Grande distinction

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Les Rouches ont parfaitement négocié leur semaine de vérité.

Le Standard avait connu une répétition générale difficile face au Lierse, il y a dix jours. Deux rendez-vous capitaux succédaient à ce match gagné dans la douleur. Et les hommes de Michel Preud’homme ont impressionné tant à Gand qu’à Bruges. Cette série de trois victoires leur permet de réparer un début de saison qui n’avait pas vraiment répondu aux attentes.

Toute la semaine dernière fut intéressante à plus d’un titre du côté de Sclessin.

LUNDI: « I feel good… » (Okpara)

Godwin Okpara avait été transféré au Standard pour jouer dans l’axe de la défense. Durant plusieurs semaines, il forma un duo apprécié avec Eric Van Meir. Il évolue actuellement un cran plus haut, comme médian défensif. Parce qu’il faut mettre en vitrine Rabiu Afolabi, susceptible d’être vendu prochainement? Ce n’est pas la version officielle, mais elle circule à Sclessin.

Okpara ne se pose pas toutes ces questions: « Le couple Afolabi-Van Meir réussit de très bons matches et l’entraîneur a raison de ne pas le scinder. La concurrence est rude pour les quatre places en défense. Je suis très heureux comme médian défensif. J’ai joué pour la première fois dans ce rôle à Beveren, début octobre. I feel good… Je me suis rapproché du coeur de l’équipe: j’adore. J’ai plus de responsabilités que quand j’évoluais en défense. Je peux mieux faire jouer mon sens tactique. Avant de quitter Alost pour Strasbourg, je jouais systématiquement dans l’entrejeu. En France aussi, j’étais un médian typé. C’est Michel Preud’homme qui m’a demandé de reculer dès mon arrivée au Standard ».

L’international nigérian est conscient qu’il n’a pas retrouvé le même championnat qu’avant son départ pour la France (en 1996), mais cela ne suffit pas à gâcher son bonheur: « Il n’y a pas photo quand je compare la compétition actuelle avec celle où évoluaient des stars du calibre de Daniel Amokachi, Victor Ikpeba ou Paul Okon. Mais je suis heureux au Standard: j’oublie progressivement tous les malheurs qui se sont abattus sur moi à Strasbourg et au PSG, et c’est ce que je recherchais quand j’ai décidé de revenir en Belgique ».

MARDI: Alph11 dénonce la comédie de la fancard

Alphonse Costantin n’apprécie pas du tout que les supporters du Standard soient privés du match à Gand et il dénonce le système de la fancard: une carte de supporter ne donne désormais plus droit qu’à un seul ticket d’entrée. Le directeur des Rouches menace les ministres qui demandent régulièrement des places gratuites pour les matches du Standard: « S’ils n’ont pas de fancard, ils n’entreront plus dans notre stade… »

Costantin est pour l’identification des supporters mais contre la procédure administrative très lourde que l’on impose aux clubs: « La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur et ses acolytes ont modifié trois ou quatre fois le règlement, avant de publier un texte inapplicable. S’ils allaient une fois sur le terrain, ils se rendraient compte que leurs lois sont impossibles à gérer. Vous pouvez acheter des billets d’entrée pour vos enfants en présentant leur carte d’identité, mais on vous demande au guichet si ce sont bien vos enfants légitimes et on vous réclame votre carnet de mariage! Où va-t-on? Il y a 756 exclus de stade en Belgique: ils sont identifiés, fichés. Nous en avons déjà pris la main dans le sac mais, une fois arrêtés, ils n’écopent que d’une interdiction de stade. Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de condamnations au civil, on n’avancera pas. Le ministre de la Justice et le ministre de l’Intérieur se renvoient la balle dès qu’il y a un problème. Qu’ils prennent leurs responsabilités une fois pour toutes. Malheureusement, on ne gagne pas de voix en condamnant les gens… »

Le directeur de Sclessin souligne que le Standard a consenti d’importants investissements pour sécuriser son stade, en caméras de surveillance notamment. « Nous avons réussi à responsabiliser nos supporters. Ils ne posent plus aucun problème. Le Standard a été félicité par l’UEFA pour leur comportement à Bordeaux. Contre Anderlecht, il n’y a pas eu le moindre incident. Idem à Genk, où ils ont applaudi l’équipe malgré l’élimination. Chaque semaine, ils veillent à ce que les 20 ou 25 supporters turbulents n’aient plus l’occasion de sévir ».

Mais ces trublions ont causé des dégâts pour un million et demi à Gand, la saison dernière, et le club refuse d’assumer: « Ils ont cassé quelques sièges… très fragiles qui me faisaient penser aux sièges que l’on voit dans les compétitions de jumping. Faits pour des gens qui ne bougent pas! Ce n’est pas une excuse, leur comportement était impardonnable. Mais bon… Payer La Gantoise ne servirait à rien, cela ne solutionnerait pas le problème en profondeur. Si des supporters adverses venaient causer des dégâts à Sclessin, le Standard prendrait tout en charge. Que Gand fasse la même chose. Ou -mieux encore- que l’on crée un pot commun pour tout ce qui est cassé dans les stades de D1 ».

Alphonse Costantin regrette par ailleurs que ses homologues des autres clubs ne ruent pas dans les brancards alors qu’ils partagent complètement son avis: « Quand nous nous réunissons, ils sont encore beaucoup plus critiques que moi vis-à-vis de la fancard. Mais en public, ils n’osent rien dire. Cette carte nous fait perdre énormément d’argent car elle dissuade les supporters occasionnels d’aller au stade. Ils n’ont pas envie de débourser 500 francs, en plus du prix des places, pour deux ou trois matches par an. Il n’y a pas que des golfeurs dans les supporters de foot ».

MERCREDI: Aarst assassine « son » club

Les Rouches impressionnent à Gand, même si ce 2-5 est forcé. Preud’homme se réjouit de cette soirée qu’il qualifie d’un peu folle. « Nous marquons cinq buts sur le terrain de la révélation du début de saison, après avoir battu Anderlecht et arraché un point à Genk », lance-t-il. « Mon équipe prouve par moments qu’elle a les moyens de jouer à un très haut niveau ».

Cette première victoire en déplacement porte la griffe d’ Ole-Martin Aarst, qui a parfaitement exploité les errements actuels de la défense gantoise (12 buts encaissés lors des trois derniers matches). Le Norvégien fait feu à trois reprises sur le terrain de ses anciens exploits. Il parlait d’arrêter le football il y a un mois. Il vient de marquer quatre buts en deux matches et il n’est plus question de retraite.

« J’ai retrouvé le plaisir du foot », clame-t-il. « Je n’avais pas vraiment l’intention de tout plaquer, mais j’avais le blues du footballeur qui ne joue pas. C’était dur à vivre. Je viens de disputer trois bons matches: en Coupe à Genk, puis contre le Lierse et Gand. Ne me demandez pas d’expliquer mon retour en forme. Le niveau de jeu d’un buteur dépend de tout petits détails. Ils me sont apparemment favorables pour le moment, mais je ne pourrais même pas vous décrire ces détails. Je me suis toujours senti plus à l’aise dans les matches où l’enjeu est important, où la pression est écrasante. Quand j’affronte Anderlecht, Gand, Genk ou Bruges, ma motivation est vraiment maximale. Je viens de jouer contre mon ancien club et je vais affronter mon ex-coach, Trond Sollied, dimanche: tous les paramètres sont réunis pour qu’on revoie le vrai Aarst ». Seul bémol: l’Union Belge lui inflige trois matches de suspension suite à la carte rouge prise à Genk en Coupe. « La deuxième exclusion directe de ma carrière, seulement ».

JEUDI: Walem fait grise mine

Aarst qui rit, mais Johan Walem qui a la tête des mauvais jours. La veille, Preud’homme lui a préféré Ali Lukunku. Walem est devenu le réserviste de luxe des Rouches, après avoir été sorti du jeu lors des deux matches précédents. Au moment de quitter le terrain face au Lierse, il fusilla son entraîneur du regard. Son renvoi sur le banc, à Gand, s’explique-t-il par ce geste de mauvaise humeur?

Preud’homme noie le poisson: « Je dispose aujourd’hui de la totalité de mon noyau, à part Michaël Goossens et Ivica Dragutinovic. La concurrence est forte et Johan doit le comprendre. Il souffre de la cheville et j’ai estimé qu’il n’était pas raisonnable de lui faire jouer trois matches en une semaine ».

Walem hausse les yeux face à cette justification: « Si l’entraîneur estime qu’il dispose de joueurs plus forts que moi, qu’il les mette sur le terrain… Ce n’est pas mon style de créer des problèmes dans le groupe, mais j’estime que j’ai des circonstances atténuantes. On me reproche de ne pas être assez bon? C’est inévitable à partir du moment où on n’exploite pas mes qualités. Je suis revenu en Belgique pour évoluer dans l’axe, et pas sur le flanc gauche. Depuis dix ans, je n’avais plus jamais joué à gauche. Il faut me laisser le temps de prendre mes marques si on décide de me mettre à cette place. Je suis extrêmement déçu, surtout que j’ai l’impression d’avoir fait de très bonnes choses depuis le début de la saison. Et je fais tous les jours mon boulot à l’entraînement ».

Son opération à la cheville n’est plus envisagée dans l’immédiat. Walem parle d’attendre la fin de la saison. Au risque de compromettre sa Coupe du Monde! « Que les choses soient claires: je joue d’abord au Standard, pas en équipe nationale. Mon employeur, c’est le club. Il aura toujours la priorité. Maintenant, si le Standard estime qu’il n’a pas besoin de moi momentanément, je suis disposé à me faire opérer directement ».

VENDREDI: sale anniversaire pour Goossens

Michaël Goossens aurait voulu fêter ses 28 ans autrement. Il attendra avant d’offrir le champagne à ses coéquipiers. Pour deux raisons: Eric Van Meir l’a fait la veille, tellement il était content d’avoir battu le Lierse, et l’entraîneur n’aurait pas accepté deux écarts alimentaires de ses joueurs à 24 heures d’intervalle; mais surtout, Mika n’a guère le coeur à festoyer alors que la Faculté vient de lui annoncer qu’une opération était inévitable. Elle aura lieu dès lundi matin.

« J’ai consulté un spécialiste à Hasselt et il m’a confirmé le verdict du premier médecin: je dois passer sur le billard pour éliminer une hernie près des adducteurs », regrette-t-il. « J’en souffre depuis un mois et demi, et la douleur est progressive. J’avais d’ailleurs dû recevoir une infiltration avant le match contre Anderlecht. Ce n’est pas la fin du monde mais c’est râlant parce que j’étais très bien revenu: j’étais titulaire au Standard, je marquais régulièrement et Waseige m’avait appelé pour les matches contre la Tchéquie. Je me console en me disant que j’ai l’habitude de revenir assez rapidement à mon meilleur niveau après chaque opération. J’espère être en pleine possession de mes moyens dès les premiers matches du deuxième tour ».

SAMEDI: Wuillot a les échographies pour sourire

Semaine après semaine, Laurent Wuillot cire le banc de touche. « Je suis chaque fois retenu par l’entraîneur: c’est la preuve qu’il n’a rien à me reprocher au niveau de ma mentalité », essaye-t-il de se consoler. Le Montois commence doucement à trouver le temps long, d’autant qu’il avait fondé énormément d’espoirs sur cette saison.

« J’étais persuadé que je jouerais régulièrement, et les matches de préparation avaient semblé me donner raison: j’étais toujours dans l’équipe, et j’ai aussi participé aux deux matches européens contre Sköpje. Mon exclusion à Charleroi, lors de la première journée, a compliqué ma situation. Okpara s’est installé dans l’équipe, et aujourd’hui, je suis confronté à la concurrence d’Afolabi. J’ai entre-temps fait brièvement mon retour dans l’équipe, mais j’ai de nouveau été exclu à Beveren. Les deux fois, ces cartes rouges ne m’ont coûté qu’une journée de suspension: la preuve que mes fautes n’étaient pas très graves. En attendant, la sanction sportive au Standard a été beaucoup plus lourde qu’à l’Union Belge ».

Wuillot se demande si tous les défenseurs de Sclessin sont traités sur un pied d’égalité. Allusion à la possible mise en vitrine d’Afolabi? Il veut en tout cas rester positif. « Je sais que je n’ai rien à me reprocher. Je respecte les choix de l’entraîneur. Il n’empêche que je suis très déçu. Je rêvais de la Coupe d’Europe, et j’ai l’impression qu’on m’a privé de la cerise après avoir bataillé avec des copains extraordinaires durant une saison complète pour arracher notre qualification. Je me trouve meilleur qu’au deuxième tour de la saison dernière. Après une fracture de la jambe, il faut un an pour revenir à son niveau, et deux ans pour recommencer à progresser. Je suis actuellement en pleine progression. Je n’envisage pas de quitter le Standard pour le moment, mais je serai attentif à toutes les offres si ma situation s’éternise. A 26 ans, je ne peux pas me contenter de toucher tranquillement mon chèque à la fin du mois sans jouer. Pour le moment, mes seuls moments de bonheur se résument aux échographies que passe ma femme: je serai papa pour la première fois en juin et je peux au moins vivre cette grossesse à fond. C’est déjà ça de pris… »

DIMANCHE: Preud’homme fait virevolter le Lokeren wallon.

En présence de représentants de clubs anglais qui se sont déplacés pour Harold Meyssen et Ali Lukunku, les Rouches reproduisent à Bruges le même scénario qu’à Gand: ils prennent l’avance en début de match, en exploitant parfaitement leurs rares occasions, puis ils font le gros dos en misant sur la contre-attaque. Le Lokeren wallon (6 Africains dans l’équipe) est héroïque dans sa résistance défensive. Pas un seul corner pour les Liégeois, et onze pour Bruges! Mais Aarst est de nouveau parfait dans son rôle de buteur retrouvé: 1-3 et la toute bonne opération du week-end.

« Le programme de cette semaine était chargé mais nous devions bien le négocier si nous voulions avoir de nouveau notre mot à dire dans le haut du classement », analyse Preud’homme. « Les matches européens et les blessures nous ont coûté plusieurs points en début de saison. Si j’avais eu un noyau au complet à ce moment-là, nous serions beaucoup plus proches de la première place aujourd’hui. Au contraire de Bruges, nous avons presque directement attaqué un gros morceau en Coupe d’Europe, parce que le Standard n’était pas tête de série. Je regrette évidemment l’élimination face à Bordeaux, mais je suis encore plus déçu de la défaite à Genk en Coupe de Belgique. Parce que la Coupe de Belgique ne pèse pas lourd dans le programme et que nous aurions pu aller loin dans cette épreuve sans compromettre nos chances en championnat ».

Pierre Danvoye

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