Gilles de Bruxelles

Il a vécu une une quinzaine de rêve aux tournois du Queens et de Rosmalen.

Fils de Gilbert Elseneer, ancien joueur de première série et directeur du Tennis-Club de Belgique, situé en plein coeur de Bruxelles, Gilles Elseneer vient de réussir deux tournois magnifiques au Queens et à Rosmalen.

Comment expliquez-vous, un peu à froid, ce qui s’est passé lors des deux dernières semaines?

Gilles Elseneer: J’ai toujours assez bien joué sur gazon. Même quand je ne suis pas en grande confiance, je suis toujours difficile à battre sur cette surface car je dispose d’un grand service et d’une grande volée. Enfin, disons plutôt un assez bon service et une assez bonne volée. Je me suis dès lors qualifié au Queens mais sans vraiment super bien jouer. Le déclic s’est vraiment passé lorsque, au Queens toujours, je me suis entraîné à côté de Lleyton Hewitt. Je l’ai regardé et je ne parvenais pas à comprendre pourquoi il y avait une telle différence de classement entre nous. Je n’étais pas vraiment impressionné alors qu’il est tout de même dans le Top 10. Beaucoup d’entraîneurs -comme Bollettieri ou Loth- m’avaient bien dit qu’ils trouvaient que mon jeu devait me mener plus haut mais je n’en étais pas encore convaincu.

Ce n’était pourtant pas la première fois que vous pouviez voir un grand joueur?

Non, mais c’était la première fois que je jouais juste à côté d’un tel compétiteur. D’habitude, je ne participe pas aux mêmes tournois que les meilleurs mondiaux et je n’avais donc pas eu l’occasion de réaliser que la différence n’est pas si grande que ce que je pensais.

Vous aviez déjà eu l’occasion de croiser la raquette avec des Rochus ou Malisse mais, là, vous n’aviez pas eu de déclic?

Non, pas vraiment, il fallait que ce soit vraiment un grand joueur pour que je me rende compte de mes capacités. On me disait toujours que Malisse et Rochus étaient des grands talents et je me contentais de ces explications. Par contre, Hewitt, on ne peut pas dire que ce soit un talent pur mais, à force de travail et de constance, il a réussi. Mon père m’a dit de regarder Lleyton et de comparer la vitesse de sa balle et la mienne et j’ai en effet constaté qu’elles étaient presque identiques.

Votre jeu est basé sur un grand service et une grande volée qui sont très efficaces sur gazon. Est-ce que, sur cette surface, les différences entre les joueurs de niveaux différents sont gommées plus qu’ailleurs?

Disons que c’est clair qu’il s’agit d’un autre jeu mais, même sur terre battue, j’ai réussi de très bons résultats puisque j’ai perdu trois fois 6-4 au troisième face à des Top 100. Mais c’est vrai que, sur gazon, je suis difficile à battre alors que sur une surface plus lente, je suis plus vulnérable. Pourtant, quand j’étais plus jeune, je jouais assez bien sur terre battue mais comme tout le monde me disait que j’étais plutôt fait pour jouer sur rapide, j’ai commencé à perdre ma confiance.

Vous venez de passer quinze jours de rêve ou bien doit-on dire que votre carrière a vraiment commencé?

Je travaille depuis très longtemps pour obtenir de très bons résultats mais je n’ai pas eu beaucoup de chance dans ma vie. Je ne veux pas commencer à parler de cela mais je n’ai vraiment pas été gâté au niveau des grosses blessures. Je n’avais donc aucun résultat vraiment frappant à mon palmarès. Donc, ces quinze jours constituent effectivement un rêve mais je l’attendais depuis si longtemps que je pense qu’il est logique que ce soit arrivé. Sans être prétentieux, je pense qu’il est normal que je sois enfin récompensé.

Comment conserve-t-on sa motivation lorsque l’on s’appelle Gilles Elseneer et que l’on suit des joueurs très médiatiques comme les Rochus, Malisse, Clijsters ou Henin?

Moi, j’ai toujours adoré le tennis et, d’un côté, grâce à ces joueurs qui ont tracé le chemin, j’ai continué à y croire. Ils m’ont montré que c’était possible. Evidemment, c’est un peu frustrant de les voir enregistrer de grands résultats lorsque je suis blessé mais, dans l’ensemble, cela me donne de l’énergie pour la suite.

Y a-t-il une sorte de jalousie qui s’installe?

Non, vraiment pas car je sais que, eux aussi, ont dû énormément travailler pour y arriver. Je trouve au contraire que l’on doit encore davantage parler d’eux.

Cela étant, vous n’avez jamais été beaucoup aidé par les ligues et vous pourriez ressentir une sorte de ras-le-bol?

C’est vrai que j’ai toujours tout fait par moi-même et que, financièrement, je n’ai jamais été beaucoup aidé et je tire donc davantage de fierté de cet état de fait. Il n’y a pas vraiment de frustration. Il faut savoir aussi que j’ai toujours refusé d’aller à la fédération. Chaque année, on me proposait de rejoindre la fédé mais je préférais m’entraîner avec mon père. Il s’agissait d’un choix et je verrai après ma carrière s’il était positif ou négatif. Ce que je peux ajouter, c’est qu’il y a des dizaines de jeunes moins bons que moi qui ont rejoint la fédé et qui, aujourd’hui, ne sont nulle part.

Comment allez-vous gérer votre avenir après cette quinzaine dorée?

Ce qui va changer, c’est que les gens vont commencer tout doucement à savoir plus ou moins qui est Gilles Elseneer mais je ne crois pas pour autant que cela va me monter à la tête. Ce n’est qu’un début. Après tout, je ne suis que 320e joueur mondial. Il s’agit d’un tremplin mais je n’ai strictement rien prouvé et le chemin qui me reste à parcourir est énorme.

Elseneer va rester le même mais le grand public ne vous connaît pas. Comment vous présenteriez-vous à nos lecteurs?

En fait, je suis une personne assez généreuse, avec un grand coeur. J’ai beaucoup de difficultés à dire non. Il s’agit à la fois d’un point faible et d’un point fort mais, dans le monde du tennis, ce n’est sans doute pas une qualité car il est préférable d’être égoïste et de ne penser qu’à soi. Mais, ma vraie caractéristique, c’est que je suis fou de tennis, je ne fais que cela depuis que je suis tout petit. Ce n’est ni pour l’argent, ni pour la réputation mais juste pour le plaisir de gagner des matches.

Quel rôle a joué votre père dans votre carrière?

Sans mon père, je ne serais jamais où je suis maintenant. Il m’a formé et me connaît mieux que moi-même. Il sait quelles sont mes faiblesses et mes forces. J’ai toujours voyagé seul et dès que papa parvient à m’accompagner, c’est bingo. J’aimerais qu’il vienne plus souvent avec moi mais ce n’est pas possible pour différentes raisons. Mes résultats, c’est 1% Gilles et 99% Gilbert.

Un des principes de votre paternel a toujours été de se montrer très courtois sur le terrain.

Oui, c’est vrai. Le tennis est un ensemble. Je ne suis pas un mec qui va lancer sa raquette. Je n’ai jamais eu d’avertissement.

On peut dire que votre père était un joueur très classique. Comment a-t-il réussi à faire de vous un joueur moderne?

C’est vrai que son jeu était sans doute assez classique mais je ne connais pas un seul coach ou entraîneur qui soit plus passionné que papa. Il est un vrai fou de tennis. Il lit tous les magazines, il va à un maximum de colloques tennistiques et ne cesse de discuter avec les entraîneurs qu’il rencontre. Il suit donc son temps et je peux vous dire que si son jeu est des années 60, sa mentalité est de l’an 2020.

Un jour après votre défaite face à Hewitt, il était dès dix heures du matin sur le terrain du Tennis Club de Belgique.

Je vous ai dit qu’il était fou de tennis. Il peut parler tennis 24 heures sur 24 sans jamais être fatigué.

Depuis quelques années, vous ramez pas mal pour joindre les deux bouts et, là, vous venez de toucher des chèques un peu plus importants que d’habitude. Qu’allez-vous en faire?

Je vais tout investir dans le tennis. J’ai réalisé que je ne pourrais pas y arriver seul et je vais donc demander à Johan Van Herck de m’accompagner sur le circuit. J’aurais bien demandé à mon père ou à Koen Gonnissen mais ils sont trop occupés.

Johan n’a pourtant pas le même profil de jeu que vous?

C’est vrai mais sans être un véritable talent, il a réussi à attendre la 61e place mondiale. Ce qui veut dire qu’il a une expérience folle du circuit.

Quel est votre objectif?

En début d’année, Koen, papa et moi avions fixé le Top 150. Je crois que je suis assez bien parti et que c’est donc réalisable.

Bernard Ashed

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