Hé, El Ghanassy et Carcela… Choisissez vite !

Je le savais, trop pourris/gâtés d’habitude, nos Diables ! On les balade précautionneusement d’avions first class en hôtels cinq étoiles, on les enveloppe comme de petites choses fragiles, précieuses et irresponsables, juste bonnes à déballer sur le terrain avant le coup d’envoi pour briller avec leurs pieds ! Et à remballer juste après pour ne pas gaffer avec leur bouche, en lâchant à la presse des choses qu’il ne faut pas ! Et l’on voudrait que ce soient des guerriers durant un match ? Faut pas rêver, t’es un guerrier si t’es en manque, si quelque chose te fout en rote : sinon t’es juste un touriste à crampons et les touristes ne gagnent pas, ils ne font que prester.

Donc, merci le brouillard, le glandage en aéroport, la nuit courte, l’hôtel foireux, le souper oublié, les godasses égarées, le spectre de Dick Advocaat et que sais-je encore… ça n’a pas arrêté de râler en équipe ! Et ça a donné envie de bouffer du Russe. Résultat : une victoire 0-2 et personne pour pester contre le même onze quasi tout le match, le fait que Jan Vertonghen ne soit pas un back gauche spécifique, que Mémé Tchité ne soit toujours pas naturalisé ou qu’on n’arrive pas à rendre Diables ces footballeurs belgicisables… Rien que du bonheur à Voronezh, faudra en tenir compte pour le match de mars en Autriche.

Je propose de s’y rendre la veille en six ou sept camping-cars, en obligeant les joueurs à se relayer au volant. Arrêt le soir peu avant Vienne, sur un terrain vague où ça caille aux abords du Danube, tels les gens du voyage : caravanes en cercle comme les diligences dans les westerns, tartines et couvertures, sacs de couchage et dodo/joueurs sur le coup de minuit. Mais les dirigeants poursuivent jusqu’à deux heures du mat en jouant du tam-tam autour du feu ! Le lendemain, mal rasé, tu débarques au stade Ernst Happel avec une envie folle de déterrer la hache de guerre.

Retour aux belgicisables… Notre campagne de Russie n’a-t-elle pas quand même un effet pervers ? Si les titulaires ont répondu présents face à des costauds, ça pourrait diminuer l’envie des Mehdi Carcela, Yassine El Ghanassy et autre Nacer Chadli d’£uvrer administrativement pour être titulaires, non ? Ces schizophrènes de l’identité nationale (comme l’a dit mon rédac’ chef) ne vont-ils pas aller se soigner de l’autre côté de l’amour bipolaire ? A eux de choisir. Mais que fédé et presse belges arrêtent de faire pression, c’est le monde à l’envers.

C’est Carcela qui doit avoir envie de notre maillot et pas nous qui devons susciter l’envie de Carcela. Et ce ne sera pas moche si Carcela choisit le Maroc : ce sera moche si ce qu’il aura choisi, il l’a choisi par carriérisme plutôt qu’avec son seul petit c£ur ! Ces gars sont majeurs et vaccinés, choisir c’est souffrir à tout âge, vient un moment où faut arrêter d’hésiter : et c’est d’ailleurs une belle connerie FIFA de prolonger l’indécision en leur permettant d’aller goûter un p’tit amical par ci, ou un autre par là, sans que le choix soit définitif. Valses déprimantes.

Une naturalisation ne doit pas être affaire de business ni de déception. Pas de Diable Rouge  » par défaut « , devenu belge parce que barré comme international dans son pays d’origine ! Et plus de Josip Weber, qui coule aujourd’hui des jours heureux dans son pays qui n’est pas le nôtre ! Si les équipes nationales deviennent internationales comme les clubs, quelle est encore l’utilité d’avoir les deux types de compétitions ? Jacques Brel, à qui l’on demandait s’il était belge ou français, a répondu :  » On est de son enfance « . Et c’est exactement ça : né ici ou né là, de quel maillot rêvait-on quand on était gamin ?

Récemment à la radio, Erik Libois a fait deviner deux extraits musicaux à El Ghanassy. D’abord la Brabançonne, et Yassine a dit :  » Quand même, je connais, c’est la Brabançonne ! « . Puis l’hymne marocain, et il a spontanément répondu (en souriant, j’étais là) :  » Ah ça, c’est chez moi !  » Yassine, t’es un tout bon joueur, mais va du côté c£ur ! Et si tu crucifies un jour les Belges au Mondial sur passe de Carcela, je serai le dernier à vous en vouloir.n

PAR BERNARD JEUNEJEAN

 » C’est Carcela qui doit avoir envie de notre maillot, et pas nous qui devons susciter l’envie de Carcela. « 

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