Heysel, stade de transe

Deux Limbourgeois au long cours se retrouvent pour une apothéose de saison pour l’un et de carrière pour l’autre.

Dimanche, la finale de la Coupe de Belgique, au Stade Roi Baudouin, opposera deux équipes qui n’ont pas l’habitude de se retrouver là. Danny Boffin et Domenico Olivieri sont pratiquement les seuls, dans leur groupe, à avoir déjà vécu ce genre d’événement.

Dans quel état d’esprit abordez-vous cette finale ?

Boffin : Sereinement. Ce sera déjà ma cinquième finale (quatre en Belgique et une en France), je commence à être rompu à ce genre d’expérience. Je suppose que la tension montera davantage chez mes jeunes partenaires. A l’exception de Bram Castro et de Gunther Verjans, personne n’a encore vécu cela. L’entraîneur fait le maximum pour réduire la pression, mais plus le grand rendez-vous approche, plus l’excitation est perceptible. En ville, la finale de la Coupe de Belgique ne laisse personne indifférent. Il y a des affiches et des drapeaux partout. On ne peut pas ignorer que quelque chose d’important se prépare.

Olivieri : Le même raisonnement est valable dans mon chef. Ce sera ma troisième finale, après les deux disputées avec Genk. Avec l’âge et l’expérience, on s’émeut moins. Mais, pour beaucoup de Louviérois, ce sera nouveau.

Plus de 300 cars réquisitionnés

On a l’impression que la fièvre monte davantage à St-Trond qu’à La Louvière…

Boffin : Dans la région, on ne parle plus que de cela. Ces gens ont dû attendre 25 ans pour revivre une finale et ne veulent manquer l’événement pour rien au monde. Une semaine avant le Jour J, on avait déjà vendu 18.000 billets. Plus de 300 cars ont été réquisitionnés. C’est fou. Et je crois que c’est propre au tempérament des Limbourgeois. Si nous avions affronté Genk, je suis certain que nous aurions rempli le stade Roi Baudouin.

Olivieri : Malheureusement, La Louvière ne pourra pas rivaliser en termes de supporters. Au moment où St-Trond avait déjà écoulé 18.000 billets, La Louvière arrivait péniblement à 5.000. Personnellement, j’ai voulu affréter un car pour des amis, des proches et des membres de la famille qui voulaient assister au match. Impossible ! Lorsque je me renseignais auprès des autocaristes, on me répondait que tous les véhicules avaient déjà été réservés par les Trudonnaires.

Depuis que son maintien est assuré, La Louvière n’a plus que la Coupe de Belgique comme objectif sportif. St-Trond, par contre, a lutté jusqu’à l’avant-dernière journée de championnat pour une place en Coupe de l’UEFA. Quelle était la meilleure situation pour préparer la finale de dimanche ?

Olivieri : Lorsqu’on reste en lutte pour une qualification européenne, on doit demeurer concentré et continuer à jouer chaque match à fond. L’avantage, c’est qu’on reste dans le rythme. Dans le cas de La Louvière, le risque d’une décompression existe. Mais une finale de Coupe de Belgique est un événement suffisamment important en soi pour retrouver sa motivation et sa concentration au moment voulu.

Boffin : Avoir gardé le rythme jusqu’au bout peut, effectivement, se révéler un avantage. St-Trond m’apparaît aussi dans une forme ascendante. Notre premier tour avait été très bon. Certains avaient même prétendu que nous jouions au-dessus de notre niveau. Puis, en début de deuxième tour, nous avons connu un passage plus difficile. On a affirmé que notre jeune groupe accusait le coup, physiquement et mentalement. Nous avons alors recommencé à nous entraîner durement, comme en période de préparation. Et l’équipe s’est remise à bien jouer.

Les bruits de fusion qui ont circulé ces dernières semaines à La Louvière peuvent-ils perturber la concentration ?

Olivieri : Beaucoup de joueurs y ont sans doute pensé ces dernières semaines, lorsque nous avons disputé des matches de championnat sans véritable enjeu. Mais, lorsqu’on s’apprête à disputer une finale de Coupe de Belgique, on oublie les problèmes.

Boffin : Que l’on soit assuré de son avenir ou encore dans l’incertitude, on a envie de gagner lorsqu’on monte sur la pelouse du stade Roi Baudouin, au milieu de 30 ou 35.000 spectateurs. Les joueurs qui arrivent en fin de contrat disposent d’ailleurs en cette occasion d’une excellente vitrine pour plaider leur cause.

Une finale inoubliable au Stade de France

Domenico, cette finale de Coupe de Belgique sera probablement le dernier match de votre carrière. Pouviez-vous rêver d’une plus belle apothéose ?

Olivieri : L’apothéose rêvée, ce serait de remporter cette finale. Sinon, j’aurais terminé ma carrière sur une défaite. Mais, c’est vrai : c’est formidable de pouvoir jouer son dernier match au stade Roi Baudouin. Je l’avais espéré sans trop y croire, surtout lorsque le tirage au sort nous avait désigné Genk, puis le Standard comme adversaires. Et voilà que cela s’est tout de même réalisé !

Danny, pour votre part, vous comptez jouer une saison supplémentaire ?

Boffin : Effectivement. Que St-Trond gagne ou perde dimanche, n’y changera rien. J’ai toujours déclaré que je continuerai à jouer, aussi longtemps que la condition est là et que j’ai le sentiment de pouvoir apporter quelque chose à l’équipe. Le jour où, en me levant le matin, je ferai grise mine à l’idée de devoir me rendre à l’entraînement, j’arrêterai. Mais ce n’est pas encore le cas.

Quels souvenirs gardez-vous de vos finales précédentes ?

Olivieri : Ma première finale, en 1998, demeurera inoubliable. Genk avait terminé vice-champion de Belgique, loin derrière Bruges. Nous avions perdu nos deux derniers matches de championnat, dont celui de clôture à domicile contre Mouscron. Les doutes avaient envahi l’entourage de l’équipe. Bruges partait largement favori. Mais l’enthousiasme et la mentalité qui animaient l’équipe ont permis de déjouer tous les pronostics. L’espace de 90 minutes, Genk a fait feu de tout bois. Nous avons gagné 4-0. C’était le premier trophée du club. Une finale de Coupe de Belgique, c’est spécial. Il y a toutes les journées qui précèdent : la tension qui monte, la publicité que l’on fait autour de l’événement, la mise au vert. Le jour même, il y a l’arrivée à Bruxelles, lorsque l’autocar doit se frayer un passage au milieu de tous les supporters qui vous saluent. Et, lorsqu’on a gagné, il y a le retour au bercail et l’ovation d’une foule en délire. Ce sont des moments intenses. Surtout la première fois. Lorsque j’ai disputé ma deuxième finale, j’étais déjà habitué.

Boffin : L’événement prend toute sa saveur lorsqu’il est exceptionnel pour l’équipe. J’ai vécu cela en 1990, avec le FC Liégeois, lorsque nous avons battu le Germinal Ekeren. J’ai aussi remporté deux finales avec Anderlecht, mais ce n’était pas pareil. Pour le Sporting, c’est presque de la routine. On est content d’être là, on boit une coupe de champagne lorsqu’on a gagné, mais on ne fait pas la fête jusqu’aux petites heures. C’est simplement mission accomplie. Une finale me marquera à tout jamais, malgré la défaite : celle disputée avec Metz au Stade de France, contre Lens. 80.000 personnes, colorées et enthousiastes, réunies pour partager un même bonheur de se retrouver en ces lieux, c’est impressionnant. J’ai beau avoir participé à deux Coupes du Monde, et avoir disputé un Belgique-Pays-Bas dans ce même Stade de France, cela donne toujours la chair de poule.

Canaris favoris ?

En Belgique, lorsque aucun des quatre grands n’est présent, on parle d’une petite finale…

Boffin : A tort. La Louvière a éliminé Genk et le Standard. St-Trond a éliminé Anderlecht. Ces deux équipes ont donc beaucoup de mérites de se retrouver au stade ultime de l’épreuve. Si l’on n’est pas d’accord avec ce raisonnement, il faut modifier le règlement et décider, dès le départ, qu’Anderlecht jouera la finale contre Bruges.

Sur base du classement, St-Trond partira avec les faveurs du pronostic, dimanche ?

Boffin : Oui, mais au départ d’une finale, on remet les compteurs à zéro. Ce qui s’est passé pendant la saison ne compte plus. Chaque équipe est ultra-motivée à l’idée de remporter le trophée et sait qu’en 90 minutes, tout est possible. On l’a encore vu la saison dernière, lorsque Bruges a éprouvé énormément de difficultés à vaincre Mouscron. La forme du jour est déterminante. Le petit brin de chance, aussi. La Louvière a autant les faveurs du pronostic que nous. Ce sera du 50/50. Comme pour toutes les finales. L’avantage de St-Trond, c’est d’avoir déjà un billet pour la Coupe Intertoto en poche. En cas de défaite, nous ne nous retrouverions pas les mains vides et cela nous permettra peut-être de jouer l’esprit plus libéré. Encore que : la Coupe Intertoto, cela n’a rien à voir avec la Coupe de l’UEFA. En outre, cela nous obligerait à recommencer les entraînements beaucoup plus tôt. Un privilège dont la plupart des joueurs se passeraient bien. Nous n’irons pas au vert. Nous l’avions fait à deux reprises avant les demi-finales, ces dernières années, et cela ne nous avait pas porté chance. Nous préparerons le match comme nous l’avons fait chaque semaine, cette saison. Jeudi, j’assisterai même à la communion de mon fils, et je reprendrai l’entraînement comme d’habitude le vendredi. L’équipe sera seulement réunie à partir de dimanche matin.

Olivieri : Comme les Trudonnaires, nous aurons congé ce jeudi. Nous partirons en retraite à Vilvorde après l’entraînement de vendredi après-midi. La superstition ne peut pas jouer, puisque pour les Loups, ce sera la première finale. Lorsqu’on monte sur la pelouse pour disputer l’apothéose de la saison, on ne tient pas compte des données statistiques, ni d’un statut de favori ou d’underdog. On joue sa chance à fond.

Il n’empêche : St-Trond aura tout à perdre et La Louvière tout à gagner, dimanche…

Boffin : Personne ne comprendrait, effectivement, que nous soyons battus. Surtout pas nos supporters. Et pourtant, ce n’est pas gagné d’avance. D’ailleurs, en championnat, nous avons éprouvé les pires difficultés à battre deux fois La Louvière sur le score de 2-1. Au match aller, c’était d’ailleurs la toute première victoire des Trudonnaires au Tivoli. Je considère que notre saison est déjà réussie. Si l’on m’avait dit, à la reprise, que nous terminerions à la quatrième place, j’aurais signé des deux mains. Et je suis prêt à déjà resigner pour rééditer la même performance la saison prochaine. Il est clair, cependant, que la conquête de la Coupe de Belgique apporterait la cerise sur le gâteau.

Olivieri : Si nous sommes battus dimanche, personne ne nous adresserait le moindre reproche. Une victoire du quatrième classé, face à une équipe de deuxième partie de tableau en proie à des problèmes financiers et incertaine au sujet de son avenir, entrerait dans la logique des choses. Mais nous ferons tout pour faire mentir la logique.

Doit-on s’attendre à des surprises, dans la disposition des équipes ?

Boffin : Chaque équipe a son système de jeu. Et ce n’est pas à la veille d’une finale qu’on modifiera un système qui a fonctionné durant toute la saison. Pendant ce championnat, en une occasion, nous l’avons modifié pour jouer avec cinq défenseurs lors du déplacement à Mons, parce que l’Albert marchait très fort à l’époque. Mal nous en a pris : nous avons été battus 3-0.

Olivieri : La Louvière doit partir d’une bonne organisation. C’est aussi une équipe qui éprouve des difficultés à marquer. Il faut en tenir compte. La finale de dimanche sera, à mon avis, un match très serré dans lequel il sera important d’inscrire le premier but. Contre St-Trond, il n’y a jamais intérêt à trop se découvrir, car cette équipe est capable de développer des contre-attaques très rapides.

Boffin : Un élément pourrait avoir une influence, dimanche : la largeur du terrain du Heysel. C’est une très grande pelouse, et lorsqu’il pleut, elle devient très rapidement spongieuse. On l’a vu lors de Belgique-Norvège. Les deux équipes ont intérêt à ce qu’il fasse beau.

 » Il sera important de marquer le premier  » (Domenico Olivieri) » Le terrain jouera un rôle : le Heysel est très large  » (Danny Boffin)

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