Grains DE CAFÉ

Pierre Bilic

Le petit dribbleur brésilien est chargé de torréfier le jeu de son équipe.

Son sourire valait toutes les tasses de moka de son pays à l’issue du voyage des Liégeois au Lierse. Wamberto ne changera jamais. Rien n’aura raison de sa foi et de sa confiance. Ses mots sont un élixir de vie et d’optimisme.

 » C’est un bon match nul « , dit-il.  » Tout ne sera pas parfait tout de suite, mais il y a du talent à revendre dans ce groupe « . Pour la relance du championnat, les Liégeois ont donc rangé un point dans leur coffre. Ce petit capital ne fut pas acquis dans la facilité. Après le repos, reculant trop, les Liégeois ont souffert devant leur grand rectangle.

La défense plia devant l’attentif Vedran Runje. On ne remplace pas une paire bien rodée, Joseph EnakarhireGonzalo Sorondo, en un match. Le piège du hors-jeu ne fut pas toujours tendu avec bonheur. L’expérimenté Eric Deflandre a bien bloqué son couloir et les choses devraient se mettre en place avec Ogushi Onyewu, IvicaDragutinovic et Gonzague Vandooren. Ils ont besoin de temps mais leurs potentialités (métier, présence, taille, engagement, talent) sautent aux yeux.

La ligne médiane en eut plein les bottes après le repos avant que la montée au jeu de Miljenko Mumlek puis de Karel Geeraerts ne lui fasse du bien. Si Mohammed Tchite fut actif pour ses débuts en D1 et signa un but sur service de Michel Garbini, le bastion offensif fut trop pâle. Sambegou Bangoura n’a pas touché valablement un ballon. On ne reconnaît plus l’ancien buteur de Lokeren. Alexandros Kaklamanos hérita d’une occasion de but en bout de course mais la production offensive ne fut pas suffisante après le repos. Aujourd’hui, c’est ce secteur, orphelin d’ Emile Mpenza, qui inquiète le plus. A revoir avant la visite de Charleroi au pied des hauts fourneaux de Sclessin.

Dominique D’Onofrio a du pain sur la planche mais n’est-ce pas normal quand le noyau est chamboulé à ce point juste avant le début de la saison ? Cela dit, les groupes les plus stables, celui d’Anderlecht et celui de Bruges, ont été grillés ou tenus en échec à Mouscron ou à Beveren. Tout est donc assez relatif, surtout les études d’avant saison. Ne rigolait-on pas de Beveren alors que Bruges, emmené par Bosko Balaban, cassait la baraque au deuxième tour préliminaire de la Ligue des Champions face aux Bulgares de Plovdiv ?

 » Tout ira en s’améliorant  »

 » Je suis assez satisfait du déroulement de cette rencontre « , analyse Wamberto.  » Au Lierse, on a constaté des progrès sensibles par rapport à notre match de gala face à Wolfsburg. Ce ne fut pas toujours évident mais nous avons fait preuve de caractère durant l’orage. Les mécanismes se mettent en place. Nous nous connaissons de mieux en mieux. Tout ira en s’améliorant. J’ai entamé le match à droite où se poste généralement Jonathan Walasiak. En fin de deuxième mi-temps, j’ai avancé d’un cran. J’ai cru que nous allions repartir avec les trois points. Après la défaite d’Anderlecht et le match nul de Bruges à Beveren, le Standard pouvait réaliser une très bonne affaire. Un match nul en déplacement, ce n’est cependant pas négligeable. Ce fut un débat très engagé. J’ai moi-même hérité d’une carte jaune. L’équipe s’est bien battue. Elle est volontaire et s’améliorera très vite en profondeur. Vous verrez, il faudra compter avec nous « .

A 29 ans, Wamberto de Jesus Sousa Campos a patiemment torréfié ses grains de classe à Seraing, au Standard, à l’Ajax Amsterdam et à Mons. La défunte saison au pays des Dragons ne fut pas de tout repos. L’homme n’avait plus l’habitude de lutter, le couteau entre les dents, afin d’échapper aux piranhas et à la D2. Même la dernière saison à Seraing, en 1995-1996, fut plus cool malgré les ennuis financiers qui coulèrent finalement le club du regretté Gérald Blaton.

 » Mon passage à Mons a cependant été très intéressant, important même, pour la suite de mon parcours sportif « , avance-t-il.  » Je ne jouais plus depuis un petit bout de temps en Hollande. Il fallait que je donne un nouvel élan à ma carrière. L’offre de Mons est tombée au bon moment. Je connaissais la situation du club : présence tout en bas du tableau, nombreux transferts, équipe à recomposer sur le plan tactique. Ce n’est jamais facile mais j’ai perçu des ondes positives en rencontrant la direction de Mons. Le président est ambitieux. Il bâtit un stade moderne, a de la suite dans les idées pour son équipe, etc « .

Tout ne fut cependant pas rose. Sergio Brio avait opté pour un style de jeu digne du béton des cimenteries d’Obourg. En cas de problème, le technicien italien pourra s’y recycler sans problème. Les barrages et le béton armé, il connaît.  » Avec le recul, il faut bien se dire qu’il était impossible de procéder autrement « , affirme Wamberto.  » J’avais une mission : aider Mons à se tirer de ce mauvais pas. Ce fut stressant car le sauvetage fut plus d’une fois une quasi-certitude mais ne fut réalité qu’à une journée de la fin. Le groupe a évidemment souffert durant ces épreuves. Quand on en est là, la solution passe aussi par de sévères mesures de précaution en défense. Ce n’est pas agréable et je préfère évidemment un autre football. Il m’est aussi arrivé de pester. Mons avait tiré deux rideaux défensifs et je faisais office de relais entre la ligne médiane et Jari Niemi, seul en pointe. Il n’ y avait pas d’autres possibilités. Les ballons étaient catapultés au plus vite vers notre attaquant finlandais. Quand je le pouvais, je tentais de lui offrir des ballons plus étudiés. Enfin, j’étais également chargé d’émerger et de frapper de la deuxième ligne. Je n’avais jamais évolué dans un tel système tactique. Il est toujours intéressant de vivre autre chose. J’en sors plus fort, heureux d’avoir aidé des gens qui m’ont fait confiance et, plus personnellement, totalement relancé « .

 » Mons ne connaîtra plus les affres de la descente  »

Comme d’autres, Wamberto aura certainement haussé les épaules en vivant sous le joug de Sergio Brio. Charge de travail à la grecque, occupation de terrain au retsina, engagement à la Otto (ritaire) Rehhagel : même si cela a souri aux Dragons et aux vainqueurs de l’EURO 2004, cette philosophie ne devait pas plaire à un esthète du football. Un vainqueur du Prix d’Amérique ne peut pas rester longtemps dans une écurie spécialisée dans le débardage de forêts ardennaises.

 » J’avais pris la décision de changer d’air « , avance Wamberto.  » Je ne voulais plus vivre avec le stress de la lutte pour le maintien. J’espérais retrouver les hautes sphères du classement, de préférence en Belgique, même si j’avais des offres en Hollande. Je connais le football belge et j’étais certain, comme ce fut le cas à Mons, de m’éviter toute période de transition. Mais, cela dit, il ne m’aurait pas déplu de rester à Mons. J’y ai repris les entraînements en y découvrant un noyau bourré de qualités. Mon ancien club ne connaîtra plus les affres de la descente. Mons présentera un visage différent, très attractif, j’en suis persuadé « .

Dès le mois d’avril, Genk fit le pied de grue au Stade Tondreau dans l’espoir d’acquérir les services du magicien brésilien. Ce dernier chargea son agent, Roger Henrotay, de suivre ce dossier durant les vacances. L’affaire était quasiment dans le sac. Les Liégeois attendaient leur heure, comme des lions patientent avant que leur proie ne s’approche d’eux dans la savane. L’intérêt des Limbourgeois fut même aiguisé par la possibilité d’un échange de joueurs : Cédric Roussel à Mons, Wamberto au Fenix Stadion. Poussé dans le dos par des rapaces des temps modernes et un club de Genk avide de billets, le puissant Cédric opta pour un paquet de roubles et une aventure sportive incertaine en Russie. Pour l’argent, certains marchands du temple seraient même capables d’envoyer des joueurs en Tchétchénie ou au FC Dollars de Fricland. Cédric Roussel a quitté le Limbourg mais n’est pas à Groznyï, heureusement pour lui, et Wamberto n’a pas pris le chemin du Limbourg.

 » Il y a eu une relance de l’intérêt limbourgeois mais j’avais décidé de me concentrer sur mon football « , dit-il.  » Genk est une club stable, populaire et qui lutte régulièrement dans les hautes sphères du classement général. N’entendant plus rien, j’ai pris part au stage de Mons en Italie. Mais quand le Standard se mêla au débat, le ton changea tout de suite. Cet intérêt me fit un plaisir fou. J’ai rencontré Luciano D’Onofrio, MichelPreud’homme, Pierre François et l’affaire fut conclue en un jour « . Le Standard avait mis à profit l’inertie limbourgeoise.

Une flamme avait suffi à raviver l’histoire d’amour entre l’artiste brésilien et la région liégeoise. Il n’oubliera jamais les belles années vécues à Seraing et la saison passée au Standard sous la gouverne de Jos Daerden.  » Je suis attaché sentimentalement à cette région « , avance-t-il.  » J’avais 16 ans au moment de mon arrivée au Pairay. L’accueil y fut phénoménal. Je suis repassé par là il y a quelques jours. J’ai revu des visages connus, que j’aimais bien, et la fameuse maison des Brésiliens. Cela m’a touché. Cette chaleur liégeoise a été à la base de notre réussite. Beaucoup de joueurs brésiliens prennent le chemin de l’Europe pour donner un autre élan à leur carrière, échapper à leurs problèmes et aider leurs familles. Il y a un talent fou chez nous mais cela peut parfois tourner au drame. Des scouts peu scrupuleux expédient parfois n’importe quel jeune en Europe. A Mons, dernièrement, un jeune joueur brésilien a passé des tests. Il avait peur du nouveau. C’était un déracinement incompréhensible et inhumain. Je lui ai conseillé de rentrer au Brésil. Il a préféré continuer sa route vers la France et a de gros ennuis. Sa vie ne sera pas facile « .

 » J’ai corsé mon jeu  »

En 1993, Seraing épata la galerie. Les Métallos luttèrent pour le titre, arrachèrent un ticket pour la Coupe de l’UEFA. Le football de la D1 belge a-t-il beaucoup changé par rapport à cette époque ?  » Tout a changé, pas seulement en Belgique « , explique-t-il.  » Il y a dix ans, chaque équipe avait un ou deux récupérateurs. A Seraing, Manu Karagiannis et Olivier Doll étaient des spécialistes en la matière. Ils ratissaient au profit d’une équipe bien balancée, belle sur le plan technique. Seraing avait la taille champion. Aujourd’hui, tout le monde doit défendre. L’engagement est total de la première à la dernière minute d’un match. Ce sont des combats. Le jeu était plus technique en 1993. Je me suis adapté. J’ai moi aussi corsé mon jeu. Quand un gamin montre le bout du nez, il est immédiatement repéré par des clubs étrangers. J’ai l’impression que le talent n’a plus le temps de mûrir en Belgique. C’est dommage pour le niveau général de la D1 « .

Wamberto installera bientôt son bonheur familial à Liège, près du Sart-Tilman. Danilo, son fils de 14 ans, restera à Amsterdam. Le gamin est un footballeur plus que prometteur et les Hollandais avaient envie de le garder. Le talent, c’est tellement précieux. Wamberto l’a cultivé, entretenu, travaillé. Sa maturité saute aux yeux. A 29 ans, Wambi, souriant, simple et confiant, sait où il va : avec lui, le Standard a ajouté de beaux grains de café brésilien dans son jeu.

Pierre Bilic

 » J’ai l’impression que LE TALENT N’A PLUS LE TEMPS DE MÛRIR en Belgique  »

 » Quand le Standard se mêla au débat, le ton changea tout de suite et L’AFFAIRE FUT CONCLUE EN UN JOUR  »

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