Halloween

Il a vécu, comme arrière gauche, son premier Standard-Anderlecht. Et fêté la première victoire des Rouches depuis quinze ans.

Sclessin a vécu samedi un moment historique. Le Standard n’avait plus battu Anderlecht depuis le 16 février 1986. Un but de Freddy Luyckx avait alors eu raison des Mauves. Cette fois, c’est le Portugais Moreira qui a sonné le glas des Bruxellois. Un seul but a suffi aux supporters liégeois pour évacuer toutes leurs frustrations depuis quinze ans. Au coup de sifflet final, ils avaient tous oublié que le match n’avait jamais atteint des sommets. Peu leur importait.

Il n’y avait pas eu de place pour du football académique. Ce fut une rencontre engagée, comme on les aime en bord de Meuse, surtout lorsque la pièce tombe du bon côté. Un événement que l’on allait fêter dignement. Gonzague Vandooren, une nouvelle fois aligné à l’arrière gauche où il eut souvent Ivica Mornar dans ses parages, ne comptait pas demeurer en reste…

C’était votre premier choc Standard-Anderlecht et il s’est conclu victorieusement.

Gonzague Vandooren: C’est génial. Tout avait été prévu: on a joué à 18 heures pour qu’on puisse commencer la fête plus tôt, c’est la soirée de Halloween et en outre, on passe à l’heure d’hiver. On pourra donc dormir une heure de plus! (il rit) Je plaisante… Mais je suis content pour les supporters. Il y a si longtemps qu’ils attendaient cette victoire.

Avez-vous senti la tension monter au cours des jours précédents?

Pas vraiment. J’ai abordé ce match sereinement, paisiblement. Est-ce parce que je joue maintenant à l’arrière et que je n’ai rien à perdre à cette position? C’est possible. Je ne me pose pas trop de questions.

Parlons-en, de votre position d’arrière gauche. Elle est inhabituelle.

Au départ, j’avais effectivement été engagé comme demi gauche. J’ai reculé dans le jeu lorsqu’Ivica Dragutinovic s’est blessé. Je suis gaucher, c’est donc un choix qui, d’une certaine manière, coulait de source. Pour moi, ce n’est pas évident car j’ai été habitué à jouer devant et j’ai des réflexes d’attaquant. Parfois, je suis plus porté vers l’avant. C’est l’avantage: je peux apporter quelque chose offensivement. Mais je ne dois pas oublier mon rôle défensif. L’une des grandes différences, c’est qu’en position de défenseur, il n’y a personne derrière pour réparer les erreurs que l’on commet. Ainsi, lorsque j’ai adressé une mauvaise passe dans l’axe qui fut interceptée par Ode Thompson, lequel a filé seul vers le but, j’ai eu une grosse frayeur. Heureusement, cette erreur n’a pas porté à conséquence. Vu sous cet angle-là, c’est plus stressant d’évoluer comme défenseur. En dehors de cela, je trouve qu’il n’y a pas une énorme différence entre le poste d’arrière gauche et de demi gauche. Le jeu se passe devant soi, c’est même un avantage. J’adore arpenter les flancs. J’ai besoin d’espaces. Tackler ne m’a jamais posé un problème. Je le faisais même en position d’attaquant. C’est surtout le positionnement que je dois apprendre. Le positionnement par rapport au défenseur central, lorsqu’on joue le hors-jeu par exemple, ou lorsqu’il faut couvrir. Je ne devine pas encore bien la trajectoire du ballon ou les intentions de l’adversaire. Ce sont des détails qu’il faudra perfectionner.

Un duel éqique contre Mornar

Vous avez livré un duel épique avec Ivica Mornar, qui ne vous a pas laissé l’occasion de beaucoup monter. Un premier véritable test comme défenseur?

A Bordeaux, ce n’était pas mal non plus… Mais c’est vrai que, samedi, j’ai dû me confiner dans un rôle strict de défenseur. J’ai préféré ne pas prendre de risques. Je suis monté une ou deux fois en première mi-temps, plus jamais en deuxième mi-temps.

Comment fallait-il jouer sur Ivica Mornar?

Il fallait jouer très court sur lui, ne pas lui laisser un mètre d’espace. Il fallait se fixer sur le ballon, pas sur ses jambes. Je pense m’être bien débrouillé. Je crois que ce genre de gabarit me convient mieux qu’un attaquant de petite taille, vif et déroutant. Mornar joue sur son physique. Je suis capable de rivaliser. Avec un petit, c’eut été plus difficile de m’appuyer avec le corps.

Vous avez rapidement appris les ficelles du métier. Vous savez déjà comment tirer le maillot de votre adversaire direct.

J’ai tiré le maillot, moi? (il rit) Que voulez-vous? A cette place, si l’on n’utilise pas son corps et que l’on n’est pas un peu rusé, on est roulé dans la farine à chaque coup.

Votre avenir se situe-t-il à l’arrière gauche?

Je serais bien en peine de répondre à cette question. Ce n’est pas à moi de juger mes prestations, il y a des personnes plus qualifiées pour cela. Ce sera à l’entraîneur de décider. C’est vrai que c’est jeune pour reculer. Je pense toujours que ma meilleure place se situe au demi gauche. Mais, au rythme où cela évolue, peut-être mon discours sera-t-il différent dans quelque temps? Comme Ivica Dragutinovic sera encore indisponible durant plusieurs semaines, je risque d’encore effectuer le dépannage quelques fois. Cela ne me déplaît pas.

« Je n’ai jamais été un vrai buteur »

Les frissons du buteur ne vous manquent pas?

Marquer procure d’autres sensations, mais j’aurai encore l’occasion de les ressentir. A Strasbourg, j’ai inscrit mon premier but en Coupe d’Europe et mon premier but pour le Standard en compétition officielle. Il m’a procuré un bonheur fou. D’autant que le goal n’était pas vilain. Et il était important: à 2-2, il assurait pratiquement la qualification. Autrefois, il m’est arrivé de jouer comme centre-avant. Je le fais encore en Espoirs. Mais je n’ai jamais été un vrai buteur. Lorsque j’évoluais en pointe, on me reprochait parfois de louper des occasions. J’apprécie de jouer devant, mais je manque d’espace dans cette position. Finalement, je suis polyvalent et c’est peut-être mon principal atout.

En peu de temps, vous avez franchi plusieurs paliers.

Depuis quatre ans, j’ai fait du chemin. Mon passage au Standard a pu paraître étonnant dans la mesure où j’avais connu une année de poisse totale au Lierse. J’ai eu cinq ou six blessures, entrecoupées d’une suspension. En tout, je dois avoir disputé une grosse dizaine de matches. Une saison noire. C’est… Eric Van Meir qui, le premier, m’a averti que le Standard s’intéressait à moi. Cela s’est confirmé: je n’ai pas tardé à rencontrer Luciano D’Onofrio.

Vos premiers mois au Standard se sont-ils déroulés comme vous l’espériez?

Je suis relativement satisfait. En arrivant, je m’étais dit que c’était bien beau de venir au Standard, mais que ce serait difficile d’être titulaire. J’ai joué régulièrement, c’est positif. J’ai connu un passage difficile. J’étais revenu de blessure et je n’avais pas joué pendant un mois. Je manquais de rythme. Aujourd’hui, j’ai surmonté ce passage délicat. Bien sûr, rien n’est acquis. On croit que le football coule de source, mais il faut prouver tous les jours qu’on est le meilleur à sa place. C’est le plus difficile. Le jour où un joueur y parvient, il part vers les meilleurs clubs d’Europe. Peut-être cela m’arrivera-t-il un jour. Chaque chose en son temps. J’ai 22 ans et je joue au Standard, c’est bien.

« Cavens pensait à Marseille »

En attendant… Marseille?

Cette question-là, je ne me la suis vraiment jamais posée. Et cela ne m’intéresse même pas: si l’on vient au Standard, c’est pour jouer au Standard, pas à Marseille.

Jurgen Cavens pensait probablement la même chose.

Je n’en suis pas convaincu. J’ai l’impression qu’il se doutait dès le départ que le Standard n’était qu’une étape pour lui. Il parlait déjà de Marseille au moment où il a signé au Standard et n’est pas tombé des nues lorsqu’on lui a appris qu’il partirait vers la Canebière.

Bref, vous êtes content de votre sort?

Si l’on n’est pas content, on s’assied sur une chaise et on s’arrête. Ce n’est pas mon intention. Qui ne serait pas content de revêtir le maillot de l’un des trois grands clubs du pays? Je devrai évoluer sportivement, c’est clair. J’ai signé pour cinq ans, c’est une belle preuve de confiance. Mais j’ai envie de franchir d’autres paliers. Si cela peut se faire avec le Standard, tant mieux. En quatre ans, j’ai beaucoup bougé et en un an et demi, je me suis farci quatre déménagements. Un premier, lorsque j’ai quitté mes parents pour emménager dans mon appartement de Mouscron. Puis, je suis allé habiter à Lierre. Comme mon adaptation était difficile et que ma copine était aux études à Bruxelles, je suis allé habiter à Bruxelles. Aujourd’hui, j’habite à Liège. Il est temps que je me stabilise.

« Il faut bien vendre des journaux »

C’est la première fois que vous évoluez dans un club hypermédiatisé. Ressentez-vous la pression?

Il est exact que, dans un club comme le Standard, la pression est plus forte qu’ailleurs, qu’elle émane des dirigeants ou des supporters. A Mouscron, la pression était pour ainsi dire inexistante. J’étais le gosse du pays et je n’avais rien à perdre. A la limite, on était prêt à tout me pardonner… sauf d’avoir tardé à signer mon nouveau contrat. C’est le passé, je ne veux plus revenir sur cette péripétie. Au Lierse, c’était déjà différent. Je ne connaissais personne et l’attente était plus grande. Au Standard, elle est encore supérieure puisqu’il a déboursé un prix relativement important pour s’assurer mes services. Je me rends compte qu’ici, il faut prester un ton au-dessus. Mais je ne me tracasse pas trop. Les exigences sont légitimes: on attend que le Standard soit européen. Lorsque les résultats ne répondent pas à l’attente, on se pose des questions. Médiatiquement, la pression est plus intense également. Surtout après une défaite! A croire qu’il n’y a que les situations de crise qui intéressent les journalistes.

Comme je ne suis pas le pilier de l’équipe, ce n’est pas vers moi que l’on se tourne pour demander des explications. Il me semble toutefois qu’on passe trop vite d’un extrême à l’autre. Quand cela va bien, on en fait toute une montagne. Et à la moindre défaite, on en fait un drame. On a parfois tendance à envenimer les choses plus qu’il n’en faut. Il faut bien vendre les journaux!

Preud’homme sent le groupe

Pouvez-vous comparer Michel Preud’homme à vos entraîneurs précédents?

Il demande de l’agressivité dans les duels. Il a le sens du groupe, comprend bien les joueurs et sait comment les mener. Il est un adepte du football offensif. Lorsque l’équipe était au complet, il y avait beaucoup de joueurs offensifs dans le noyau. La preuve: l’un d’eux a même dû se reconvertir à… l’arrière gauche! (il rit)

Comment Preud’homme s’y est-il pris pour transformer une atmosphère négative, comme celle qui présidait après la défaite à La Louvière, en une atmosphère positive?

Il n’a pas changé grand-chose. Au lendemain du match à La Louvière, il a remis les choses en place. Il a commencé l’entraînement par un debriefing, mais il le fait souvent. Il nous a conseillé de nous remettre en question et a demandé davantage d’agressivité dans les duels. Le message a été entendu. On a vu qu’il y avait beaucoup plus de pieds qui traînaient que d’habitude, dans les duels. Nous sommes mieux entrés dans le match que précédemment. Contre Anderlecht, nous n’avions rien à perdre. Le Standard n’avait plus battu les Bruxellois depuis quinze ans et ne partait pas vraiment favori.

Et puis, dans un match pareil, la motivation vient d’elle-même.

En principe, il ne pourrait pas y avoir de différence à ce niveau. Un professionnel doit être motivé pour chaque match. Mais inconsciemment, cette donnée intervient probablement.

Le problème, pour le Standard, réside-t-il dans la difficulté de choisir ses objectifs? Et de passer du Parc Lescure au Tivoli?

C’est ce qu’on avait affirmé. Mais le raisonnement ne tient pas car à Bordeaux, c’était aussi un gros match et nous étions passés au travers. Le fait est que, depuis la rencontre face à Lokeren, nous jouions moins bien. Est-ce l’enchaînement des matches, la difficulté de se concentrer sur un match bien précis? Je ne veux pas invoquer l’excuse de la fatigue. Des professionnels doivent être capables de gérer deux matches par semaine. En tout cas, l’excuse de la concentration ne pourra plus être invoquée prochainement, puisque nous n’avons plus que des grands rendez-vous à notre agenda. A commencer par Bordeaux ce jeudi. Puis, ce sera Genk en championnat et Genk en Coupe. Si l’on n’est pas motivé pour ces matches-là, on ne le sera jamais.

Daniel Devos

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