GEORGES HEYLENS ET FRANCISCO GENTO

 » Son aisance technique n’avait d’égale que sa fabuleuse vitesse de course « .

 » Le maillot qui m’a le plus marqué, c’est celui que j’ai hérité de Francisco Gento après une joute mémorable entre le Real Madrid et Anderlecht au premier tour de la Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1962-63. A l’époque, les Madrilènes dominaient le football continental de la tête et des épaules avec une pléiade de vedettes plus fortes encore, à mes yeux, que la génération actuelle. Du gardien José Vicente au fabuleux all rounderAlfredo Di Stefano en passant par Ignacio Zoco, les Merengue comptaient non pas cinq Galacticos, comme aujourd’hui, mais tout bonnement onze. Personnellement, en tant que back droit, j’étais appelé à affronter un ailier gauche mythique : Francisco Gento.

Son aisance technique n’avait d’égale que sa fabuleuse vitesse de course. S’il n’avait été footballeur, Paco aurait à coup sûr pu faire carrière en athlétisme, dans les épreuves de sprint. On prétendait qu’il se déplaçait plus vite, balle au pied, que son adversaire direct sans le ballon. Avant ce match, tout le monde disait que je devais m’attendre au pire face à un artiste pareil. Finalement, tout s’est fort bien passé pour moi. Non seulement, nous avions obtenu un résultat inespéré à Chamartin û trois buts partout û mais de surcroît j’avais mis mon prestigieux vis-à-vis dans ma poche. Un scénario qui allait d’ailleurs se répéter au match retour avec, pour conséquence, l’élimination du prestigieux club espagnol, d’entrée de jeu, sur la scène européenne, grâce à un but d’anthologie de Joseph Jurion.

Dans l’optique de ce double affrontement, j’avais été formidablement aidé à la fois dans la coulisse et sur le terrain. Pour contrer les deux ailiers, Amaro Amancio et Francisco Gento, le coach Pierre Sinibaldi avait dérogé à ses sacro-saintes habitudes en s’adaptant aux qualités de l’opposant. Dans mon couloir, je bénéficiais d’un premier rempart, Jean-Pierre Janssens, pour endiguer les raids dévastateurs de Gento, tandis que mon homologue au back gauche, Jean Cornélis, pouvait compter sur le précieux concours de Wilfried Puis afin de museler Amancio, l’autre terreur du Real. Une double couverture qui s’imposait réellement si on voulait faire un résultat.

En d’autres circonstances, j’ai pu mesurer combien un défenseur pouvait parfois se révéler complètement démuni quand une collaboration adéquate n’était pas assurée. J’en ai fait l’expérience lors de l’un de mes premiers matches en sélection nationale, en 1961. Nous devions croiser le fer avec les Pays-Bas, dans la cuvette de Feyenoord, à Rotterdam et, à cette occasion, l’homme que j’étais censé museler n’était autre que le diabolique numéro 11 local, Coen Moulijn. Le coach, Arthur Ceuleers, n’avait pas voulu prendre les précautions d’usage cette fois-là et, au même titre que les Diables Rouges, vaincus 6-2, je fus particulièrement malmené par l’idole du Kuip.

Contrairement à Francisco Gento, qui tablait sur une accélération peu banale, le Hollandais avait un style plus ondoyant, passant sans ambages de son pied gauche magique à son droit, tout aussi déroutant. Un peu à la manière d’un certain Robby Rensenbrink que j’ai connu en fin de carrière. Mais celui-là, l’un des plus doués de tous les temps à son poste, était heureusement mon coéquipier au Sporting « .n

par Bruno Govers

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