» GUEULER ET FAIRE DES GRANDS GESTES, C’EST PAS POUR MOI « 

Toute l’actu brûlante de notre 6, c’est son match dingue contre l’Irlande, le parcours belge à l’EURO, les critiques sur le jeu, son propre avenir, les supporters russes, le dopage institutionnalisé dans son pays d’adoption, …

Axel Witsel a préfacé son Belgique – Irlande dans l’émotion en postant sur Instagram, à l’attention de sa tendre. Son message pour leur premier anniversaire de mariage, leurs noces de coton…  » Un an déjà, le temps passe trop vite… Je suis fier de la femme et de la maman que tu es devenue. Sans toi, je ne serais pas l’homme que je suis aujourd’hui, merci pour tout ce que tu m’apportes chaque jour.  » Joli. Il a analysé son match parfait par une nouvelle note d’humanité, en citant son grand-père décédé il y a juste deux ans.

Axel Witsel full sentimental… on ne le changera plus. Contre l’Irlande, il a aussi été un Diable full power : 59 passes dont 98 % arrivées aux bons destinataires, plus de 10 bornes parcourues, un but consécutif à 28 passes belges, record en Championnat d’Europe depuis 1980… et la finale belge ! Dès la fin du match, il lance :  » Il fallait montrer autre chose que contre l’Italie. On s’est tous bien retapés mentalement et physiquement. On est sur le chemin des huitièmes de finale. On a fait un gros match, tout le monde est heureux. C’était l’objectif après… une dure semaine.  »

Etonnant : Witsel a sorti cette toute grosse prestation en étant privé de son Radja Nainggolan pendant la première heure. Witsel – Nainggolan, c’était un duo qu’on pensait devenu indissociable. Wilmots avait préféré lancer Mousa Dembélé à ses côtés. Comme si ce milieu de terrain n’était pas encore assez brillant techniquement. Un choix gagnant. Et une prestation à confirmer ce mercredi face à Zlatan Ibrahimovic et ses potos. A l’épreuve de l’interview, celui que l’UEFA a désigné Homme du Match dans ce Belgique – Irlande.

Tu as bien dormi après le match contre l’Italie ?

AXEL WITSEL : Trouver le sommeil après un match pareil… Pas facile. Pendant un bon moment, je me suis retourné dans mon lit. A gauche, à droite, à gauche… Je dois m’être enfin endormi vers cinq heures et demie.

Ton analyse de ce 2-0 ?

WITSEL: Les Italiens ont été plus malins, plus roublards, plus efficaces, plus tueurs. On n’a pas été assez tueurs devant.

Les Diables ne peuvent pas apprendre à être enfin roublards ? Les Argentins vous ont battus avec la même arme à la Coupe du Monde. Les leçons n’ont pas été retenues ?

WITSEL: Les Italiens sont connus pour ça, c’est leur football. Oui, on doit apprendre à être plus méchants dans le bon sens.

Tu as compris le déferlement de critiques sur la tactique des Diables dans ce match ?

WITSEL: J’essaie de faire abstraction.

La presse étrangère signale que c’est incompréhensible de ne pas proposer un meilleur football avec autant de qualités individuelles.

WITSEL: Il faut remettre les choses dans leur contexte… On laisse une demi-occasion aux Italiens, ils marquent. On peut égaliser, on ne le fait pas. Dans des matches pareils, tu dois mettre la balle dedans au bon moment. Le coach avait mis un schéma tactique sur le papier, après c’était à nous de faire notre job sur le terrain. Ça n’a pas fonctionné comme on le voulait. Mais pendant une longue période avant ça, ça a quand même bien marché. Même contre la même équipe en amical, il y a quelques mois. On avait souffert pendant 20 ou 25 minutes, puis on avait pris le dessus et gagné.

 » ON N’EST QUE DES HOMMES  »

Il y a notamment ce débat, et tu es un des premiers concernés : faut-il continuer à jouer homme contre homme en milieu de terrain ?

WITSEL: On l’a fait contre l’Italie en novembre de l’année passée et on a gagné… Le coach veut ça, c’est quand même lui qui a le dernier mot. Maintenant, c’est clair qu’ici à l’EURO, jouer comme ça contre les Italiens nous a valu pas mal de problèmes. De toute façon, on n’est plus à un moment où on peut se permettre de tout chambouler. Si on avait voulu le faire, il fallait le faire avant le tournoi. Et ce n’est pas le bon moment pour montrer quelqu’un du doigt. On est tous dans le même bateau. Mais je comprends la déception de tous les Belges ! Ils attendent tellement de belles choses de nous. Il y avait tellement d’euphorie avant ce match. Mais bon, on n’est que des hommes, on peut aussi prendre de temps un temps un gros coup sur la tête. Cette défaite nous a remis les pieds sur terre. Nous, on n’a jamais dit qu’on était les meilleurs du monde ! On n’a jamais dit qu’on était les favoris de cet EURO.

Vous êtes conscients que si vous n’allez pas plus loin que les quarts de finale, les Belges diront que vous avez fait un tournoi moyen ?

WITSEL: Mais il y a combien de très bonnes équipes à côté de nous ? Faites-nous seulement confiance, on a toujours une équipe jeune.

Qu’est-ce que la Coupe du Monde vous a apporté comme expérience qui vous sert ici ?

WITSEL: Tu réalises que tu joues un tournoi dès que tu arrives à ton camp de base, dès que tu t’installes dans ton hôtel. On a l’habitude de jouer dans des stades mythiques, mais l’organisation dans un EURO ou une Coupe du Monde, c’est encore autre chose. C’est ça qu’on a découvert au Brésil. Tu as la sécurité, les motards qui t’escortent pour aller à l’entraînement et au match. Là, tu réalises que tu es vraiment dedans.

Tu n’as pas été déçu quand Marc Wilmots a définitivement donné le brassard de capitaine à Eden Hazard après le forfait de Vincent Kompany ?

WITSEL: Non. Et ça n’a été une surprise pour personne dans le groupe. Le coach nous avait déjà expliqué que le numéro 2, c’était Hazard. Etre capitaine n’a jamais été un objectif pour moi. Brassard ou pas, mon rôle ne change pas. Ni dans le vestiaire, ni sur le terrain. Maintenant, je l’ai eu une fois et je ne vais pas dire que ça ne m’a pas marqué, surtout que c’était au Portugal, un pays particulier pour moi. Juste après les attentats de Bruxelles. Je devenais, à l’étranger, un symbole, un porte-drapeau d’une Belgique terrorisée. Avant de monter sur le terrain, j’ai fait un discours du style : -On va essayer de gagner pour rendre des couleurs à notre pays. L’émotion dans le groupe était très forte. Et je pense que ces attentats ont continué à jouer dans nos têtes pendant le match.

 » IL Y A SIX CAPITAINES DANS LE GROUPE  »

Marc Wilmots dit qu’il a deux têtes sur la pelouse : Kompany et toi. Qu’est-ce qu’il veut dire exactement ?

WITSEL: On communique beaucoup quand quelque chose ne va pas. Je relaie ses informations à l’équipe.

On a pourtant l’impression que tu ne parles pratiquement jamais pendant un match.

WITSEL: Si j’avais un micro et si les téléspectateurs pouvaient entendre, tout le monde comprendrait que je parle beaucoup. Je suis un gars timide et réservé à la base, mais sur une pelouse, je suis un autre homme. Maintenant, je ne fais pas partie de ces footballeurs soi-disant leaders qui passent leur temps à gueuler et à faire des grands gestes.

Tu fais partie du conseil des joueurs avec Vincent Kompany, Eden Hazard, Jan Vertonghen, Thibaut Courtois et Nicolas Lombaerts : ça t’amuse ou ça te pèse ?

WITSEL: C’est d’abord une fierté de faire partie de ce comité restreint, ça montre la maturité que j’ai prise depuis mes débuts chez les Diables. Ça fait maintenant huit ans que je suis en équipe nationale ! Je prends ce rôle à coeur et je n’ai aucun problème à dire tout ce que j’ai sur le coeur quand on a des réunions. Le schéma est toujours le même : on discute entre nous, puis le capitaine relaie nos conclusions vers le coach ou les dirigeants. Il y a, entre guillemets, six capitaines dans le groupe.

Il n’y a pas une interview où on n’aborde pas ta place sur le terrain. Marc Wilmots ne te donne plus jamais la liberté offensive que tu as dans ton club. Il n’y a pas un manque ?

WITSEL: Depuis quelques années, ça marche bien pour moi en 6. Pas de problème donc. Et ça se passe encore mieux depuis que Radja Nainggolan s’est installé dans l’équipe. J’ai longtemps été seul pour faire le boulot de récupération dans cette zone du terrain, on est maintenant à deux, c’est parfait. J’aime vraiment bien jouer avec Nainggolan !

Tu n’as pas avalé de travers quand Wilmots t’a parlé de jouer éventuellement au back droit puis quand il est passé à l’action pour le match en Suisse ? … Il s’est expliqué en disant que dans le passé, tu avais très bien fait ça avec Benfica.

WITSEL: Il m’a téléphoné avant d’annoncer ça dans la presse. Je lui ai répondu : -Aucun problème, je peux le faire s’il faut dépanner. Mais il sait très bien que ce n’est pas un poste que j’aime bien ! Je l’ai fait trois ou quatre fois à Benfica, oui, mais je ne me voyais aucun avenir à long terme dans un rôle pareil. Pour l’entraîneur de Benfica, ce n’était qu’une solution de secours, très temporaire. Il n’avait plus d’arrière droit avec du métier et il ne voulait pas prendre le risque de lancer un jeune. J’ai quand même gardé des souvenirs assez forts de l’expérience. Je me souviens que j’étais beaucoup plus vite fatigué qu’en milieu de terrain ! Ce ne sont pas les mêmes courses, il faut enchaîner les sprints. Après une mi-temps, j’étais déjà bien fatigué…

 » ON M’A TRANSFÉRÉ À MILAN QUAND J’ÉTAIS SUR UNE PLAGE EN CRÈTE  »

A chaque mercato, hiver comme été, tu es le Diable dont on parle le plus. Witsel ici, Witsel là, Witsel va signer en Angleterre, Witsel négocie en Italie, … Tu penses que cet été est enfin le bon ?

WITSEL: Je joue mon EURO, je penserai à ça après le tournoi !

Il te reste un an de contrat au Zenit : soit tu pars maintenant, soit tu prolonges…

WITSEL: Un des deux, oui. Je n’imagine pas qu’ils me laissent arriver en fin de contrat et me voient partir pour rien.

Tu ne te dis pas qu’en quatre ans là-bas, tu as fait le tour de la question ?

WITSEL: Pas nécessairement même si, au départ, c’était clair dans ma tête : maximum trois saisons en Russie. Tout le monde semble sûr que je ne prolongerai pas. Mais moi, je te dis que le départ imminent que tout le monde annonce, il n’est pas automatique. Qu’on arrête de croire que je ne me plais pas à Saint-Pétersbourg, que je suis là-bas uniquement pour jouer au foot en gagnant bien ma vie ! Au début, ça a été très dur. Ça a même duré un an et demi. Par rapport à l’adaptation que j’avais connue à Lisbonne, c’était le jour et la nuit. Mais maintenant, j’y suis parfaitement heureux et ça dure depuis deux ans et demi. Je réfléchis à une prolongation éventuelle parce qu’il y a plein de choses qui m’y font réfléchir. Ils font tout pour que je reste, idem avec Hulk. Ils veulent acheter deux joueurs du top européen pour aller enfin très loin en Ligue des Champions. Le nouveau stade devrait être terminé en fin d’année, il est extraordinaire et il est à trois minutes de l’endroit où je vis. Et puis il y a la Coupe du Monde 2018 qui provoque un gros engouement dans toute la Russie. Les stades sont rénovés, il y en a plusieurs nouveaux. Le nôtre sera top, celui du CSKA Moscou est fantastique, on a gagné cette saison la finale de la Coupe de Russie dans celui de Kazan qui est extraordinaire… Ça fait quand même pas mal de gros arguments pour que j’envisage de prolonger.

Les rumeurs de transferts qu’on lit deux fois par an, elles t’amusent ?

WITSEL:Parfois, oui, j’ai bien rigolé ! Je me souviens du jour où on a annoncé que c’était fait avec l’AC Milan. On a écrit que j’étais là-bas, occupé à négocier, dans le bureau du président. A ce moment-là, j’étais sur une plage en Crète avec ma femme, on prenait du bon temps, on était bien… Tout à coup, je reçois 15 coups de fil, une tonne de messages, des félicitations. Je me demande ce qu’on me veut ! Je vais sur internet, et là, je vois que j’ai signé à Milan…

Il y a quand même eu, parfois, des discussions très concrètes avec certains clubs ?

WITSEL:Oui. Avec Milan notamment. Ils ont insisté très fort, ça ne s’est pas fait.

Aujourd’hui, on cite surtout Everton et Rome.

WITSEL: Rome, c’est un grand club, un des plus grands d’Italie. Pour une dernière étape dans ma carrière, ce serait chouette. Mais il n’y a pas encore eu de contact. Je ne m’inquiète pas, je ne me suis jamais dit que j’avais raté l’occasion d’aller ici ou là. Quand ça ne se fait pas, je me fais une raison, je ne me casse pas la tête. Quand tu es dans le plus grand club du championnat de Russie, tu peux te faire à l’idée que tu y restes encore un peu…

Tu as joué dans les stades les plus chauds d’Europe, tu ne retrouves quand même pas la même passion en championnat de Russie !

WITSEL: Ils savent quand même être très chauds, les supporters russes, hein ! (Il rigole). J’ai joué des matches où il faisait moins 10, il y avait des gars torse nu qui chantaient et dansaient. Moi, plus c’est chaud comme ambiance, plus j’ai envie que le match commence. Un jour, j’ai marqué un but en profitant de fumigènes qui empêchaient le gardien de voir le ballon… Ils peuvent balancer un peu de tout sur le terrain. Ce n’est pas comme ça dans tous nos matches, mais un Zenit – CSKA, un Zenit – Spartak ou un Zenit – Lokomotiv, c’est bouillant.

PAR PIERRE DANVOYE À BORDEAUX – PHOTOS ADIDAS

 » Les scandales de dopage donnent une très mauvaise image de la Russie à deux ans de la Coupe du Monde, ce n’est pas l’idéal.  » – AXEL WITSEL

 » Nous, on n’a jamais dit qu’on était les meilleurs du monde !  » – AXEL WITSEL

 » Je me plais au Zenit. Je ne me suis jamais dit que j’avais raté l’occasion d’aller ici ou là.  » – AXEL WITSEL

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