» Gormlie, le gentleman anglais « 

Pierre Bilic

 » La visite des Diables Rouges à Wembley me rappelle un souvenir anglais. Et il porte un nom : Bill Gormlie. Ex-gardien de but des Blackburn Rovers, du FC Northampton Town et de Lincoln City, il a marqué l’histoire de l’équipe nationale et d’Anderlecht. Avant d’arriver chez nous, ce gentleman s’occupa de la condition physique des élèves de plusieurs académies militaires. Chez nous, il lança l’école des entraîneurs du Heysel. Tout le monde haussa les épaules quand Dick Advocaat se multiplia entre les Diables Rouges et AZ Alkmaar : c’est insensé de nos jours, même si, récemment, Michel Preud’homme se serait bien vu, dit-on, à la barre du navire de l’avenue Houba de Strooper sans lâcher celle d’Al Shabab.

Bien avant lui, Gormlie a réussi la gageure de réussir sur deux fronts belges : équipe nationale entre 1947 et 1953, Anderlecht de 1950 à 1960. Cela signifie que l’Anglais dirigea en même temps les Diables et Anderlecht pendant trois ans. En 10 ans au Parc Astrid, il aligna cinq titres de champion : 1951, 1954, 1955, 1956, 1959. C’était la grande époque d’un avant-centre de légende, Jef Mermans. Elégant et cultivé, Gormlie faisait l’unanimité auprès de ses joueurs. Avec lui, ce n’était pas compliqué, Anderlecht devait marquer plus de buts que son adversaire. -Coach, only one goal more than the others ?, lui demandait Marcel Decorte qui s’est souvenu de cette anecdote dans un livre signé par Serge Trimpont ( Anderlecht, 20 couronnes sous la loupe). Gormlie répondait inlassablement avant chaque coup d’envoi : – Yes, Marcel, it’s enough.

Gormlie était un apôtre du WM mais il ne cherchait jamais à bourrer les têtes de directives et autres graphiques. Malgré son énorme savoir-faire, son premier désir consistait à créer un groupe d’amis : Gormlie n’avait pas la prétention de leur apprendre à jouer au foot. Cette simplicité constituait un de ses grands secrets. Il s’inquiétait parfois de l’un ou l’autre détail défensif mais ne confiait quasiment jamais de missions précises à ses attaquants. Pour lui, ils faisaient partie de la race des artistes d’instinct qu’on ne peut pas enfermer dans un carcan.

Le coach anglais n’arrêtait jamais : il gérait aussi un magasin d’articles de sports rue Saint-Guidon et entraînait même les jeunes du Sporting. J’ai eu la chance de bénéficier de ses conseils en Scolaires et Juniors. En 1960, il s’est effacé après une série de sept défaites. Une époque se terminait : celle de Gormlie (1911-1976) mais aussi celle du WM. « 

PIERRE BILIC

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