Goulash indigeste

Trois matches, un point. On attend toujours la recette miracle à Charleroi…

S hit game ! Un match de merde ! Ce sont les mots que marmonne Csaba Laszlo en salle de presse en observant l’écran TV qui montre les résultats de samedi soir. Charleroi battu par Lokeren, Eupen qui gagne, le Lierse qui prend un point. A nouveau une sale opération pour les Zèbres de l’entraîneur hongrois. On attend toujours le choc psychologique : depuis que Jacky Mathijssen a été viré, Charleroi n’a pris qu’un point sur 12 (deux défaites et un nul pour Laszlo, après une défaite pour TiborBalog) et s’enfonce de plus en plus au classement. La mort rôde au Mambourg : à peine 5.000 spectateurs, aucune ambiance à part les traditionnels  » Abbas Bayat, casse-toi  » et un Mogi dont la réussite récente aux examens d’agent de joueur confirme qu’il se prépare à une nouvelle vie.

Laszlo n’a pas changé grand-chose

On commence par la note optimiste. L’entraîneur de Lokeren nous confie après le match qu’il reste assez confiant pour Charleroi.  » Moi, je vois quand même de la qualité dans cette équipe « , dit Peter Maes.  » Hernan Losada est bon, j’ai aussi aimé les médians défensifs, Peter Franquart et Onur Kaya. Il ne reste plus qu’à former un collectif et à forcer un déclic.  »

Mais cet optimisme est balayé par Laszlo. Pour lui, aucune des deux équipes ne méritait de gagner ce match qui ne valait rien.  » Trois tirs au but et trois goals, on ne peut pas dire que ce fut grandiose. Mon équipe m’avait bien plu à Zulte Waregem, pas ce soir. Nous essayons de jouer au foot mais nous ne marquons pas. Et nous faisons des erreurs inacceptables. L’équipe est jeune et il faut absolument des renforts. Nous devons déjà penser au mercato d’hiver. Par exemple, nous n’avons pas d’attaquants capables de mettre des ballons au fond. Je ne peux pas reprocher à mes joueurs de ne pas travailler assez, tout le monde fait ce qu’il peut mais il manque de la confiance et un peu de chance. Ça se force, la chance, ça ne tombe pas du ciel. « 

La collaboration entre Laszlo et ses joueurs est bonne. Ils ne se plaignent ni de ses méthodes, ni de son caractère exigeant, ni de ses colères occasionnelles. Sur le terrain, il n’a rien révolutionné. Il a conservé le système utilisé le plus souvent par Mathijssen : plus un 4-5-1 qu’un 4-3-3 (voir encadré). Comme le Limbourgeois, il a essayé les deux backs droits potentiels mais Hervé Kage et Eitan Tibi n’arrêtent pas de démontrer qu’ils sont trop courts. Le rôle crucial de Losada n’a pas changé : il est toujours aligné en soutien de l’unique attaquant de pointe. Et comme Mathijssen, Laszlo fait tourner en attaque mais ne trouve pas la solution : Charleroi n’a marqué que sept fois en 11 matches. Depuis deux rencontres, c’est le Finlandais Hermanni Vuorinen qui est titularisé : il a enfin marqué contre Lokeren mais n’impressionne toujours pas. Moussa Gueye était déjà un peu juste pour la D2 quand il était à Mons. Adekanmi Olufade reste un éternel blessé. John Tshibumbu n’est toujours pas sorti de l’ombre. Et Orlando n’impressionne que par ses chaussures roses. Mathijssen a encore pu compter sur Cyril Théréau jusqu’à la fin du mois d’août : un joueur toujours susceptible de débloquer un match. Laszlo n’a personne pour le faire. On le comprend parfaitement quand il évoque déjà le mercato de janvier. Si le vestiaire a été  » assaini « , comme la direction l’a plusieurs fois signalé pendant l’été, Charleroi a clairement perdu de la qualité, n’a pas un vrai buteur comme le Lierse ( Wesley Sonck) ou un génie à la baguette comme Eupen ( Matthias Lepiller).

Balog, son patron et les gonzesses

La première partie de l’£uvre de Laszlo : c’est Balog, son adjoint, qui devrait être le mieux placé pour en parler. Mais il ne se jette pas à l’eau :  » Quand tu es depuis trois semaines avec une gonzesse, tu ne peux pas dire que tu la connais déjà très bien… « 

Souvent explosif sur le bord du terrain en Ecosse, Laszlo est d’un calme olympien depuis qu’il est à Charleroi. Et il mène une vie rangée en dehors du stade. Pour le moment, il vit toujours dans un hôtel du centre-ville et il en sort rarement. Il déménagera bientôt : il cherche un logement dans la région de Nivelles. Le week-end dernier, il a reçu la visite de sa femme et de ses deux filles, qui résident toujours en Ecosse. Dès qu’il enfile son training, Laszlo est un perfectionniste. C’est lui qui a décidé que tous les entraînements auraient désormais lieu sur le site de l’Union belge à Tubize. L’état des terrains de Marcinelle ne lui plaît pas, il est encore allé y jeter un £il la semaine dernière mais estime que les surfaces ne sont pas encore assez bonnes. A Tubize, il veut isoler son groupe. Il refuse que la presse vienne interroger les joueurs à la sortie de l’entraînement, il accepte seulement une présence d’un quart d’heure en début de séance, ensuite tout le monde doit dégager.

Van Meir n’a pas encore vu de griffe Laszlo

Le soir de la raclée contre le Club Bruges, Eric Van Meir, tout nouvel entraîneur du Lierse, était au Mambourg pour y prendre des notes. Une semaine plus tard, son équipe affrontait Charleroi avec Laszlo aux commandes.  » Je n’ai pas vu d’amélioration dans le jeu du Sporting mais on ne pouvait pas accuser le nouveau coach puisqu’il avait débarqué le jeudi. C’est impossible d’imprimer sa griffe sur une équipe en aussi peu de temps.  »

Le Lierse a profité de cette période de flottement et s’est imposé 0-1.  » Mais c’était un match archi mauvais, dans les deux camps « , dit Van Meir.  » Il n’y a pratiquement pas eu d’occasions et nous avons eu le mérite de marquer sur une de nos rares actions un peu dangereuses. Il y avait sans doute un peu plus d’envie, plus de caractère dans mon équipe. Aussi bien contre nous que face à Bruges, j’ai vu un point commun dans l’équipe de Charleroi : elle a un gros problème dans son stade. Les joueurs ont peur de mal faire, et donc, ils n’essayent pas grand-chose. Comme par hasard, le Sporting a été meilleur dans le match suivant, à Zulte Waregem. Il y avait plus d’audace, il a pris plus d’initiatives. Je pense que le maintien de Charleroi passera par les matches en déplacement. C’est le monde à l’envers car j’ai connu la période où ce club prenait la plupart de ses points à domicile. De mon temps, chaque match au Mambourg était un enfer pour les adversaires. Aujourd’hui, c’est l’enfer pour les Zèbres. « 

Van Meir prévoit que Charleroi devra se battre toute la saison pour éviter la culbute en D2.  » Ça va se jouer entre Eupen, Saint-Trond, Charleroi et le Lierse. Charleroi a intérêt à pouvoir compter sur un Losada et un Ederson en forme car ce sont les deux joueurs-clés. Ils étaient absents contre Bruges et ça explique en bonne partie la déroute : ça aurait pu se terminer sur un 0-10. Après ça, le Sporting a eu deux matches en une semaine et je crois que ses défaites au Standard et contre nous découlaient un peu de cette claque. Ce n’est pas facile de tourner très vite le bouton quand on a été aussi mauvais. Et Mathijssen avait été mis à la porte juste après le match, dans des conditions surréalistes, ce qui a rendu la soirée encore plus particulière pour les joueurs.  »

Les raisons d’y croire ?  » On ne peut pas dire qu’il y ait un énorme point faible dans l’équipe. Je pensais que la blessure de Cyprien Baguette allait compliquer encore un peu plus la mission du Sporting, mais Kevin De Wolf a bien fait son boulot. La première chose à faire, c’est organiser la défense car elle prend beaucoup trop de buts. Après cela, la confiance devrait revenir.  »

Laszlo a amené son préparateur physique

Tom Ritchie est un préparateur physique qui vient de passer quatre ans à Hearts, où Laszlo l’a rencontré. Ritchie venait de s’engager dans un autre club écossais : Raith Rovers. Mais il est parti après seulement trois matches : il n’avait qu’un contrat à temps partiel là-bas et la direction lui avait promis qu’il pourrait s’en aller si on lui proposait un temps plein ailleurs. Laszlo l’a recommandé au Sporting et il a signé la semaine dernière.

La victime est Dominique Henin, qui en était à sa troisième saison comme coach physique des Zèbres. Son licenciement, il l’avait senti venir. Ritchie avait débarqué  » pour donner un coup de main  » mais Henin s’était directement retrouvé à la tête des blessés. Il a été dégagé la semaine dernière et ne veut pas trop s’exprimer pour le moment car il a remis le dossier dans les mains d’un conseiller juridique.

Csaba Laszlo et Tom Ritchie ont su convaincre Abbas Bayat que les joueurs étaient mal préparés et qu’ils avaient besoin d’un préparateur physique plus compétent. Pour eux, les Zèbres ne sont qu’à 60 ou 70 % de leur potentiel. Ils ont fait remarquer au président que les buts encaissés en fin de match au Germinal Beerschot et à Zulte Waregem s’expliquaient par un effondrement physique. Il faut seulement ajouter que ces buts découlaient surtout de grosses floches individuelles des gardiens. Et que Charleroi a fait plusieurs fois la différence en fin de match depuis le début de la saison : au Cercle Bruges, contre Eupen. Les Zèbres ont aussi fait douter le Standard dans les dernières minutes du derby. Henin a pris les critiques en pleine figure, il ne comprend pas cette analyse tronquée qui ne repose sur aucun fondement scientifique mais seulement sur le feeling de deux hommes à peine arrivés.

Il a reçu plusieurs messages de sympathie de préparateurs physiques de D1, outrés par le comportement d’Abbas Bayat. Et dire qu’il y a deux mois, on lui avait proposé de transformer son contrat part-time en full-time ! Il avait refusé car il ne voulait pas quitter son boulot principal à Charleroi Sports Santé, un organisme qui travaille en collaboration avec des hôpitaux de la ville. Charleroi Sports Santé met une panoplie de spécialistes à la disposition des Zèbres : un diététicien, un podologue, un thérapeute manuel, un psychologue, etc. Qu’il le veuille ou non, c’est Laszlo qui a eu la peau de Henin. Mais quand un journaliste a voulu évoquer le sujet avec lui, la semaine passée, le Hongrois s’est directement fermé et a fait comprendre qu’il fallait vite passer à un autre sujet de conversation.

PAR PIERRE DANVOYE – photos: reporters/ gouverneur

« On n’a pas d’attaquants capables de marquer. Il faut déjà penser au mercato de janvier.  » (Csaba Laszlo) – « Jouer au Mambourg, c’est un enfer pour les Zèbres. C’est à l’extérieur qu’ils devront se sauver.  » (Eric Van Meir)

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