Georgette ne veut plus voir les murs s’envoler

–  » Fais pas ça « , conseillait Georgette.  » Rappelle-toi ton idée de génie sur coups de coin défensifs en 2006 : tu as planté un défenseur au beau milieu de la ligne de but, et deux défenseurs au lieu d’un à chaque poteau ! Pour que, disais-tu, s’épanouissent les pulsions aériennes de ton gardien : lequel, libéré, cueillerait davantage de ballons ! Pauvre homme, il a surtout cueilli les pâquerettes : en dix matches, il s’est pris douze buts sur corner ! Je me souviens qu’au douzième, comme un Diablotin trop troué, il pleurait dans ses gants toutes les larmes de son corps…  »

Marcel n’en démordait pas, les murs sur coup franc l’obsédaient ! L’an dernier, son équipe avait ramassé 16 buts sur pareille phase… et la guigne se poursuivait cette saison ! Il était urgent d’agir, Marcel avait agi. Hier à l’entraînement, il avait annoncé que dorénavant, pour s’opposer à tout coup franc axial, il n’y aurait plus de mur : mais 10 joueurs sur la ligne de but, et le gardien devant eux à hauteur du petit rectangle : on allait voir ce qu’on allait voir !

–  » Fais pas ça, Marcel ! Si tu en as tant ramassés l’an dernier, c’est parce t’as une équipe de serial killers, l’arbitre ne sait plus où donner du sifflet ! Faut bien que quelques-unes des multiples pénalités concédées soient finalement converties ! Ensuite… « , expliquait Georgette.

– » Quand on termine un entraînement par un concours de coups francs SANS mur, rares sont les frappes que mon gardien laisse entrer ! « , interrompit Marcel.

– » Beaucoup sont-elles cadrées ? La technique de tes joueurs n’est peut-être pas à la hauteur de leur viri… « 

– » Je prétends qu’en général, les frappeurs trouvent au moins autant les lucarnes grâce au mur que malgré lui ! Le mur bouche la vue du gardien, enlevons-le ! Sais-tu qu’à l’origine, le coup franc était appelé franc, FREE KICK, parce que la frappe accordée devait être libre de toute obstruction ? ! Eh bien, au fil des ans, avec ce mur qui masque et dévie par hasard, le coup n’est plus franc du tout,… c’est devenu un coup fourré ! « , explique Marcel.

– » Radotages ! Tu ne dirais pas la même chose si Noiseux-sur-Berwette comptait en ses rangs un Juninho de province ! Et pour ce qui est d’encaisser moins, commence par ne plus dire à ton mur de sauter ! « , clama Georgette.

– » Au top, certains murs sautent… « , objecta Marcel.

–  » Retire ton nez des étoiles et fourre-le dans ton caca rural ! D’abord, un mur qui gigote, ce n’est pas un mur. Ensuite, à quoi sert que ton gardien place ses défenseurs au milli-poil pour rendre le mur introuable si, l’instant d’après, ces gars-là sautent comme des pantins désarticulés en ouvrant des boulevards, sous eux et entre eux ! Enfin, et si je puis me permettre cet avis bien que n’étant que faible femme… « 

–  » Au point où on en est, poursuis, coacheuse… « , soupira Marcel.

–  » En les faisant sauter, tu les fragilises ! Quand on envoie un homme au feu (et intégrer un mur, avec les frappeurs fous qu’il y a parfois en face, c’est devoir aller au feu !), ce qui compte avant tout pour lui, c’est se préserver les roubignolles ! Bien campé sur ses guibolles, ça peut aller, ses mains les protègent ! Mais s’il doit sauter, ses mains s’envolent n’importe où, ses choses sont exposées, et les chocottes l’envahissent alors qu’il aurait besoin de toute sa lucidité. C’est pas bon ! « 

– » Vu sous cet angle, t’as pas tort,… à croire que t’en as ! Cela m’avait échappé… « 

–  » Et ça échappe aux arbitres, eux qui ont toutes les peines du monde à maintenir un mur à distance,… eh bien, si j’étais referee, je dirais simplement : -Messieurs, plus vous serez éloignés du frappeur, moins votre service/trois pièces risque la mutilation ! Tu les verrais reculer tous comme des agneaux… « , fanfaronna Georgette.

–  » T’as pas tort. Demain, je dirai aux gars que j’ai bien réfléchi et qu’on en revient au mur traditionnel : studs en terre, mains qui dressent un mur devant les roupettes ! Mais ça reste entre nous, hein ? ! Le jour où le bruit se répand que ma femme dicte la tactique, je suis plus mort qu’avec une balle dans les roustons ! « , lança Marcel épaté.

– » Pas un mot, vieux stratège. Promis-juré. Les murs ont des oreilles… « 

par bernard jeunejean

Sur coup-franc, vive le mur traditionnel : studs en terre et mains devant les roupettes !

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