GUIDE MARIMAR

Il n’a que 24 ans mais il a déjà fait le tour du monde grâce au foot.

Lundi 14 août 2006. Sans réelle surprise, la direction montoise annonce l’arrivée de Daniel Wansi, lequel devra être, pour deux saisons au moins, l’un des fers de lance de la formation confiée à José Riga. Le club hennuyer a donc privilégié la solution externe à la Belgique et puisé dans son riche carnet d’adresses en s’attachant les services d’un élément arrivé en droite ligne de Shenzhen Kingway Jianlibao, un club qui compte de sérieuses lettres de noblesse en… Chine.

 » J’ai suivi cette présumée affaire de corruption à la télévision « , narre-t-il.  » En Chine, les gens parient énormément sur les rencontres de football. Je vous rassure, cela ne m’intéresse pas du tout…  »

Au-delà de la réussite financière que lui a procuré son transfert, son passage dans l’un des clubs les mieux cotés de l’est asiatique s’est avéré être un succès total. Et ce, même s’il y a été aligné à toutes les places possibles et imaginables :  » Les équipes chinoises ont atteint un excellent niveau, tant d’un point de vue physique que technique. En matière tactique, par contre, c’est une catastrophe « .

De son propre aveu, le Camerounais paie aujourd’hui encore avec le RAEC les conséquences des expérimentations grandeur nature auxquelles il a été convié un jour dans sa vie :  » J’ai tellement été placé à tous les postes, mis à toutes les sauces que j’ai perdu mes repères sur le terrain. Ma première satisfaction, à Mons, est d’avoir enfin retrouvé un poste fixe. Je ne suis malheureusement pas parvenu à trouver l’ouverture avant la trêve. De nombreux éléments incitent à l’optimisme : je continue d’£uvrer pour progresser et de donner le maximum de moi-même pour aider le groupe « .

Surnommé Marimar, à cause de ses dreadlocks et de ses airs nonchalants, Wansi n’en reste pas moins un fin technicien quelque peu distrait devant les buts. Or, à l’Albert, il a, entre autres, la lourde tâche de faire oublier Jeremie Njock, parti au Stade Brestois. un pari – certes calculé pour les dirigeants montois – qui suscite toutefois pas mal de craintes chez certains observateurs alors que l’histoire personnelle de leur nouvelle recrue, au même titre que son parcours, plaident largement en sa faveur.

 » Je marque de temps à autre mais il faut néanmoins reconnaître que ce n’est pas là ma principale qualité. Je suis plutôt du genre à garder la balle jusqu’à ce que mes partenaires se mettent en place. Une fois que je leur ai cédé le cuir, il leur reste alors à conclure. J’essaie de peser sur la défense adverse pour soulager le travail de mes équipiers, dont Wamberto, par exemple, qui reste lui un véritable finisseur. Que j’évolue en compagnie de Bernard Zoko ou Wamberto me laisse indifférent. Je m’adapte simplement à celui qui se trouve à mes côtés « .

Un itinéraire de fou

Oubliant probablement que même les meilleurs connaissent de temps à autre une baisse de régime, les gens tendent fâcheusement à juger un attaquant sur son efficacité :  » Je suis très loin de penser à cela. Tout porte à croire que je ferai trembler les filets dans les prochaines semaines. Croyez moi ou non : je suis loin de laisser la pression se poser sur mes épaules. Si tel était le cas, cela signifierait que je ne crois plus en mes moyens et, donc, en moi-même. Ce n’est franchement pas le cas, même si je tarde effectivement à recouvrer mes sensations « .

Né à Yaoundé, Wansi a porté les couleurs du Cintra local à l’instar de Patrice Noukeu, également né en 1982. Tandis que le médian défensif de La Gantoise ralliait l’Europe, le longiligne droitier a pris les chemins de traverse, étrennant notamment en Tunisie, son titre de Crack d’Or camerounais obtenu devant Marcus Mokake (Sedan). C’était en 2001.

 » Ce plébiscite m’est apparu comme un déclencheur. Il m’a donné le courage d’aborder ma carrière professionnelle. Au Cameroun, un pays qui regorge de joueurs de talent, celui qui, comme moi, a la chance de sortir du lot, gagne énormément en confiance. Ainsi, alors qu’un cercle italien m’avait proposé de faire un essai, sans aucune certitude d’engagement, l’Etoile du Sahel m’a soumis une proposition à la fois concrète et très attrayante qui m’a incité à rejoindre la Tunisie. Mais je continuais, en dépit de tout, à rêver d’Europe. C’est la raison pour laquelle, après deux saisons durant lesquelles mon compteur affichait une dizaine d’unités, j’ai répondu à la sollicitation de l’Inter Zapresic, un modeste club croate au sein duquel je n’ai finalement évolué que quelques mois. J’avais été pressenti pour disputer les Jeux Africains au Nigeria en octobre 2003 « .

Qu’il s’agisse de la Coupe d’Afrique des Nations – aussi bien dédiée aux Juniors qu’aux Seniors – ou encore des Jeux Africains – organisés tous les quatre ans, ils sont considérés comme les Jeux olympiques d’Afrique – les compétitions africaines demeurent de formidables vitrines pour les sportifs africains en général, les footballeurs en particulier. Après avoir remporté avec le Cameroun la finale contre le Nigeria (2-0), Wansi a débuté un tour du monde digne de ce nom qui l’a d’abord conduit dans un des quatre clubs phares que compte l’Emirat de Dubaï : Al Nasr.

 » Ce choix a été particulièrement difficile à opérer. Toutefois, en raison de l’importance accordée à la famille par les Africains – il y est normal d’aider et de nourrir les gens restés au pays – j’ai pris ma décision sur base de cette réalité. Cherchant un travail à tout prix, j’ai signé à Al Nasr un accord portant sur deux saisons. J’ai finalement quitté ce club avant le terme de mon contrat. En effet, s’il y avait beaucoup d’argent à gagner à Dubaï, la pression qui y était imposée aux joueurs étrangers était tout aussi importante « .

Racisme allemand

Wansi a alors pu se diriger vers un ancien grand club d’Europe, le Dynamo Dresde, qui s’était entre-temps retrouvé parmi les séries inférieures du football allemand. A propos de cette expérience, l’attaquant avoue ne garder que de mauvais souvenirs :  » Impossible d’y jouer au football lorsqu’on est un joueur de couleur. Vous êtes déjà profondément affecté lorsqu’on vous traite de sale nègre mais lorsque cette insulte sort de la bouche de vos propres équipiers, inutile de vous dire que c’est invivable. Et je ne parle même pas des supporters qui répondaient à mes saluts amicaux par des… crachats. Même si, en tant que professionnel, je savais que je ne devais pas répondre à de tels gestes, j’ai finalement décidé de vider mon sac devant le groupe lorsque j’ai estimé que la coupe était pleine. La semaine suivante, je me suis retrouvé sur le banc. Bien que cette période ait été très difficile à gérer, j’en suis sorti plus fort encore « .

C’est à la fin de l’année 2005 qu’il décida de quitter cet enfer et de répondre favorablement à l’appel de Shenzhen Kingway Jianlibao. C’est aussi là qu’il a pu rapidement prendre conscience qu’y jouer au football constitue une expérience très particulière…

Après avoir parcouru le globe, Wansi espère bien avoir trouvé son havre de paix à Mons. Il y ambitionne aussi de continuer à construire, tranquillement, ce qu’il appelle son projet de carrière :  » A présent, j’ai retrouvé un certain équilibre. Le choix d’un retour en Europe, précisément à Mons, s’inscrit dans cet état d’esprit « .

En Belgique, il a ainsi retrouvé certains de ses compatriotes, en l’occurrence Noukeu (Gand) et Eric Matoukou (Genk), lequel a récemment disputé la rencontre Cameroun – Guinée Equatoriale (3-0) avec les Lions Indomptables :  » Nous avons évolué ensemble chez les jeunes. Maintenant, nous nous appelons tous les jours pour discuter et nous motiver mutuellement « .

Mais son cercle d’amis est loin de se limiter à ses compatriotes. Wansi rend régulièrement visite à l’Ivoirien du LOSC, Abdelkader Keita, l’un des adversaires d’Anderlecht en Ligue des Champions. Avant son départ vers la Chine, Wansi avait d’ailleurs discuté – sans succès – avec le club nordiste en vue d’un éventuel transfert.

De Mos coache le Cameroun

Wansi a pour but international d’obtenir du crédit aux yeux d’ Aad de Mos, le successeur d’ Artur Jorge chez les Lions Indomptables : les Camerounais sont entrés dans le vif du sujet des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations, dont la phase finale se disputera au Ghana en 2008. Cet objectif pourrait dès lors être atteint dès 2007 pour cet ex-international Espoir. Présélectionné en octobre 2001 pour le premier regroupement préparatoire à la Coupe d’Afrique au Mali, il vit son aventure raccourcie, le sélectionneur fédéral du moment ne l’ayant pas retenu pour la suite des stages préparatifs. En juillet 2004, toujours sous l’ère Winfried Schäfer, il apparut à nouveau à l’occasion d’une rencontre Cameroun- Côte d’Ivoire (2-0), avant d’être complètement oublié par le Portugais Jorge.

 » Participer à une CAN reste un objectif qui force au travail. Conscient que la sélection allait rencontrer un problème d’attaquants, l’adjoint d’Aad de Mos m’a contacté lorsque la blessure de Samuël Eto’o est survenue. Grâce à cet appel, je suis convaincu que l’on pense encore à moi au Cameroun. Cela signifie aussi que, d’ici peu de temps, je pourrais faire partie de la sélection. Pour cela, je devrai toutefois compter sur la qualité de mes prestations mais aussi sur le classement de mon équipe, cela s’entend « .

Wansi n’a encore jamais entendu parler du supporter numéro un du RAEC Mons, le ministre/président de la Région wallonne Elio Di Rupo.  » Je suis ici pour faire mon travail et certainement pas du tourisme. Si tel avait été le cas, je serais demeuré à Dubaï « .

Donc, il s’empresse de rejoindre son appartement situé dans le centre de Mons après chaque entraînement afin d’y suivre un maximum de rencontres télévisées. Il avoue en outre ne pas s’intéresser à ce qui est extérieur au football. Ça, on l’aura compris.

CÉDRIC BOUILLON

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