Germinal Bordel d’Anvers

De Boeck, Verhaegen, Snelders, Kesters, Vanoppen, Mathijssen :tout ce qu’il faut savoir pour comprendre un club incompréhensible.

Germinal Beerschot : club anversois issu d’une fusion en 1999 entre le Germinal Ekeren et le Beerschot. Et aujourd’hui à la ramasse au classement. Jusque-là, tout le monde suit. Mais on décroche dès qu’il est question de la situation extra-sportive actuelle. Pour résumer : le GB n’est plus qu’une république bananière dont tous les cadors (présumés ou autoproclamés) se tirent dans les pattes depuis plusieurs mois. C’est le nouveau terrain de jeu de JackyMathijssen après le séjour rocambolesque de Glen De Boeck. La presse flamande qui suit le club au quotidien est unanime quand elle écrit sur le  » petit géant  » anversois : elle condamne le fonctionnement de ce panier de crabes, évoque un nid de guêpes et un état d’opérette, parle d’un Germinal Beerschot dans l’impasse, fait allusion à des batailles d’egos, fustige le jardin d’enfants, décrit des tentatives de putsch, regrette qu’il n’y ait plus aucun fair-play au Kiel, etc. Enquête dans le Grand Bazar.

Verhaegen, Snelders, affaires de famille : qui est qui ?

Au Kiel, le  » clan Verhaegen  » est une petite armée. Jos Verhaegen a été président du club, il a cédé cette casquette à Herman Kesters en octobre 2008 et il est toujours président d’honneur. Albert Verhaegen, son frère, est vice-président d’honneur. Et Peter Verhaegen, fils de Jos, a une fonction dirigeante. Toujours dans la famille, il y a encore Gunther Hofmans, beau-fils de Jos Verhaegen. Hofmans est une icône du foot anversois, il a joué près de 350 matches et marqué près de 140 buts pour le Germinal Ekeren et le Germinal Beerschot. Il est directeur sportif du club. Et ancien petit rapporteur, chargé de raconter à son cher beau-père tout ce qui se disait et tramait dans le vestiaire.

Autre famille : les Snelders. Dans les années 90, c’est avec René Snelders et les Verhaegen aux commandes que le Germinal Ekeren était devenu une valeur sûre du foot belge. René Snelders est actuellement vice-président du Germinal Beerschot. Il est le père d’ EddySnelders (près de 600 matches en D1, ancien adjoint chez les Diables) qui a été récemment cité pour entrer dans le comité du club avec de hautes responsabilités. Il a même été question qu’il en devienne le président. Mais il a finalement annoncé qu’il n’était pas intéressé. Les Verhaegen et les Snelders ont un lien : la firme de construction Versnel (la première syllabe de leurs noms respectifs) que papa Jos et papa René dirigent et pour laquelle le beau-fils Gunther Hofmans et le fils Eddy Snelders travaillent.

Qui dirige le club aujourd’hui ?

Bonne question dont les principaux intéressés ne connaissent eux-mêmes pas clairement la réponse. Voici un aperçu de la situation aujourd’hui. Vous avez une aspirine sous la main… ?

Chronologie.

Jos Verhaegen, Albert Verhaegen et René Snelders détiennent 54,5 % des actions du GB. Ils ont pris cette majorité quand l’Ajax s’est désengagé en 2004.

Un industriel qui vit dans l’ombre et n’assistait que rarement aux réunions de la direction, Xavier Painblanc, possédait 44,15 % des parts jusqu’il y a peu. Il travaillait avec Patrick Vanoppen, qui est ainsi entré dans la gestion du club en 2008. On lui confie alors les dossiers liés aux infrastructures. Vanoppen est propriétaire de terrains sur le site de Petroleum Zuid, où doit être construit le futur stade du Germinal Beerschot. Un stade qui doit être partagé avec l’Antwerp, c’est une exigence de la Ville. Mais Vanoppen est un anti-Antwerp acharné et il veut une enceinte réservée au seul GB. Le clan Verhaegen ne partage pas son avis et préfère un stade partagé, ce qui permettrait un important financement de la Ville (50 millions). Vanoppen est finalement dégommé. Aussi parce qu’il n’aurait pas honoré certaines promesses financières vis-à-vis du club.

Le reste des parts (environ 1 %) est détenu par trois hommes, dont le président Kesters. C’est pour cela qu’on a au Kiel un président qui n’a pas grand-chose à dire.

Fin novembre dernier, coup de tonnerre à l’assemblée générale des actionnaires. Viré par la porte, Vanoppen réapparaît par la fenêtre. Il s’installe dans la salle alors que personne ne l’attendait et annonce qu’il a racheté les parts de Painblanc. Il détient donc subitement 44,15 % des actions. Les Verhaegen sont sur le cul et refusent dans un premier temps de valider ce changement d’actionnaire. Mais tout a été fait légalement – même si on s’interroge sur la provenance des fonds de Vanoppen – et ils doivent s’incliner. Il faut ensuite débattre de l’avenir de Glen De Boeck. Vanoppen, toujours proche de Kesters (ils ont toujours eu la même opinion sur la nécessité d’avoir un stade pour le seul GB), est un partisan de ce coach. Si le président et Vanoppen votent pour son maintien, De Boeck restera T1.

Un drôle de petit jeu se passe alors : le clan Verhaegen propose à Vanoppen de racheter une partie de ses parts, histoire de le cantonner dans l’ombre. Vanoppen refuse et un autre marché se fait : il peut racheter des parts aux Verhaegen et Snelders, et devenir ainsi actionnaire majoritaire et nouveau grand patron. A une condition : il doit voter pour le C4 de Glen De Boeck. Il le fait et quitte ainsi le camp Kesters. Vanoppen, actif dans l’immobilier, essaye actuellement de rassembler l’argent pour procéder à ce rachat : il aurait besoin entre 4 et 5 millions, à déposer au plus tard sur table pour ce mercredi 15 décembre. Auquel cas, il sera le nouveau numéro 1 au Kiel.

Glen De Boeck a donc servi de monnaie d’échange dans un deal qui se passait au-dessus de sa tête. On dit aussi que, pour pouvoir racheter des parts au clan Verhaegen, Vanoppen aurait dû promettre de voter prochainement pour la mise à l’écart de Kesters, dont le mandat de président expire de toute façon en été 2011. Mais il risque donc de sauter avant cette date. Il est en tout cas, plus que jamais, seul contre tous.

Verhaegen semble disposé à faire un pas de côté. Il y a quelques jours, il a déclaré :  » Le foot m’a empêché de dormir pendant 35 ans mais c’est fini. Il y a des gens qui cherchent à me mettre dehors, ainsi que René Snelders, depuis la fusion entre le Beerschot et Ekeren. Mon c£ur est toujours dans le club mais je suis prêt à prendre mes distances. « 

Et une possible nouvelle tête est citée dans la presse anversoise : Mogi Bayat rejoindrait prochainement le Germinal Beerschot, amenant avec lui quelques sponsors assez lourds. Des agents de joueurs seraient impliqués dans le processus.

Pourquoi De Boeck était condamné d’avance ?

Le jour où Glen De Boeck a signé son contrat de trois ans, ça sentait déjà mauvais pour lui. Il avait été débauché au Cercle de Bruges par Kesters. Les Verhaegen étaient d’accord sur le choix, mais du bout des lèvres seulement. Hofmans, lui, était tout à fait contre. Et même pas vraiment au courant que les négociations progressaient bien. Au moment où De Boeck était présenté à la presse, le directeur technique négociait avec Hugo Broos ! Il n’était pas à cette présentation. Et il a aussi brossé le fan-day, en riposte à cette décision qu’il ne digérait toujours pas.

De Boeck et Hofmans ont ensuite essayé d’être adultes, de collaborer comme un T1 et un DT doivent le faire. Mais leur relation est vite devenue glaciale. Pendant l’été, Hofmans a fait venir des joueurs en test, dont quatre Marocains. Dans un premier temps, De Boeck n’a même pas voulu qu’ils mettent un orteil sur le terrain d’entraînement. Il les a finalement essayés mais les a – évidemment – jugés insuffisants. Idem avec d’autres joueurs proposés par Hofmans. Le coach réclamait sans arrêt des renforts, signalait que la direction lui avait promis d’amener plusieurs joueurs, sous-entendait qu’il avait été trompé sur la marchandise. L’équipe a pris un départ catastrophique mais rien n’a bougé en août, et le lendemain de la fermeture du mercato, De Boeck ne s’est pas présenté à l’entraînement. Pour manifester son ras-le-bol. Le Germinal Beerschot avait deux points sur 15 mais la direction avait ses arguments :  » Avec les mêmes joueurs, on jouait le podium il y a moins d’un an.  » Autre clash avec Gunther Hofmans : un jour où le DT lui demandait comment allait jouer son équipe quelques heures plus tard en championnat, De Boeck lui a répondu :  » A onze.  » Clap de fin dans leur cohabitation. Et même dans le  » clan Verhaegen « , l’entraîneur avait du vent contraire. René Snelders lui aurait reproché dès le départ de ne pas avoir beaucoup fait jouer son… petit-fils Kristof (fils d’Eddy) autrefois au Cercle de Bruges, et aussi d’avoir bloqué son transfert à Courtrai alors que son horizon était bouché chez les Vert et Noir.

Autre sujet de discorde : la composition du staff. De Boeck est un vrai pro, il exige une équipe compétente à tous les niveaux (préparation physique, suivi médical, etc). Il a aussi demandé l’autorisation de faire venir un psychologue. Pour Jos Verhaegen et René Snelders, de la toute vieille école, c’était inconcevable. Ils s’opposent même à un stage à l’étranger, sous prétexte que ça coûte cher et que ça ne sert quand même à rien. Leur raisonnement :  » On n’a pas fait tout ça dans le temps à Ekeren et on a fait des bons résultats.  » Le coach a quand même appelé un psy : l’ancien athlète professionnel Nathan Kahan. Il s’est retrouvé dans un car avec l’équipe un jour de match. La direction n’était au courant de rien. Quand elle l’a appris, elle a donné deux semaines à De Boeck pour s’en débarrasser.

Bref, Glen De Boeck a très vite compris qu’il ne pourrait pas vivre comme au Cercle, en étant l’unique patron sportif. Là-bas, il avait peu de comptes à rendre et on lui foutait une paix royale. Au Beerschot, il y avait régulièrement l’un ou l’autre dirigeant qui rôdait autour du terrain d’entraînement et espionnait tout. De Boeck ne l’a jamais supporté. Et il l’a clairement dit à Jos Verhaegen, assidu de ces séances et qui estimait toujours que les joueurs n’en faisaient jamais assez.

Comment De Boeck a été viré ? Et touchera-t-il son dû ?

Un soir de début novembre. Réunion au sommet dans un bureau du Kiel. L’avenir de Glen De Boeck passe au vote. Cinq voix pour son C4, une seule (celle du président) pour son maintien. Il reste quand même. Le clan Verhaegen aurait eu peur que Kesters les attaque en justice s’ils limogeaient l’entraîneur.

Un soir de fin novembre. De Boeck fait la file à une friterie anversoise. Un de ses adjoints l’appelle pour l’informer qu’il vient d’être viré. Quand il rentre chez lui, il y a un mot collé sur la porte : on le prie de prendre un courrier dans sa boîte. Ce courrier, c’est son C4 officiel, apporté par un huissier.

Encore un coach sacrifié à cause de ses résultats ? Pas si simple au Germinal Beerschot. Si la direction joue sur cette version, elle n’a plus qu’à lui verser le pactole qu’on doit à un homme encore sous contrat pour plus de deux ans et demi. Cela tournerait autour de 500.000 euros. Alors, il faut trouver un autre prétexte : ce sera l’interview donnée récemment par De Boeck dans un journal flamand. Il y traitait Verhaegen et Hofmans de menteurs. L’ex-entraîneur a annoncé qu’il attaquerait le club en justice s’il ne touchait pas très vite son dû. Si on en arrive là, la fameuse interview ( » faute grave « ) sera la seule ligne de défense du club, qui s’abstiendra d’évoquer la 13e place du GB au moment du limogeage.

Glen De Boeck a continué à s’épancher dans les journaux après avoir dû vider son bureau. Il a notamment dit :  » Je savais que le Germinal Beerschot était un club spécial mais je ne savais pas que c’était aussi grave. J’ai connu beaucoup de choses dans ma carrière, mais encore jamais des trucs pareils. Quand j’ai accepté de signer dans ce club, j’ai pris une décision impulsive. La première de ma vie. Je pense que ce sera aussi la dernière.  » Pour lui, il est clair aussi que  » la situation extra-sportive a eu une incidence sur le rendement des joueurs.  » Mais encore :  » Mon limogeage permettra peut-être de résoudre 10 % des problèmes. Il en reste 90 % à solutionner. « 

PAR PIERRE DANVOYE

Viré en 2008, Patrick Vanoppen a racheté 44 % des actions du club en secret et pourrait devenir le nouveau numéro 1 fin décembre.

De Boeck réclame 500.000 euros, le club va invoquer la faute grave pour ne pas débourser.

 » Je savais que le Germinal Beerschot était un club spécial mais je ne savais pas que c’était aussi grave.  » (Glen De Boeck)

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