Grand TOURNANT

Un bon résultat au Dakar peut ouvrir à Greg de nouvelles portes ou décider BMW à s’impliquer davantage en rallye-raid.

A l’heure où paraîtront ces lignes, les concurrents du Dakar 2004 entreront dans le vif du sujet. Oubliées la longue descente entre Clermont-Ferrand et Tanger, puis la traversée du Maroc. Les favoris affûteront leurs armes avant les premiers affrontements en Mauritanie. C’est là que la situation devrait se décanter, selon Grégoire de Mévius qui était a priori le meilleur atout belge sur quatre roues.

Vous situez entre Tan-Tan et Atar le premier grand affrontement de ce Dakar…

Grégoire de Mévius : Cette étape mauritanienne affiche 1.055 kilomètres dont 700 contre le chrono, c’est tout dire ! Ceux qui en sortiront en tête auraient cependant tort de s’imaginer qu’ils ont course gagnée. Le vrai Dakar commencera seulement et l’organisateur promet de belles surprises, notamment après la journée de repos le 12 janvier.

Par rapport à 2003, cette édition sera-t-elle plus difficile ?

Sur papier, le menu s’annonce effectivement corsé. L’organisateur a compris que l’an dernier, il n’avait pas répondu à l’attente des concurrents, même si ceux-ci s’en étaient mis plein les yeux.

Pourtant, ces paysages grandioses avaient fait la joie des téléspectateurs restés en Europe…

Oui sans doute, mais si le décor permet de composer de beaux reportages, l’aspect compétition doit demeurer prioritaire. La légende du Dakar s’est construite sur des images fortes : des 4×4, des motos ou des camions déboulant à toute vitesse dans des étendues désertiques, des passages acrobatiques de dunes, et aussi des gars complètement vidés, titubant de fatigue, les yeux hagards, se demandant ce qu’ils fichent là au milieu de nulle part face à une moto ou une auto noyée dans le sable.

Précisément, ce côté aventure n’a-t-il pas disparu avec l’arrivée en force des grandes usines ?

C’est la rançon de la gloire. Les constructeurs choisissent les événements bénéficiant de fortes retombées et mettent en £uvre les moyens nécessaires pour s’y imposer. Les amateurs n’ont plus voix au chapitre mais ils font toujours leur course, et ils en bavent… A terme, le rallye-raid devrait cependant profiter de la venue de VW, BMW, Nissan et d’autres marques décidées à contester la suprématie de Mitsubishi : la lutte pour la victoire gagnera en intensité et la communication autour de l’épreuve sera améliorée car quand des usines s’engagent, elles le font savoir.

Autre évolution, l’arrivée de pilotes venus du rallye traditionnel. Comment ressentez-vous la présence d’un Colin McRae au départ ?

Si l’Ecossais joue la gagne, ce sera embêtant pour nous, les spécialistes du raid. Cela signifiera en effet que notre expérience n’a plus de poids face à la fougue et la vitesse de pointe d’un sprinter. D’autres teams seront tentés d’imiter Nissan en faisant appel à des Tommi Makinen, Didier Auriol, François Delecour ou Bruno Thiry.

Vous croyez aux chances de McRae ?

Il fera des temps sur les terrains comparables à ceux qu’il a connus en Grèce, à Chypre ou en Afrique, mais sera moins à l’aise dans le sable. Et puis il devra brider son tempérament sous peine de pulvériser sa voiture.

La spécificité du désert

Vous parlez de l’expérience, n’est-elle pas moins importante avec l’émergence de nouvelles technologies comme le GPS ou le gonflage automatique des pneus ?

Les spécialistes du désert affirment qu’une bonne lecture du terrain reste indispensable pour s’y montrer performant et là, le GPS n’est d’aucun secours. Cet appareil diminue les risques d’erreur, c’est un fait. Il permet aussi à l’organisateur de surveiller au plus près la caravane ce qui, paradoxalement, contribue à entretenir les suspicions : un concurrent qui se perd est soupçonné d’avoir voulu tricher en sortant de l’itinéraire ; or, même avec un GPS, il est toujours possible de se perdre dans le désert ! A propos du dégonflage, je souligne que les responsables du Dakar voulaient interdire ce système grâce auquel le pilote adapte en un tournemain la pression de ses pneus à la configuration du terrain sans devoir quitter son baquet. L’idée était d’équilibrer la chances entre pros et amateurs, ces derniers ne disposant pas de ce mécanisme onéreux. La fédération internationale ayant refusé l’interdiction, les équipages officiels seront tous équipés de ce gonflage-dégonflage automatique et ils ne risquent guère de s’ensabler.

On a parfois le sentiment que le Dakar constitue une sorte de championnat mondial en un seul round…

26 éditions, ça compte. Le rallye se déroule aussi à une période de l’année où le reste de l’actualité sportive tourne au ralenti, ce qui lui assure une place de choix dans les médias. Outre la légende qui s’est construite autour des concurrents en galère, il y a la personnalité de Thierry Sabine le créateur de l’épreuve. En fait, le Dakar est au raid ce que sont les 24 Heures du Mans à l’endurance : ces courses bénéficient d’une aura qui leur permet d’évoluer en dehors du championnat mondial de la discipline. Les retombées y sont telles que les constructeurs préfèrent se concentrer sur ces seuls rendez-vous plutôt que de disputer une saison complète.

Comment cela pourrait-il changer ?

Il faudrait d’abord que le Dakar réintègre le championnat. Puis les usines devraient être obligées d’aligner au-moins une voiture dans chaque round afin de fidéliser le public. Avec six ou sept concurrents réguliers, la course au titre deviendrait plus intéressante. Diversifier le calendrier est aussi nécessaire car plusieurs épreuves se ressemblent. Dakar, Maroc, Tunisie, c’est du pareil au même pour la majorité des gens. Quant aux bajas disputées sur deux jours, elles se rapprochent trop des rallyes traditionnels.

Votre contrat avec le team X Raid-BMW se termine avec ce Dakar 2004. Et la suite ?

Rejoindre l’arrivée en bonne position m’ouvrirait peut-être certaines portes ou me permettrait de continuer au volant du BMW X5. Jusqu’ici, l’usine BMW a négligé ce programme lancé à l’initiative du team X Raid mais elle est soumise à une forte pression des importateurs… Un résultat positif ferait bien dans le tableau.

Vous engagez au Dakar un buggy piloté par le Français Laurent Bourgnon. Est-ce le début d’une reconversion ?

Le calendrier en rallye-raid n’étant pas très chargé, je dois m’occuper entre les courses. J’ai acheté deux buggies à moteur Nissan en Afrique du Sud et avec l’aide de l’équipe R-Tec, j’en ai préparé un exemplaire pour le Dakar. L’objectif est d’offrir un engin amusant et fiable pour un budget raisonnable. Bruno Thiry et Stéphane Henrard étaient intéressés mais je leur ai déconseillé de monter l’opération car mon buggy ne peut jouer les premiers rôles et ne correspond pas à leurs ambitions. Avec Laurent Bourgnon dont on connaît les performances en voile, je dispose d’un cobaye idéal : il a déjà fait le Dakar, se débrouille bien au volant et ne veut pas consacrer une fortune au projet. Je suivrai sa course… de loin : la petite équipe que j’ai constituée pour s’occuper de lui devra m’oublier jusqu’au 18 janvier.

Eric Faure

 » Si Colin McRae joue la gagne, c’est EMBÊTANT POUR LES SPéCIALISTES DU RAID « 

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