HAÏTI, c’est…

Le bonheur dans la misère

Wagneau Eloi :  » J’ai vécu à Port-au-Prince jusqu’à l’âge de 9 ans. Ma mère a alors émigré à Paris parce qu’elle voulait que ses trois enfants fassent leurs études dans de bonnes conditions. Mon père, lui, avait décidé de rester au pays. Il ne voyait pas l’utilité de quitter le soleil pour le froid, sans savoir ce qui l’attendait en Europe. Nous sommes restés seuls avec lui pendant un an, pendant que notre mère faisait du repérage à Paris. A ce moment-là, j’ai connu la misère. Mon père était fort pris par son boulot d’ébéniste, j’étais livré à moi-même par moments et j’avais parfois faim. Ce sont des souvenirs pénibles. On essayait de trouver à manger comme on pouvait. On jouait des petits matches de foot en pariant de la nourriture, un petit gâteau ou des friandises. Et si on perdait, on se démerdait autrement. Malgré ces problèmes matériels, nous étions heureux, épanouis. Le jour de grâce annuel pour les Haïtiens était celui où notre dictateur, Jean-Claude Duvallier, alias Bébé Doc, jetait de l’argent dans les rues. Les gens se battaient comme des chiffonniers pour ramasser un billet ou une pièce, il y en a qui se faisaient carrément écraser. Moi, j’avais l’interdiction de sortir de la maison ce jour-là : bien trop dangereux « .

Bébé Doc au téléphone

 » Quand Duvallier a fui en France, j’étais déjà à Paris. Un jour, il m’a téléphoné. J’avais Bébé Doc au bout du fil ! Il me proposait de devenir une sorte d’ambassadeur d’Haïti. Je n’ai pas donné suite. Négocier avec un type qui a torturé des gens, ça ne m’intéressait pas « .

Rapt, rançon, libération, décès !

 » Haïti ne sera jamais tranquille. Quand un prêtre se retrouve au pouvoir, on pense que ça va aller mieux. Jusqu’au jour où on apprend qu’il trempe dans des trafics d’armes, de drogue, etc. J’ai beau être fier de mon pays, je ne retourne plus sur une île où les coups d’Etat font partie du paysage quotidien. Je n’y suis plus allé depuis que ma mère nous a embarqués en France. Un jour, j’ai programmé mon retour là-bas. Des criminels l’ont appris et ont profité de l’occasion pour kidnapper deux membres de ma famille. J’avais une semaine pour payer la rançon, je l’ai fait. Les otages ont été libérés, mais l’un deux, une cousine de 22 ans, est sortie traumatisée de l’aventure. Elle avait été tabassée pendant toute sa détention. Un mois après avoir retrouvé la liberté, elle est décédée. Le choc avait été trop fort. J’aimerais bien retourner sur place pour voir mon père, que je n’ai plus revu que lors de ses visites à Paris, mais comment voulez-vous que je me sente en sécurité dans un environnement pareil ? »

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