Gros sur la patate

Les Liégeois ont-ils mis leurs ambitions au régime?

Menés deux fois à la marque, ils ont su réagir, en oubliant l’académisme, afin d’enlever un point. Celui de l’espoir? Même s’il reste calme, Michel Preud’homme est déçu. Cela se lit sur son visage laminé qui constrastait avec la bonne bouille de Jan Ceulemans.

« Je ne suis pas heureux », admettait le coach du Standard.

Avez-vous trop fait confiance à vos joueurs?

Michel Preud’homme: Je n’alignerai plus que des joueurs en pleine possession de tous leurs moyens physiques et mentaux, prêts à 100% pour les missions sur le terrain. Ils n’auront alors pas la moindre excuse. Ce serait plus facile si personne n’était blessé ou n’avait le moindre souci psychologique et mental. Or, mon club a été accablé par une avalanche de blessures. Il a fallu parer au plus pressé et ce ne fut pas facile à gérer. Je les ai toujours protégés via-à-vis de l’extérieur mais je ne peux le faire que quand ils se donnent à fond pour la cause commune, surtout quand c’est dur. Je les avais prévenus: tout serait de plus en plus dur.

La course ne s’arrêtait pas début décembre: elle ne faisait que commencer. On n’obtient rien sans rien et c’est parce qu’ils n’ont pas compris cela que je suis déçu. Quand on est bien placé, il ne faut surtout pas lever le pied dans la façon de vivre pour son métier. Cela se manifeste par des détails: aller au lit plus tôt, surveiller son alimentation, boire un verre de bière en moins, etc. Mentalement, il est important d’être un gagnant tous les jours pour être là à l’heure de la remise des prix.

Que pensez-vous des problèmes de poids?

Des examens médicaux ont été menés. On tape sur le clou depuis le début de la saison. Ils étaient prévenus. C’est d’abord le problème du staff médical. Moi, j’aligne les joueurs que je juge à la hauteur de la tâche que je vais leur confier sur le terrain.

Un problème médical devient forcément le problème du coach, non?

Ce sera d’abord au staff médical de suivre le dossier et de leur expliquer ce qu’il faut faire. Il y a eu un constat et il faut le gérer. Chacun sait ce qui lui reste à faire.

D’abord un problème mental

Et vous n’êtes pas médecin…

Je suis là pour coacher l’équipe, instaurer une méthode de jeu. Si nous étions revenus en tête, en décembre, ce n’était le fruit du hasard. J’y vois la preuve que toutes les options étaient bonnes. Et, que ce soit tactiquement, techniquement, physiquement ou qualitativement, le groupe a des atouts. Nous n’étions pas là par chance. Le problème est d’abord mental. Il était réjouissant mais lourd d’être à la place dont nous rêvions. C’était dur mais le plus ardu restait à faire: y rester.

Quand on est fort, comme nous l’étions en décembre, certains en font moins. C’est humain et ce n’est palpable que quand cela va mal. Quand je jouais, rien n’est venu par hasard. Il y a des exceptions: Casillas a tout de suite eu du succès au Real. Tout lui tombe dans la bouche. Moi, j’ai eu des hauts et des bas au Standard en tant que joueur. Il en va souvent ainsi. On doit se cracher dans les pognes, aller au charbon. Quand on a compris ça, c’est déjà gagné à moitié.

Les nouveaux sont-ils prêts?

Mentalement, Robert Spehar et Régis Genaux ne peuvent nous faire que du bien. L’attaque n’a plus du tout la même allure qu’en début de saison. J’ai perdu Ali Lukunku et Ole-Martin Aarst, donc une façon de voir les choses. Ce serait une tuile pour tout le monde et on doit alors composer. Gonzague Van Dooren y rend des services mais je vois plus en lui un futur back gauche. Il a fait ses preuves à cette place même si on m’a traité de fou quand je l’ai lancé à ce poste.

Avec Spehar, c’est nouveau mais l’homme a du talent. C’est un buteur. Il l’a tout de suite montré à l’entraînement et on voit qu’il s’est bien entraîné, chez lui, à Osijek, entre Galatasaray et le Standard. Régis Genaux a encore un petit retard. Il revient de blessure, souffre pour le moment de la patte d’oie (face interne du genou) dû à la hausse du rythme de travail mais j’espère le voir à l’oeuvre cette semaine ou dans huit jours avec la Réserve. Il nous fera du bien par son caractère et sa présence. La direction n’a-t-elle pas fait preuve d’ambition en allant chercher ces deux joueurs? Si.

Leur arrivée a-t-elle secoué le groupe au point de le casser car il était trop fragile mentalement?

Non, s’ils ne supportent pas la concurrence, ils ont du souci à se faire. Robert et Régis nous apportent leur expérience et leur détermination. Je veux des joueurs qui ont du gnack.

Pas moyen de se cacher en décembre

Vous en avez au moins un… que le Standard ne gardera pas la saison prochaine: Didier Ernst.

Je ne veux pas individualiser le débat. Quand j’ai un objectif, je l’atteins. Oui, j’y arrive toujours, bordel de m… Il en sera ainsi, tôt ou tard, avec le Standard. Je suis obstiné. Je sens toujours bien le groupe mais, c’est vrai, j’ai installé une certaine distance entre eux et moi. Je serai de plus en plus exigeant. Quand je me suis lancé, je savais que je pouvais m’attendre à tout.

Au Standard?

Non, dans la profession d’entraîneur. C’est dur car un détail, une blessure, peut tout faire basculer. Mais, que ce soit la saison passée, ou durant la première partie du championnat en cours, j’ai vu que ma vision du jeu et des réalités d’un groupe était en phase avec les objectifs. Je ne suis pas très heureux pour le moment et ça se voit quand j’en ai gros sur la patate. Je ne crois pas du tout que le groupe ait été secoué, ou ébranlé, par les récents transferts. Les joueurs n’avaient pas du tout à s’inquiéter de ces arrivées. Le but n’était pas de le déstabiliser mais de l’aider, via ces transferts, qui ont coûté de l’argent, à atteindre ses objectifs malgré les problèmes.

Est-ce que le club n’a pas été trop ambitieux pour le groupe en parlant ouvertement du titre?

Je ne crois pas. Nous ne pouvions pas nous cacher en décembre. Etre là, c’est bien, y rester, c’est dur et cela se mérite.

Qu’est-ce qui est encore jouable?

Il faut penser au présent. Avant la visite de Westerlo, on a pris trois coups de poing en pleine gueule. Alors, il faut d’abord retrouver ses sensations, après on verra. Même si ce ne fut pas génial contre Westerlo, je retiens notre deuxième mi-temps, la meilleure depuis longtemps. Revenir deux fois à la marque, c’est pas évident. Le Standard ne rigole pas du tout pour le moment mais on y arrivera.

Pierre Bilic,

Dia 1

« Quand je veux quelque chose, j’y arrive toujours, bordel de m… » (Michel Preud’homme)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire