Hart brut

Après 20 ans de gardiens médiocres, au mieux moyens, l’Angleterre peut désormais compter sur le nouveau Gordon Banks.

Et si l’Angleterre avait trouvé son portier pour les dix prochaines années ? Et si le Royaume de sa majesté avait enfin découvert un successeur aux gardiens légendaires Gordon Banks et Peter Shilton (recordman anglais des sélections : 125). N’en déplaise à David Seaman qui a gardé les buts anglais pendant huit ans !

A 25 ans, le destin de Joe Hart est tout tracé : il ne reste plus qu’à exploser sur la scène internationale, que ce soit avec Manchester City ou l’équipe nationale.  » Quand on regarde son potentiel et ses prestations « , explique Steve McManaman, l’ancien médian de Liverpool aujourd’hui consultant pour ESPN,  » on aurait tendance à s’enflammer. Le talent, il l’a. Maintenant, il doit se montrer décisif quand le niveau s’élève. Hart a encore peu de matches européens dans les jambes et n’entame que sa première grande compétition avec l’Angleterre. A l’issue du tournoi, on saura s’il est là pour durer. Même s’il me semble faire partie d’une catégorie supérieure à celle de Paul Robinson, il ne faut pas oublier qu’on pensait déjà qu’on avait trouvé notre gardien pour les dix prochaines années en la personne de l’ancien portier de Tottenham « .

Hart n’est pas Robinson.  » C’est un peu comme si on comparait des pommes et des poires « , explique Charlie Wyett, journaliste au Sun.  » Hart, c’est la grande classe. Un gardien moderne, qui sait prendre les risques quand il faut mais demeurer sobre à d’autres occasions. A 23 ans, il a su s’imposer au milieu de stars, à City. Sans paraître intimidé ! Cela démontre déjà une force de caractère hors du commun. Robinson ne manquait pas de talent mais à un certain moment, il n’a pas su l’exploiter. Et puis avec lui, on a assisté à un mal typiquement anglais : s’emballer trop vite pour un joueur.  »

Tous les Anglais en sont donc fous. Même Shilton l’a félicité récemment.  » Avec lui, on tient le gardien de la décennie à venir « , a-t-il expliqué. Pourtant, de l’autre côté de la Manche, on prend encore des gants, comme pour conjurer un passé récent calamiteux. Le Guardian a ainsi lancé le débat en écrivant :  » Hart peut-il échapper à la malédiction du gardien anglais ? »

Lancé par Eriksson, adoubé par Mancini

Comment Hart a-t-il fait pour s’imposer si vite dans un club uniquement attiré par les stars ? Son histoire d’amour avec City débute à 19 ans, lorsqu’il quitte sa ville de Shrewsbury, à la frontière galloise. A l’époque, son transfert fait déjà du bruit puisque City débourse 720.000 euros pour un gardien de D4 ! Nous sommes en 2006 et Hart est alors cantonné à un rôle de troisième gardien derrière le Suédois Andreas Isaksson et le jeune Nicky Weaver. Mais deux mois plus tard, il fait déjà ses grands débuts en Premier League, profitant des blessures des deux gardiens. Malgré un excellent match contre Sheffield United, on le juge encore trop léger et l’entraîneur de l’époque, Stuart Pearce, décide de l’envoyer en prêt lors de la deuxième partie de saison 2006-2007. Il découvre Tranmere Rovers (D3), club de Liverpool, en janvier et Blackpool (D3) en avril.

L’arrivée de l’ancien sélectionneur Sven-Goran Eriksson va tout changer. Après les premiers matches de la saison 2007-2008, le Suédois décide d’en faire son titulaire, reléguant Isaksson sur le banc. L’Angleterre découvre alors ce joueur de 20 ans, pétri de talent et de culot. Mark Hugues, arrivé avec les investisseurs qataris et qui succède à Eriksson, décide de lui faire confiance mais le mercato cinq étoiles de City va vite poser problème. Fin janvier 2009, les Citizens achètent Shay Given et Hart doit retourner sur le banc. Mais il va une nouvelle fois montrer sa capacité de rebond. Prêté à Birmingham pour la saison 2009-2010, il éclate, tient à bout de bras les promus et réussit même à convaincre Fabio Capello de le prendre en Afrique du Sud. Ce sera comme troisième gardien.  » Je me demande si une des erreurs de Capello fut de ne pas complètement donner les clés du goal à Hart « , dit Wyett.  » Il n’avait que 23 ans mais restait sur une saison exceptionnelle. Et quand on voit le fiasco Robert Green, on peut se poser la question. Sans doute qu’un entraîneur anglais lui aurait donné sa chance et l’aurait titularisé en Afrique du Sud mais les Italiens ne sont pas réputés pour lancer des jeunes. Surtout en équipe nationale.  »

Capello tire cependant les leçons du fiasco sud-africain et décide d’entamer les qualifications avec Hart comme titulaire. Sa carrière est définitivement lancée. Et ce d’autant que City a décidé de le rappeler. Cette fois-ci, c’est Given, un des meilleurs gardiens de Premier League, restant sur 13 saisons et plus de 500 matches au plus haut niveau, qui en fait les frais. Le mérite en revient à Roberto Mancini, qui, contre l’avis de certains, lui donne le numéro un.  » Rappelez-vous quand j’ai aligné Joe pour la première fois à la place de Given. Vous disiez tous que c’était une énorme erreur. Joe était plus jeune, mais j’ai pensé qu’il pourrait être un gardien incroyable pour City et l’Angleterre lors des dix prochaines années. C’est pour cela que j’ai fait ça « , explique d’ailleurs le coach de City au Manchester Evening News.

 » Il n’est pas encore assez compact dans les face-à-face « 

Depuis que Mancini lui a confié les clés de la maison mancunienne, Hart n’a pas déçu. Que du contraire. En deux ans, il a conquis la Cup 2011, le championnat 2012 et a reçu le titre de golden glove award à deux reprises (gardien étant resté le plus longtemps sans encaisser de buts). Pas étonnant donc qu’il fasse partie de l’équipe de la saison en 2012. Aujourd’hui, il porte sur ses épaules tout l’espoir d’une nation. Derrière lui, c’est en effet le néant. Green jouait en Championship (D2) cette saison et Jack Butland, le troisième gardien, appelé au pied levé pour suppléer John Ruddy (lui-même obscur gardien de Norwich), avait été prêté par Birmingham à Cheltenham, club de 4e division !

 » Il est complet. Physiquement costaud, il a également de très bons réflexes « , explique Shilton.  » Mais c’est sa maturité qui me plaît chez lui. Cependant, je pense qu’il peut encore progresser. Il n’est pas assez compact dans ses face-à-face. Il agite encore un peu vite les bras. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

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