GILBERT BODART EN ITALIE

Le gardien de Ravenne commente les derniers développements du football italien.

Ravenne ne paie plus ses joueurs depuis octobre. Vont-ils faire grève?

Gilbert Bodart : Nous sommes payés. Pas avec l’argent du club mais grâce à la Ligue, qui puise dans les réserves que doivent déposer les clubs avant la saison. Les joueurs sont certes fâchés que le président soit parti avec l’argent des primes. C’est pour cela que nous envisageons des actions et que nous avons discuté avec la ligue pro. Nous voulons nous retourner contre ce président et le contraindre à nous payer, sous peine de se voir intenter un procès et d’aller en prison. Ce type a empoché 120 millions. L’enquête menée après la mise en faillite a révélé qu’il a imputé cette somme, dans la comptabilité, à deux Brésiliens de seize ans qu’on n’a jamais vus et qui n’ont sans doute jamais touché un ballon. Ce que nous voulons réaliser constitue une première: montrer à des personnages de ce genre qu’ils ne peuvent agir impunément.

Comment vos actions se traduisent-elles, concrètement?

Contre Torino, nous sommes montés sur le terrain avec quelques minutes de retard. En tant que capitaine, j’ai expliqué les motifs de cette action. Si la fédération ne dépose pas plainte contre notre ancien président, nous ne disputerons tout simplement pas le prochain match. C’est ennuyeux car ça fausse le cours du championnat. Le club risque également une amende alors qu’il n’a plus d’argent. Il est dirigé par des curateurs, qui cherchent un repreneur. Ravenne est à vendre pour 150 millions. Ce n’est pas beaucoup. Le seul capital-joueurs est bien plus élevé. En plus, chaque club qui s’inscrit en D3 -ce qui sera le cas de Ravenne- reçoit déjà 180 millions, grâce aux droits TV.

Et vous?

Je regrette de devoir quitter ce club car il est agréable. Les gens y sont amicaux, les installations sont confortables et j’habite au bord de la mer. Je suis en fin de contrat et je me sens encore bien. Je suis en pleine forme. C’est pour ça que j’étais si frustré la semaine dernière. Nous avons perdu à la 92e minute de jeu. En tapant du poing sur la porte du vestiaire, je me suis blessé. J’aimerais jouer encore un an ou deux. De préférence en Italie, car mes enfants y sont scolarisés et parlent déjà bien l’italien. J’ai six propositions: de clubs de Série A, de pensionnaires de Série B qui ont la possibilité de monter et d’un club de D3 qui est déjà assuré de sa promotion et veut rejoindre l’élite en un an. Je veux être sûr de l’avenir début juillet. Je ne veux plus que les choses traînent comme l’année dernière.

Un autre gardien belge, Gillet, a des problèmes. Il est confronté à une accusation de dopage. Il n’est pas le seul, d’ailleurs…

Je ne comprends pas. Quand on est malin, on se tient à l’écart de tout ça. Surtout quand on a 21 ans et qu’on est en pleine force de l’âge. Il était bien parti, en plus, car il avait beaucoup de travail dans son équipe et pouvait s’illustrer. J’ai tendance à croire Gillet et Davids quand je les entends. D’autre part, les contre-expertises sont positives. On contrôle quatre joueurs des deux équipes à chaque match de championnat. On tire les noms au sort. Je dois y être passé six fois cette saison. L’année dernière, cinq semaines d’affilée, même. Parfois, on procède à des contrôles à l’entraînement. Je ne peux imaginer qu’on trafique les résultats de ces tests. Les coéquipiers de Gillet, contrôlés le même jour, n’ont pas été positifs, pas davantage que ceux de Davids. Ça fait réfléchir. Pour l’instant, Pagotto, un gardien qui a été condamné à deux ans de suspension pour dopage il y a deux saisons, s’entraîne avec nous. Il doit encore purger six mois. Il a eu recours à des drogues, pas pour mieux jouer mais parce que c’est un péché de jeunesse à la mode. Il le regrette amèrement. Ici, on prend ça très au sérieux. J’en veux pour preuve le fait qu’on envisage sérieusement de prononcer des peines de prison à l’encontre des joueurs confondus.

La dernière fois, vous aviez été sévère à l’égard de Roberto Baggio, qui casse pourtant la baraque dans votre ancien club.

Il doit avoir vidé une bouteille entière de nandrolone (il rit)! Je suis bien obligé de revoir mon opinion, en effet. Il s’est parfaitement ressaisi, après son conflit avec le président et l’entraîneur. Il est capable d’assurer à lui seul le maintien de Brescia en Série A. Avant, je trouvais qu’il émergeait une fois avant de connaître quatre semaines plus médiocres, mais il évolue à un très haut niveau depuis six semaines de suite et inscrit chaque fois le but décisif. On reparle de lui en équipe nationale. Il mériterait sa sélection sur base de ses performances actuelles mais la Coupe du Monde n’a lieu que dans un an.

L’AS Rome reste en pole-position pour le titre.

La Juventus devait battre l’AS Rome dimanche pour conserver une dernière chance. La Juventus a une bonne équipe mais elle manque de réalisme. Quand vous couvez l’ambition de gagner le titre, vous ne pouvez vous permettre de faire match nul 1-1 contre Lecce et de concéder un nul à Brescia dans la dernière minute de jeu. Elle a bêtement perdu quatre points. Ça n’arrive pas à l’AS Rome. Elle reste concentrée même contre les petits poucets alors que la Juventus s’appuie sur sa technique et se fait nonchalante.

L’Inter a faibli alors qu’il semblait en mesure de remonter et de s’assurer une participation à la Ligue des Champions.

Il s’y passe toujours quelque chose, sans qu’on puisse l’expliquer. Il a souvent changé d’entraîneur mais les polémiques continuent à le miner. Ce club a un problème de mentalité. Il me fait un peu penser au Standard d’autrefois. Il entame chaque saison avec de grands projets et il n’en ressort jamais rien.

Deux joueurs de Pérouse ont participé au dernier match de l’Italie. Ça vous étonne?

Avant le début du championnat, tout le monde, y compris moi, pensait que Pérouse et l’Atalanta étaient voués à la relégation. Ils constituent des révélations. Pérouse a l’avantage d’avoir un excellent entraîneur, inconnu mais tactiquement très fort. La sélection de deux éléments de Pérouse est révélatrice de la nouvelle politique suivie en équipe nationale. Avant, l’Italie faisait toujours appel aux mêmes. Trapattoni a compris que le football italien était plus riche qu’on ne le pensait. (G. Foutré)

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