© BELGAIMAGE

GRAND CORPS GUÉRI

Kim Clijsters, un bug informatique, un gourou catalan, des jongles avec un ballon de rugby, trois petits bouts, un Guardiola énervé. On parle de tout ça pour expliquer le retour du Président.

« Merci Kompany « ,  » We love Kompany, we do « . Le public de City s’est déchaîné en avril. Le Président était de retour dans l’équipe. Après des mois de galères physiques. Encore et encore. Vincent Kompany vient d’enchaîner près de dix matches. Sans rechute. Miracle ?

À l’autre bout du fil, le ton est sympathique mais le discours est ferme. On discute de ce retour avec Pierre Kompany. Un père qui évoque une sorte de matraquage médiatique. Lui rappeler que son fiston a été blessé entre 36 et 39 fois (selon les sources) depuis son arrivée à Manchester en 2008, ce n’est clairement pas le meilleur plan pour le faire rire. Il explique gentiment pourquoi ça le gonfle.

 » Qu’on écrive que mon fils est blessé, ça ne me dérange pas. Mais n’oubliez pas qu’il joue au foot, aussi. Et un footballeur, ça peut se blesser à tout moment.  » Mais encore ?  » Ce qui me dérange, c’est toute la méchanceté qu’il y a dans ces articles. Et encore plus sur les réseaux sociaux. Il suffit qu’un imbécile émette un avis violent sur Vincent Kompany, et on ne retiendra que ces quelques lignes. Les articles positifs, on les retient beaucoup moins facilement. Quand il rejoue, on s’amuse à mettre en gros titre un truc du style : Kompany est de retour, mais pour combien de temps ? On suggère un pré-pressentiment aux lecteurs !  »

 » L’animal est toujours enchaîné mais plus pour longtemps  »

La cuvée 2016-2017 de Vincent Kompany… Un match en septembre. Trois en octobre. Un en novembre. Un en janvier. C’est tout, jusqu’à son dernier retour. Par contre, il a fait carton presque plein en avril et mai. Et là, le corps tient. Quand il est réapparu dans l’équipe, elle cravachait derrière Liverpool pour finir sur le podium et accéder directement à la Ligue des Champions. Ça a réussi avec le Président, les Blues ont sauté les Reds et seront en CL. Conclusion de Pep Guardiola :  » Avec Kompany dans l’équipe pendant toute la saison, on aurait joué le titre.  »

Comment expliquer cette nouvelle solidité ? L’avis de son frère, François, qui sort d’une grosse saison avec Roulers et avoue des contacts avec des clubs de D1 :  » Il a modifié sa façon de travailler, il se focalise maintenant sur des aspects physiques qui n’étaient pas prioritaires dans le passé. Il a gagné en souplesse et en mobilité. Et regarde-le bien : il s’est un peu aminci.  »

Italie, États-Unis, Espagne : trois destinations de Vincent Kompany. Ni pour des vacances, ni pour jouer au foot. Mais pour se soigner. Il avait lui-même posté un film en février de l’année passée. On le voyait prendre l’avion pour l’Italie puis pour Los Angeles en compagnie d’un kiné de City. Au programme : piscine, bain à bulles, engins de torture (avec cette punchline en plein effort :  » L’animal est toujours enchaîné mais plus pour longtemps « ), coups de pied violents dans des sacs de frappe, séances de jongle avec un ballon de rugby,…

Ramon Cugat, le docteur-miracle

Mais la principale explication de sa nouvelle robustesse est surtout à chercher du côté de Barcelone. Ce n’est pas courant que des médecins de très haut niveau s’expriment dans la presse. Mais Ramón Cugat le fait volontiers. Sa vie et son répertoire de clients prestigieux ont basculé à la fin des années 90 quand il s’est occupé de Pep Guardiola, qui allait de rechute en rechute. Le diagnostic de Cugat s’opposait à ceux des… 21 spécialistes mandatés par le Barça. Il a envoyé Guardiola chez un chirurgien finlandais qui l’a opéré. L’actuel coach de City a déclaré que cette opération avait prolongé sa carrière d’au moins sept saisons.

Cugat est devenu une sommité mondiale. Et donc, le coach a logiquement conseillé à Vincent Kompany de se faire soigner chez lui. Mais il a quand même eu de nouveaux bobos depuis qu’il va là-bas. Le quadriceps (qui lui a fait rater l’EURO), le genou, l’aine, etc. So what ? Sur le coup, son père remonte au créneau.  » Vous appelez donc ça des blessures dues à sa soi-disant fragilité ? Les deux dernières ont été provoquées par des chocs avec des coéquipiers. Tout le monde a quand même bien vu sa grosse collision avec Claudio Bravo au mois de novembre ? C’est ça qui lui a abîmé le genou. Plus récemment, il s’est fait mal quand un coéquipier l’a heurté à l’entraînement.  »

 » Ses problèmes physiques ne sont pas incurables  »

Retour à Ramón Cugat. Il lève un coin du voile sur son patient anglais qui se serait assagi. En décembre dernier, il déclarait à un journal flamand :  » Ses problèmes physiques ne sont pas incurables. J’ai analysé la liste des blessures qu’il a subies au cours des dernières années. Il y a cinq, six, sept ou huit lésions musculaires. C’est beaucoup. J’ai essayé de lui expliquer comment il pouvait en éviter certaines. Je lui ai surtout fait comprendre qu’il devait apprendre à être patient dans ses phases de rééducation.  »

Sa décision de déclarer forfait au tout dernier moment, avant le match de novembre 2016 contre les Pays-Bas, serait le signe que le message du toubib catalan a été compris. Un témoin de la scène a dit à l’époque :  » Il n’était pas tiraillé par la douleur. C’est l’angoisse de la rechute qui l’a emporté sur son désir de montrer qu’il était pleinement de retour chez les Diables. Il n’a pas voulu se planter et continuer à nourrir son image de joueur éternellement sur la touche.  »

Aujourd’hui, c’est tout le clan qui savoure le retour au premier plan. Le frère et le père ont du mal à le cacher.  » Vincent ne doutait pas, il sentait que son corps allait de mieux en mieux, réagissait de mieux en mieux « , témoigne François Kompany.  » Quand il y a des critiques et quand ça dure quelques semaines ou quelques mois, il peut comprendre et accepter. Mais là, ça fait bientôt deux ans qu’on se posait plein de questions sur son futur. Aujourd’hui, son plus grand plaisir est d’avoir mis tout le monde d’accord en Angleterre. On a dit et écrit que sa carrière était finie. Je peux te dire qu’il savoure. Il a fait taire les mauvaises langues et son prochain objectif est de faire la même chose en Belgique, en rejouant avec les Diables.  »

Prendre la vie du bon côté

 » Vous me demandez le bonheur que j’éprouve aujourd’hui en le revoyant sur les terrains ? « , lâche le paternel.  » Vous ne m’interrogez pas sur la tristesse que j’ai ressentie quand il ne jouait pas ? Mais ne croyez pas non plus que je sois passé subitement du déplaisir au plaisir. Parce que, dans la famille, on sait relativiser. Les Kompany prennent la vie du bon côté. Mon fils est assez grand pour savoir qu’une vie d’homme ne se résume pas à des matches de foot, à des victoires, à des défaites. Sa famille, ses enfants, c’est tellement plus important pour lui. Il passe énormément de temps avec ses enfants, de sept ans à un an et demi. Et le foot, il le prend comme un jeu.  »

Pierre Kompany dévie alors sur une ex-tenniswoman et sa propre carrière politique…  » Tous les articles de presse négatifs sur ses blessures nous ont rappelé ce qu’on a écrit sur Kim Clijsters pendant plusieurs années. Et quand je vous parle d’acharnement, de plaisir à critiquer les Kompany… Vous vous souvenez du bug du système de vote électronique à des élections où je me présentais ? On a d’abord cru que j’avais fait un mauvais score. Et on a titré, en grand : -Le père de Vincent Kompany a échoué. Le lendemain, on s’est rendu compte du bug et j’ai obtenu beaucoup de voix en plus. Là, on a écrit, en petit : -Le père de qui on sait a réussi ses élections. Le père de qui on sait… C’est révélateur, non ?  »

 » Kompany est un défenseur central exceptionnel  »

Point presse de presque fin de saison à Manchester. Pep Guardiola est un peu énervé. Il balance :  » Combien de fois j’ai déjà dû répondre à des questions sur l’avenir de Sergio Aguëro et de Vincent Kompany à City ? Dix fois ? Quinze fois peut-être ? Que ce soit clair : Agüero et Kompany sont des joueurs de City et ils seront toujours à City la saison prochaine. On est si contents de Kompany. Il vient de jouer huit ou neuf matches d’affilée, presque tous des matches complets. Et on a à nouveau vu des trucs spéciaux de lui. Je peux imaginer qu’il a apporté quelque chose de très spécial quand City a gagné le championnat avec lui. Je pense que les deux saisons avant celle-ci, quand il était tout le temps blessé, il manquait quelque chose à Manuel Pellegrini. Evidemment. Parce que Kompany est un défenseur central exceptionnel.  »

La fin d’une rumeur persistante, donc. On a pu lire qu’il n’avait plus d’avenir à Manchester. Fin mars, le Manchester Evening News lui consacrait un long papier. En titre XXL : Le rôle le plus important de Vincent Kompany pour Man City n’est plus sur le terrain. Le journaliste expliquait : Ces derniers temps, il est plus devenu une mascotte qui voyage et un cheerleader sapé comme un prince qu’un roc dans la défense. Et il extrapolait : C’est dans un studio de télé qu’il doit envisager son avenir. C’est un paysage dominé par des anciens joueurs de Manchester United, Liverpool et Arsenal. On voit Gary Neville, Paul Scholes, Roy Keane, Rio Ferdinand, Ryan Giggs, Phil Neville, Jamie Redknapp, Graeme Souness, Ian Wright, Thierry Henry. Et il y a qui pour représenter City ? Richard Dunne et Shay Given. Avec tout notre respect, on ne parle pas de la même chose (…) En plus, si Kompany décidait de se reconvertir dès maintenant en consultant, il ferait un grand plaisir à Pep Guardiola.

Mais ça, donc, c’était avant. Juste avant son retour aux affaires. Avant la mise au point du coach…

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire