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Grandeur et déclin de la NFL

Dimanche, Minneapolis accueille la 52e édition du Super Bowl, la grand-messe de la saison NFL et l’événement sportif d’une journée le plus suivi aux USA. Le football américain est le roi absolu des States mais il vacille un peu sur son trône. Pourquoi ?

Chaque année, l’agence Nielsen publie la liste des émissions télévisées les plus populaires aux USA. Comme chaque fois, le Super Bowl a fait le meilleur audimat en 2017 : 111,3 millions de téléspectateurs, soit un peu plus d’un tiers de la population, ont assisté au come-back historique des New England Patriots de la star Tom Brady contre les Atlanta Falcons. À souligner dans le classement de Nielsen : sept des dix émissions les plus regardées, en direct et en différé le même jour, concernaient des matches de NFL.

Les trois intrus ? La cérémonie des Oscars est huitième avec 32,9 millions de spectateurs et le speech de Donald Trump devant le Congrès a été suivi par 47,7 millions de personnes, ce qui le place en quatrième position. L’entrée en fonction du président a attiré 30,6 millions de personnes pour une neuvième place.

Mieux encore : 37 matches figurent parmi les 50 programmes les plus populaires et treize dans le top vingt. NBC Sunday Night Football est en tête des émissions hebdomadaires avec 18,6 millions de téléspectateurs, battant toutes les séries et autres shows. D’ailleurs, aucun programme de ce genre ne figure parmi les 50 plus suivis, tous accaparés par les retransmissions en direct. Il faut dire que l’enregistrement des émissions est encore plus prisé aux États-Unis qu’en Europe.

La NFL est un commerce qui pèse des milliards. Un spot publicitaire de trente secondes coûtait en moyenne 473.775 dollars en 2017, soit 1 % de plus qu’en 2016. La société de communication Verizon a même déposé 1,5 milliard sur la table en décembre pour obtenir le droit de retransmettre des matches de NFL sur son site pendant cinq ans. C’est 20 % de plus que le contrat précédent et ça va faire exploser les droits de retransmission à plus de sept milliards de dollars par saison.

De ce point de vue, il n’y a pas photo avec les autres grandes compétitions. La NBA empoche trois milliards en droits de retransmission. L’audimat des autres sports est nettement inférieur : le cinquième et dernier match des finales de NBA entre le Golden State et Cleveland est 24e avec 24,5 millions de téléspectateurs, le game seven des World Series de base-ball entre les Houston Astros et les LA Dodgers est 13e avec 28,2 millions d’amateurs.

POPULARITÉ EN BAISSE

Le rapport édité par le bureau d’enquête Gallup depuis 1937 est tout aussi éloquent : tous les quatre ans, il effectue un sondage pour savoir quel sport les Américains préfèrent regarder. Le football occupe la première place depuis 1972, avec une large avance. En 2017, 37 % des amateurs de sport interrogés avaient exprimé leur préférence pour le football. En deux ? Le basket-ball. Avec… 11 %, suivi par le base-ball (9%) et, surprise, le soccer, qui, avec 7 %, a réalisé son meilleur score.

Voilà pour les  » bonnes  » nouvelles. Car, depuis des mois, on ne parle que de la baisse de popularité de la NFL aux States. En l’espace d’un an, l’audimat moyen des matches et programmes de NFL a chuté de 9 %. Cette tendance ressort également du rapport de Gallup : après le pic atteint en 2006 et 2007, avec 43 % des Américains qui considéraient le football américain comme leur discipline préférée, on est retombé à 37 % en 2017.

Dans un autre sondage de Gallup, réalisé en octobre, seulement 57 % des personnes interrogées se sont déclarées fans du football américain. Seulement parce que ça représente 10 % de moins par rapport au pic de 67 % enregistré dans l’enquête précédente, en 2012. En revanche, le College Football, qui a toujours été très populaire aux USA, est en progression : il est passé de 54 % en 2012 à 56 % en 2017. Ici aussi, le soccer réalise la progression la plus significative de tous les sports : plus cinq, de 23 à 28 %, égalant le hockey sur glace.

La couronne de la NFL a donc perdu pas mal de diamants. Pour diverses raisons. L’une d’elles est purement sportive : ainsi, cette saison, beaucoup de joueurs-vedettes charismatiques ont été blessés. Mais d’autres causes s’accumulent : en 2014, Ray Rice, la vedette de Ravens, a fait l’objet d’un scandale. Des vidéos l’ont montré en train de battre sa femme jusqu’à l’assommer dans un ascenseur puis la traîner en dehors. Ces images ont replacé au devant de la scène le problème chronique de violence conjugale dont font preuve beaucoup de stars de NFL et ont suscité de violentes protestations.

LOURD TRIBUT PHYSIQUE

De nombreuses études et le film Concussion avec Will Smith, sorti en 2015, ont également eu un impact négatif : ils ont mis à nu le tribut physique et mental entraîné par les nombreux coups à la tête que les joueurs de football américain encaissent. Ces chocs répétés peuvent engendrer une encéphalopathie traumatique chronique dont le stade final est une forme de démence, comme Alzheimer, Parkinson ou la SLA. Entre 30 et 50 ans, un homme sur mille est atteint de démence ou d’une autre atteinte cérébrale. Dans le même groupe d’âge, un footballeur américain sur 53 en souffre. Les exemples d’anciens footballeurs qui craquent mentalement et se suicident son légion.

Les parents d’adolescents sont effrayés et reculent devant ce risque : une étude démontre que le nombre de joueurs de football dans les hautes écoles a diminué de 2,3 % en un an et dans certains états, la baisse est encore plus nette. La NFL a, certes, pris des mesures pour limiter le nombre de chocs crâniens, rendant le jeu moins brutal, mais elle provoque du même coup le mécontentement des amateurs purs et durs, qui trouvent le football actuel trop soft. Même Trump y a fait allusion.

Autre motif important : les protestations des joueurs contre la violence raciale, qui ont éclaté depuis 2016, à l’initiative de Colin Kaepernick, et s’expriment pendant l’hymne national. Les footballeurs qui s’agenouillent ont récolté de vives critiques de Trump, tout comme de l’Amérique conservatrice. Ce motif ressort aussi de l’enquête de Gallup : en 2012, 70 % des amateurs républicains de sport indiquaient leur préférence pour le football américain. En 2017, ils n’étaient plus que 55 %. Côté démocrate, les chiffres sont plus stables : on est passé de 69 à 66 %. Le résultat est similaire chez les spectateurs blancs, avec une forte baisse, de 67 à 54 %, alors que les noirs délaissent moins le football (de 69 à 64%).

Ces chiffres n’en restent pas moins très élevés par rapport à d’autres sports comme la NBA, qui est plus connue et plus populaire dans le monde que la NFL. Aux États-Unis, le football américain reste le king, envers et contre tout. Du moins pour l’heure et certainement le jour du Super Bowl.

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