Hainaut, terre de procès

La Louvière arrive en tête d’un bien triste hit-parade.

Tous les présidents de D1 vous le confirmeront: les budgets explosent. Les salaires sont astronomiques, l’entretien des installations représente une fortune quand on n’est pas correctement aidé par les autorités locales ou régionales, les frais liés au maintien de l’ordre sont parfois difficiles à supporter, etc. Et dans certains clubs, il faut prévoir un poste de coûts supplémentaire: la défense en justice. Dans deux des quatre clubs hennuyers, ces dépenses sont colossales.

Nous avons tenté de dresser le récapitulatif de tous les procès dans lesquels sont impliqués La Louvière, Charleroi, Mons et Mouscron. Il est difficile d’être exhaustif quand certains avocats se retranchent derrière le sacro-saint secret professionnel et quand des dirigeants ont, peut-être, la mémoire qui flanche volontairement.

La Louvière

MARC GROSJEAN: Il avait encore trois ans et demi de contrat quand il fut prié de prendre la porte, en janvier 2001. « J’ai négocié un accord verbal avec le président Gaone« , signale-t-il. « Je ne lui demandais pas de me verser mon salaire jusqu’au terme de mon contrat. Mais je voulais notamment une prime de maintien. Il a accepté mais a ensuite refusé de me payer ce qui avait été convenu ». Grosjean est allé en justice et le jugement est tombé fin octobre de cette année. « Le juge m’a donné raison sur tous les pointset m’accorde la somme que je réclamais « , poursuit l’ex-coach. Son avocat, l’ex-footballeur Laurent Stas de Richelle, est persuadé que le club fera appel.

ALAIN ROLAND: Il fut l’adjoint de Grosjean pendant deux ans et demi, puis assista Leclercq durant une saison. Il fut viré un mois après le Français, en novembre 2001. « Dès l’éviction de Leclercq, je savais que mes jours étaient comptés », explique-t-il. « J’étais très proche de lui et ça ne plaisait pas au club ». Alain Roland a traîné La Louvière en justice et a obtenu gain de cause en octobre dernier. Il prévoit que le club ira en appel. « Je me suis retrouvé à la rue du jour au lendemain alors qu’il me restait sept mois de contrat. J’ai été à deux doigts de dépendre du CPAS parce que le club refusait de me délivrer un C4 dûment rempli. J’en ai d’abord reçu trois exemplaires incomplets! C’était volontaire de leur part. Aujourd’hui, je chôme et j’entraîne Battice, en Promotion. La Louvière m’avait d’abord proposé un règlement à l’amiable, mais j’avais refusé car ce n’était pas loyal. Mon refus a hérissé les dirigeants. Ils m’ont menacé au téléphone en disant qu’ils allaient casser ma carrière d’entraîneur. Dans son procès-verbal, le juge stipule que La Louvière vit au-dessus de ses moyens et ne respecte pas ses employés ».

MICHEL PIERSOUL: Encore un membre du staff technique qui a sauté du jour au lendemain. En juillet 2000, ce préparateur des gardiens, actif au Tivoli depuis cinq ans, apprit que sa place avait été prise par Lecomte. Il lui restait un an de contrat. « On m’a proposé de rester, à une condition: travailler deux fois plus pour le même tarif », dit-il. « J’ai refusé et Gaone a alors déclaré dans SportF-oot Magazine que je ne respectais pas mon contrat. J’ai attaqué en justice: je réclame un an de salaire et des indemnités pour avoir été sali dans la presse qui est lue par tous les gens du football, donc des employeurs potentiels. Mon avocat exigera aussi que le président revienne sur ses propos. Depuis ma mise à l’écart, je n’ai plus rien retrouvé dans le football. Ce n’est peut-être pas étranger à ce que Gaone a raconté sur mon dos ».

BENOIT THANS: Quand le Liégeois a arrêté sa carrière, La Louvière lui a organisé une fête émouvante. « J’ai notamment reçu un cadre sur lequel il était écrit: -Merci pour tout ce que tu as fait pour La Louvière« , dit Thans. Quelques mois plus tard, il ne reste rien du grand amour entre le club et son ancien capitaine, élu joueur de la saison 2000-2001. En cause: l’obstination du club à ne pas payer des frais de kiné. La procédure en justice n’a pas encore été lancée, mais ce n’est plus qu’une question de semaines.

Durant la saison 2001-2002, sa dernière, Thans se faisait soigner chez Maesschalk. Mais ce gourou attend toujours qu’on lui règle ses honoraires (5.000 euros) et il s’impatiente. « Il a envoyé sa facture à La Louvière mais ne voit rien venir », poursuit Thans. « Il va finir par se retourner contre moi. Dès ce moment-là, j’attaque La Louvière en justice. Il est stipulé dans mon contrat que les frais de kiné sont à charge du club et que je peux me faire soigner où je le souhaite. Je suis allé chez Maesschalk, qui recevait trois ou quatre fois par semaine un coup de fil d’ Ariel Jacobs ou du kiné de La Louvière. Le coach suivait à la lettre ce que Maesschalk lui disait. Aujourd’hui, le président dit qu’il n’était pas au courant que je me faisais soigner là-bas ».!

MANU KARAGIANNIS: Il était louviérois la saison dernière, avec un contrat d’un an assorti d’une clause particulière: s’il disputait 25 matches, son contrat était automatiquement reconduit pour une saison, aux mêmes conditions. On le priva d’une 25e apparition en championnat. Karagiannis a montré son contrat à un avocat qui a trouvé la faille: il était question de 25 matches, pas nécessairement en championnat. En comptant les rencontres amicales et de Coupe, Karagiannis dépasse ce total. Il attaque La Louvière et réclame un an de salaire. Il pourrait aussi demander des dommages moraux.

ONDER TURACI: Il a passé les deux dernières saisons à La Louvière, prêté par le Standard. Il n’a toujours pas reçu sa prime à la signature pour sa deuxième année au Tivoli et s’est adressé à la justice.

ìRIC SCALIA ET DIMITRI DELIERE: Ils font partie des joueurs expédiés cet été dans le noyau B. Ils s’entraînent le soir avec des jeunes et ne peuvent pas jouer les matches de Réserve. Chaque mois, ils sont payés le 25 ou le 26 alors que leur contrat prévoit un paiement dès le 10. « On nous répond systématiquement qu’on n’a pas eu le temps de remplir nos virements », dit Delière. Ils affirment que le club leur doit aussi diverses primes. Ils ont confié leur cas à Maître Misson, qui devait attaquer le club au début de cette semaine.

HANS DE SCHRIJVER: Ce procès n’est pas récent mais traîne de façon anormale. En 1999-2000, le gardien des Loups n’était pas au rendez-vous du groupe qui partait jouer à Deinze. Il envoya un certificat médical avec sortie interdite, mais le club a la preuve qu’il était sur son lieu de travail au même moment (chez Assubel) et rompit son contrat. Près de 10.000 euros sont en jeu.

ìTAT BELGE: Aliaj, un ancien Loup aujourd’hui à Charleroi, a fait des siennes au volant d’une voiture du club. La justice l’a condamné après avoir remarqué qu’il ne possédait pas un permis de conduire valable. Aliaj refuse de payer et l’Etat a assigné le club (Gaone et l’ancien manager Jean-Claude Verbist) en responsabilité civile. L’affaire est en cours.

Charleroi

BRUNO HEIDERSCHEID: Ce manager réclame une commission de 450.000 euros sur le transfert de Tokéné à Grenoble, l’été dernier. Il a imposé trois saisies sur les comptes et les recettes du Sporting, dont deux ont été levées. Il exige aussi sa quote-part sur le transfert de Kolotilko, arrivé en août du RWDM. Le fond de l’affaire n’a pas encore été jugé, mais le Parquet et le juge de Charleroi ont estimé qu’il y avait assez d’indices pour enquêter, dans un premier temps, sur le personnage Heiderscheid. Une instruction pénale est en cours pour absence de licence de manager, tentative d’escroquerie, faux et usage de faux. Maître Eugène Tchen, qui défend le Sporting dans l’affaire Heiderscheid, pense que le verdict sur le fond dépendra probablement du résultat de cette instruction.

PALL MALL: Tout a commencé au tirage au sort de la phase finale de l’EURO 2000, à Bruxelles. Lorsqu’on apprit que l’Angleterre jouerait à Charleroi contre l’Allemagne et la Roumanie, Patrick Henseval, attaché au cabinet du bourgmestre de Charleroi et vice-président du Sporting, eut l’idée de suggérer un deal à cette société anglaise spécialisée dans l’organisation d’activités annexes aux grands événements (tournois de golf, GP de Formule 1, etc). Il proposa des places à Pall Mall et associa à cette transaction une présence sur les maillots du Sporting, pour quelques matches. Pall Mall accepta et réserva 700 places pour les matches de l’EURO, mais n’a jamais reçu les tickets pour avoir refusé de se conformer à la loi football de 1998: identification des spectateurs notamment. Et Pall Mall n’a donc pas voulu verser les 150.000 euros correspondant à son sponsoring.

Quelques mois après l’EURO, Pall Mall s’est adressé à la justice pour réclamer 1.650.000 euros au Sporting (une estimation de son manque à gagner). Le club a répliqué et demandé le paiement des 150.000 euros de sponsoring. Un bel exemple de plaintes croisées! Aucun jugement n’a encore été rendu, mais un élément pourrait faire pencher la balance: le Sporting a intenté un procès en correctionnelle à Pall Mall parce que les Anglais avaient cherché à obtenir des places pour l’EURO via des hôtesses (munies de pancartes Cherche tickets pour les matches de l’Angleterre à l’EURO 2000) disposées autour de plusieurs stades belges, lors de rencontres du championnat. De jolies jeunes filles qui furent emmenées manu militari par la police… Cette façon de trouver des cartes d’entrée est aussi contraire à la loi foot, et c’est le tribunal correctionnel de Bruxelles qui devra juger. Si le verdict est favorable au Sporting, le club pourrait fort bien en profiter pour gagner le procès qui se tiendra ensuite à Charleroi et ainsi empocher les 150.000 euros auxquels il prétend avoir droit. Il y a cependant un point sur lequel on ne peut qu’être d’accord avec les Anglais: s’ils avaient su qu’ils ne recevraient pas leurs 700 places, ils n’auraient jamais investi dans un sponsoring sur le maillot d’un club belge qui luttait anonymement pour sa survie en D1.

MARJAN MRMIC: Le gardien croate a quitté le Sporting en novembre 1999. Il accusa le club de rupture de contrat. Motifs invoqués: on ne s’occupait pas bien de lui, il n’avait pas encore reçu de logement et il était mal payé. La réponse du Sporting fusa: c’est Mrmic qui a rompu son contrat. Le joueur réclamait 600.000 euros sur la base de la loi de 78. Charleroi demandait la même chose et a obtenu gain de cause: au tribunal du travail de Charleroi, puis à la cour du travail de Mons (en appel). On est aujourd’hui sûr d’une chose: le club ne devra rien débourser. Mais récupérera-t-il pour autant sa créance? Ce n’est pas sûr, d’autant que Mrmic avait pris soin de vider ses comptes belges avant de reprendre l’avion. Maître Jean-Pierre Deprez, qui défend les Zèbres dans cette affaire, veut pourtant y croire: « Une créance comme celle-là est exigible pendant 30 ans et nous savons où est Mrmic. Il entraîne les gardiens de Varteks Varazdin, en Croatie ».

LES RIVERAINS: 14 riverains du stade ont assigné le Sporting, la Ville et la Région Wallonne. Ils réclament, chacun, 75.000 euros pour troubles de voisinage, vue gâchée par un immense mur en béton, difficultés pour rentrer chez eux les soirs de matches, débordements de supporters qui urinent sur les façades, etc. Leur plainte a été déposée, au tribunal de première instance de Namur, le 8 octobre dernier.

YVON HUDSIN: Ce commercial (via sa société de management, PHIXA) a travaillé un an à Charleroi mais a été licencié en 2001. « Il avait promis de nous rapporter 1,5 million en sponsoring mais n’a finalement amené que 50.000 euros », dit Pierre-Yves Hendrickx, le secrétaire-général du club. Hudsin a attaqué le Sporting: il réclame des commissions sur des contrats qui auraient été signés grâce à lui. Le jugement sera rendu prochainement.

LAMBERT FRANKLIN: Ce comptable du club a été licencié suite à l’arrivée d’ Abbas Bayat. Il a traîné le Sporting en justice pour rupture de contrat. L’affaire sera plaidée en décembre.

EFI: C’est la société française qui devait introduire Charleroi en Bourse. Elle reproche l’échec du projet au club et réclame le paiement d’une facture. Le Sporting affirme que les Français ont fait preuve de négligence dans la conduite du dossier. Aucune procédure n’a encore été initiée, mais cela ne saurait tarder.

MANU FERRERA: Limogé en décembre 2001 alors qu’il avait encore deux ans et demi de contrat, il a gagné son procès. En fonction de la loi de 78, il a touché l’équivalent de 14 mois de salaire. Charleroi n’est pas allé en appel mais ce jugement a une particularité très intéressante: pour la première fois dans l’histoire du football belge, un juge a accordé des dommages moraux à un entraîneur éjecté (12.500 euros qui s’ajoutaient aux 14 mois).

ENZO SCIFO: L’ancien vice-président n’attaquera pas le Sporting en justice. En fin de semaine dernière, il n’avait toujours pas récupéré l’argent de ses actions, mais il avait reçu toutes les garanties souhaitées. « Je serai remboursé, c’est certain », tranche-t-il.

Mons

JEAN ZARZECKI: La justice a condamné Mons à verser 450.000 euros à l’actuel président des Francs Borains. Cette somme correspond à ce qu’il avait injecté à Jemappes-Flénu avant que ce club soit absorbé par l’Albert, en 1999. A l’époque de la fusion, on avait promis à Zarzecki un poste important de dirigeant. Mais il a été mis dehors, ce qui l’a poussé à réclamer son dû. Zarzecki a fait saisir la recette de Mons-Genk en octobre dernier et il envisagea de faire saisir, une semaine plus tard, l’argent récolté aux guichets lors de Mons-Bruges. Mais il y a finalement renoncé après avoir appris que Mons avait consigné les 450.000 euros sur un compte géré par un huissier.

Mons devrait aller en appel de cette condamnation. A moins qu’un règlement à l’amiable soit trouvé lors d’une réunion, prévue dans les prochains jours, entre Zarzecki et les dirigeants de Mons. Actuellement, cela semble en tout cas être l’ambition des deux parties. Dans un premier temps, la direction de Mons pensa que Zarzecki n’avait jamais offert cette somme à Jemappes-Flénu. Effectivement, elle ne figure pas dans les bilans déposés à la Banque Nationale. Mais on sait aujourd’hui, au Tondreau, que les 450.000 euros figuraient bel et bien dans la comptabilité de Jemappes.

Jean-Claude Verbist, le manager de l’Albert, profite de cette revue des procès pour faire une mise au point. Dans notre numéro du 30 octobre, il était écrit que l’avocat de Zarzecki avait subtilisé le jugement du procès au greffe du tribunal.  » Subtilisé n’est pas le terme exact », signale Verbist. « Il s’était simplement procuré ce document; il ne l’avait pas volé ».

FRED BREINICH: Il réclame 75.000 euros à Mons pour rupture unilatérale de son contrat. Avant d’être écarté, le président-bourgmestre Maurice Lafosse lui avait offert un contrat de 15 ans comme manager sportif. Breinich avait, au même moment, un contrat à temps plein à la Ville. Deux activités full time, c’était difficile à concilier. Surtout qu’ Elio Di Rupo était entre-temps devenu bourgmestre et exigeait des employés communaux qu’ils prestent leur horaire. Une fois Lafosse éconduit, la direction du club a demandé à Breinich de se présenter plus régulièrement au stade. Il ne l’a pas fait et l’Albert l’a licencié pour faute grave. Le jugement est attendu en mars prochain.

Pierre Danvoye

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