Georgette et LES LIVRES DE POSH

En gardant le nez dans la gazette Marcel rigola grassement :  » Wa ha, ha, t’as vu Victoria Beckham ? Elle a osé avouer n’avoir jamais lu un bouquin de sa vie ! Alors qu’elle a publié son autobiographie, cette conne, t’imagines : une bonne femme qui parvient à écrire sans lire ! C’est plus fort que si son mec parvenait à mettre un coup franc au fond sans toucher le ballon ! Ou que s’il dribblait six mecs dans un mouchoir de Posh ! Wa ha, ha !  »

–  » Arrête de suite avec ce potin, Marcel, ou je pète les plombs au quart de tour « , menaça froidement Georgette, qui gardait son nez à elle dans un vrai livre avec des pages.  » Vis-à-vis de Victoria, tous autant que vous êtes, braillards de buvettes, vous êtes de gros machos nuls  »

–  » Hein ? Quel match nul ? », questionna Marcel, soudain tiré de sa lecture par deux des mots de sa vraie vie, qu’il avait cru identifier.

Mais à cette moue de sa femme qu’il ne connaissait que trop, à ce battement de cils de Georgette qui signifiait si bien  » Seigneur Dieu, quel péché ai-je commis jeune fille pour que tu me fasses épouser un débile si profond ? », Marcel comprit qu’il avait mal compris et replongea dans sa gazette…

–  » Wa ha, ha « , réexprima-t-il très vite, car sa lecture l’amenait à la félicité littéraire.  » C’est vrai, j’oubliais qu’en plus, DavidBeckham avait déjà écrit deux autobiographies… que son épouse épicée n’a donc pas lues non plus ! Ca ne manque pas de sel ! Wa ha, ha !  »

– – » Deux autobiographies ? L’une pour raconter sa vie avec femme et enfants, l’autre pour raconter celle avec ses pouffes, je suppose ? », commenta Georgette qui ne pouvait pas encadrer le bellâtre ex-mancunien.

–  » Mais tu m’agresses comme je l’ai rarement été sur un terrain !  » constata Marcel, ahuri.  » Je fais quelque chose de mal en lisant tranquillement ? »

–  » J’agresse dans le bon sens du terme, mon amour… Pour te dire qu’à part ta lecture de jeu, qui fut brillante et le demeure, tu n’as jamais lu plus que Victoria ! « , asséna Georgette.  » Et tu es loin d’être le seul, dans le genre bipède à crampons ! Et c’est bien cela qui m’irrite dans vos sarcasmes à tous vis-à-vis de cette malheureuse fille : le monde du foot se gaussant de l’inculture de Victoria Beckham, c’est le monde à l’envers !  »

–  » Mais… j’ai toute une bibliothèque, et j’ai tout lu ! « , riposta Marcel penaud en désignant tout un pan de mur du salon.

De fait, sur le pan, en versions multiples, La grande histoire du football belge côtoyait La fabuleuse histoire du football tout court : ce qui prenait peu de place parmi quelque quatre cents biographies, soit la quasi-totalité de ce que l’édition footballistique internationale avait pu pondre en français depuis 1960. Y figurait même une très obscure biographie d’ EricKrol et MarcDelire commise en 1999, c’est dire que Marcel était proche de l’exhaustivité dans le genre…

– » Mon pauvre mari… Ce ne sont pas vraiment des livres, ce n’est pas de la LIT-Té-RA-TU-RE ! « , scanda Georgette à la fois geigneuse et agacée.  » Il y a un monde entre écrire ça et écrire tout court, entre lire ça et lire vraiment ! C’est justement ce qu’a au moins compris Victoria Beckham et que tu ne comprendras jamais : si ça tombe, ces parallélépipèdes rectangles que tu CROIS être des livres, Posh en a consommés autant que toi ! Mais elle, au moins, elle n’en a peut-être jamais lu, mais elle sait ce qu’est un LIVRE ! Et elle est lucide par rapport à ses points faibles ! Elle est honnête ! Elle est modeste !  »

–  » Ce n’est pas une raison pour gueuler et m’engueuler « , coupa sèchement Marcel, vu que Georgette finissait par lui courir dur sur le haricot.  » Et je suppose que Madame Georgette, elle, qui n’est évidemment pas une connasse à crampons, est en train de lire de la littéraaatuuure ! ? C’est de qui et ça raconte quoi, ton chef-d’£uvre ? », questionna-t-il belliqueux, en désignant du regard le bouquin de sa vieille.  » Lis un passage, que je puisse vérifier à quel point je suis trop con et trop footballeur pour comprendre !  »

–  » C’est de PaulClaudel « , minauda Georgette qui, parfois, ne se prenait pas pour de la merde.  » Ce fut un grand écrivain. Il raconte sa conversion, une nuit de Noël à Paris, alors qu’il est debout près d’un pilier de la cathédrale Notre-Dame. Je lis la suite ? »

– » Vas-y, bigote ! « , pensa Marcel en acquiesçant d’un regard sombre…

(à suivre)

Bernard Jeunejean

 » Tous autant que vous êtes, BRAILLARDS DE BUVETTE, vous êtes de GROS MACHOS NULS  »

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