de terrain d’exception – vista, technique, sens du but, engagement, frappe – avant de tenter sa chance à Nice (1981-1982) et à Cologne (1982-1984). Revenu à Rocourt en 1984, il anime l’équipe avant d’être victime d’un terrible accident de la route le 17 décembre 1986. La fin de sa carrière rappelle celle de Milo Baresa lui aussi arrêté par un drame de la circulation en septembre 1971. Depuis, partiellement paralysé, ce numéro 8 de classe mondiale se bat, gère un bel établissement près du Perron fréquenté par un club de supporters du FC Liégeois, et a donné son nom à un magnifique tournoi de futsal.

Inoubliables aussi : Jovan Curcic,Hans-Peter Lipka, Werner Rodekamp, SeadSusic, Zvonko Varga, Cvijan Milosevic, Karoly Kremer, Ranko Stojic, Neba Malbasa,Sunday Oliseh, Victor Ikpeba, Khalilou Fadiga, etc.

LE MAGE

Robert Waseige (72 ans) a tout vécu au FC Liégeois où il fut d’abord joueur (D1 de 1959 à 1963) et plus tard coach (1983-1992). En tant que T1, Waseige a bâti une équipe, rendu une âme à un club qui cherchait un nouveau souffle, gagné une Coupe (1990), vécu de belles campagnes européennes et révélé des joueurs. Il incarnait ce FC Liégeois qui ne craignait rien et suscitait le respect loin de ses installations. Personne ne se frottait de gaieté de c£ur aux Waseige’s Boys. Cette bande de copains a progressé dans la joie et un esprit de fronde typiquement liégeois.

Fin psychologue et meneur d’hommes, il a su créer une belle osmose entre beaucoup de joueurs du cru et quelques renforts étrangers triés sur le volet et scoutés avec soin, notamment par Emile Lejeune. La réussite de l’ancien coach fédéral rappelle évidemment celle de Jean Loos, entraîneur du titre en 1952 et 1953. Waseige soutient désormais Liège dans un rôle de directeur technique.

Inoubliables aussi : Georges Perino, Andras Dolgos, Jean Cornili, Bane Sekulic,Arthur Ceuleers, Michel Pavic, Yves Baré, Sylvestre Takac, Louis Carré,Victor Wégria,Eric Gerets, Raphaël Quaranta, etc.

CHAMPION DE L’ÉVASION

Le 4 mai 1952, Jean Loos (1913-2005) est porté en triomphe au coup de sifflet final de l’avant-dernière journée du championnat. Enfin… le titre est dans la poche et l’événement est fêté dans une allégresse aiguisée par une attente longe de 53 ans. C’est le 4e titre de champion après les trois écussons du temps des pionniers (1896, premier club sacré champion, 1898, 1899). Il suffisait d’un point qui ne fut pas obtenu dans la facilité : 1-1 et égalisation de Pol Anoul. Ce titre et le suivant (1953, 5e et dernier) sont à mettre à l’actif de Loos qui avait succédé à Georges Perino en 1950.

Loos, un vrai Rouge et Bleu, a vécu pas mal d’aventures durant la Deuxième Guerre mondiale : prisonnier en Allemagne, évasion, retour à Liège via le Luxembourg, entraîneur clandestin des équipes de jeunes qui se cache au Chalet du stade pour échapper aux rafles de l’occupant. Coach à plus d’un titre, Loos était aussi un comédien très apprécié qui faisait souvent un tabac au Trocadéro…

LA COUPE EST PLEINE

Robert Waseige l’a déclaré dans le livre consacré aux 120 ans du FC Liégeois :  » C’est un des plus beaux jours de ma carrière ! » Cette finale de la Coupe disputée le 19 mai 1990 récompense la progression de l’équipe mise au point par le Mage de Rocourt. En 1987, les Sang et Marine avaient échoué en finale contre le FC Malinois d’ Aad de Mos (1-0). Le Germinal Ekeren et ses joueurs expérimentés ne s’alignèrent pas en victimes consentantes, loin de là. Gunther Hofmans répond au but de Luc Ernès avant que Cvijan Milosevic botte un penalty sur la barre. Finalement, Neba Malbasa émerge rageusement de la tête à 10 minutes du coup de sifflet final : 2-1, la Coupe de Belgique prend la direction de Rocourt.

Cette première dans l’histoire du club sera fêtée jusqu’aux petites heures. Pourtant une autre coupe figure au palmarès liégeois : la Coupe Bleue qui, en 1899, a été remise au premier club ayant remporté trois titres de Champion de Belgique.

PRÉSIDENT DE FER

C’est en 1971 que Jules George (1903-1983) accède à la présidence d’un FC Liégeois à la trésorerie plus que fragile. A 68 ans, ce capitaine d’industrie gère la plus grande entreprise européenne de récupération et de traitement de la ferraille. Président autoritaire, il met souvent la main au portefeuille pour maintenir le club à flot. Affilié au FC Liégeois dès 1915, George n’y joua pas au football avec succès mais fut champion d’aviron. Il participa aux Jeux Olympiques de Paris en 1924 et fut vice-champion d’Europe en 1920.

Il ne céda pas son club à Milan Mandaric à la fin des années 70, insista pour recruter Edhem Sljivo et donna son accord pour confier le poste de coach à Robert Waseige en 1983, quelque temps seulement avant son décès. Depuis le 19 juillet 2011, Liège est présidé par Jean-Paul Lacomble.

Inoubliables aussi : Emile Berchmans, Robert Lenger, Emile Bounameaux,Pascal Maka, René Legros, André Marchandise, etc.

SANS DOMICILE FIXE

En septembre 1892, un champion cycliste et grand amateur d’art, Robert Protin, lance la section football d’un club cycliste, le Liège Cyclist Union, futur Pesant Club Liégeois. Il faut que les cyclistes entretiennent leur condition physique en hiver et la pratique du football les aide. Les Sang et Marine viennent au monde le même jour que Liège-Bastogne-Liège. Ce club joue successivement au vélodrome de la Boverie et à Cointe avant de se fixer à Rocourt le 28 août 1921.

Directeur du charbonnage d’Ans-Rocourt, Oscar Flesch (qui donnera son nom au stade) a brillamment mené ce projet avec l’aide de Walther Defalle. Cette infrastructure omnisports est rayée de la carte après le match Liège-CS Bruges (0-0) du 26 novembre 1994 en raison de son état de délabrement.

C’est la dernière séance : le stade est démoli et remplacé par le cinéma Kinepolis. Le FC Liégeois devient le SDF du football belge, joue quelques matches à Sclessin, à Eupen, s’installe à Tilleur, à Ans et à Seraing. Le Pairay est son QG actuel.

COURT-CIRCUIT À LISBONNE

Les Sang et Marine ont vécu de belles campagnes européennes au c£ur des années 60 avec surtout, en 1964, une demi-finale de Coupe des Villes de Foires contre le Real Saragosse : 1-0 en Belgique, 2-1 en Espagne, 2-0 lors du test-match (le but marqué à l’extérieur n’était pas encore prépondérant). En 1988, Liège reçoit Benfica en seizièmes de finale de la Coupe de l’UEFA. Les Liégeois méritent une petite différence (2-1, buts de Chalana,Varga, Malbasa)

Le 9 novembre 1988, deux courts-circuits plongent le Stade de la Luz dans l’obscurité. Les Sang et Marine ne se perdent pas dans le noir, sont bien organisés et obtiennent méritoirement un match nul (1-1, buts de Malbasa et Lima) et boutent le géant portugais (finaliste de la Coupe des Champions en 88) hors de la C3. Et c’est un avion en joie qui déposa la délégation liégeoise à Bierset : le champagne avait été servi bien frais…

Inoubliables aussi : Wacker Innsbrück-Liège le 2 octobre 1985 (1-3), Liège-Juventus le 23 novembre 1988 (0-1), Liège-Rapid Vienne le 6 décembre 1989 (3-1), Werder Brême-Liège le 21 mars 1990 (0-2), Liège-Juventus le 6 mars 1991 (1-3), etc.

LE HORS-LA-LOI

Jean-Marc Bosman est le plus célèbre des anciens joueurs du FC Liégeois. Alors qu’il est en fin de contrat, le président André Marchandise exige une indemnité de transfert à Dunkerque. Combatif, le joueur refuse et porte l’affaire devant les tribunaux. Le 15 décembre 1995, Bosman obtient gain de cause auprès de la Cour européenne de justice. Bosman n’est plus un hors-la-loi et l’arrêt consacre la liberté du footballeur en fin de contrat. De plus, les clubs peuvent recruter autant de joueurs ressortissants de l’Union européenne qu’ils l’entendent.

PAR PIERRE BILIC

Edhem Sljivo est probablement le meilleur joueur étranger ayant jamais évolué à Liège.

Liège élimine Benfica, finaliste de la Coupe des Champions 88Bosman, le plus célèbre des anciens joueurs liégeois

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