Genk : « La clarté surprend »

Grâce à Sef Vergoossen, on suit à nouveau les Limbourgeois à la loupe.

PLus d’une fois, pendant l’interview, Sef Vergoossen explique sa tactique au tableau noir. On comprend pourquoi ses joueurs vantent sa clarté. Le collectif prime, sans que l’entraîneur néglige les spécifités de ses hommes.

Quel regard portez-vous sur la préparation?

Sef Vergoossen: Nous nous sommes entraînés en fonction d’objectifs, sans cesser de progresser. J’ai affiché le programme tout entier, en grand, dans le vestiaire: où nous allions jouer, l’importance des matches, les entraînements. J’ai programmé quelques rencontres difficiles précédées chaque fois de quatre ou cinq jours d’entraînement, pour pouvoir travailler certaines choses. Des intervalles trop courts entre les matches empêchent de faire du bon boulot, puisqu’on doit récupérer des efforts consentis. Il ne faut pas oublier le repos. Je l’ai expliqué aux joueurs: ils doivent profiter de leurs moments de liberté -souvent le week-end-, pour faire quelque chose en famille. S’ils vont rouler 50 km à vélo, ils seront tôt ou tard épuisés. La discipline de ce groupe m’a frappé. Noir, c’est noir, blanc, c’est blanc.

La mentalité a pourtant constitué un problème la saison passée.

Un entraîneur en est responsable. La structure professionnelle du club m’a surpris, d’un point de vue purement technique. C’est unique. Je n’attache pas beaucoup d’importance au concept de capitaine. Il est certes mon premier partenaire de discussion mais chacun a sa part de responsabilités, sur le terrain et en-dehors. Et porter le matériel n’est pas uniquement dévolu aux réservistes. Tout le monde s’y met! Chacun prend ce qui se trouve devant lui. Sans rechigner. Ça m’a surpris car j’avais entendu d’autres rumeurs… Je suis dans ce milieu depuis 22 ans. J’ai eu de chouettes clubs: VVV, MVV et Roda, mais ce n’était pas pareil. Ici, le responsable du matériel gonfle les ballons. Aucun n’est trop mou.

Calme sur le banc

On dirait que rien ne peut mal tourner, cette saison…

Ce dont vous êtes maître doit être bon mais vous êtes impuissant une fois le match commencé. Je suis donc assez calme sur le banc. A part ces nonante minutes, j’ai tout en mains. On peut tout au plus préparer les hommes au match, veiller à ce qu’aucune erreur évitable ne soit commise. Le style de jeu doit être soigné.

Que voulez-vous changer?

L’organisation et la vitesse d’exécution sont bonifiables, comme la vitesse avec laquelle on passe de la perte de balle à la récupération. Sans oublier les changements de rythme, mais c’est une autre paire de manches. Il faut conserver le ballon et accélérer. L’équipe est parfois encore empreinte d’un brin de crainte. Si vous convenez que vous allez exercer une pression vers l’avant, depuis la défense et qu’ensuite, la première ligne court vers l’avant et la dernière vers l’arrière, vous avez un immense trou. Si des longs ballons échouent dans cette brèche alors que nous courons, nous pouvons encaisser un but.

Wilfried Delbroek n’est pas des meilleurs à la relance et Didier Zokora est souvent impulsif.

Je trouve que Wil a un passing honnête. Il doit simplement retrouver confiance et plus oser. Il a été le premier à me convaincre, à l’entraînement. C’est heureux car Ervin Fakaj a été contraint de repartir à zéro à cause de blessures et je ne veux pas le casser en l’obligeant à reprendre trop vite. Il faut exploiter les qualités de Didier: il doit s’infiltrer. A condition que Josip Skoko et Bernd Thijs reculent et fassent de bonnes passes.

Chaque poste doit remplir certaines tâches pour assurer l’équilibre général. Dans un entrejeu à quatre, comme le nôtre, les joueurs latéraux et les arrières montent. Il faut donc des joueurs aptes à non seulement demander le ballon dans les pieds mais à jouer en profondeur. Ça requiert des qualités physiques et mentales. Ils doivent s’entraider.

Ne rien forcer

Quel est le niveau des transferts?

Justice Wamfor est très motivé. Il maîtrise bien le ballon, repère ceux qui vont effectuer une passe. Mirsad Beslija sait déceler les brèches. Sa vista est précieuse. Ervin Fakaj doit surtout acquérir le rythme des matches. Il est fort de la tête. Rogerio aime avoir le ballon mais à sa place, notre style de jeu implique qu’il réalise une action une fois et que les trois fois suivantes, il soutienne les autres. Il y travaille. On ne peut déterminer les limites d’un joueur mais Dagano est costaud et ouvert à tout. A son arrivée, il a eu quelques problèmes car il fonçait trop. Il n’a que 19 ans. Reste une question: combien de temps les jeunes tiendront-ils cette saison? Il y a Rachid Tibari, Vander Elst, Coppens… Ils sont vraiment doués. Je leur ai dit: -Ne forcez pas, essayez de vous rapprocher de la moyenne du groupe durant le premier tour. Ce matin, nous avons entamé l’entraînement à neuf heures trente et nous sommes rentrés à midi moins dix. Nous avons repris à deux heures trente mais à quatre heures moins le quart, plus rien ne nous réussissait. Ils ont paniqué. Je leur ai rappelé qu’ils payaient le contrecoup de leurs efforts mais que c’était un investissement.

Je l’espère. Je parle beaucoup aux joueurs car ils doivent savoir ce que j’exige d’eux. Je peux aussi leur expliquer ce qu’ils ont bien ou mal fait. Quand ça marche, je peux être plus bref. Se répéter n’a pas de sens. Je ne dois donc pas raconter grand-chose à notre sujet. Je m’attarde sur l’adversaire mais nous devons avoir une organisation capable de s’occuper d’un adversaire, qu’il aligne un, deux ou trois avants. Je donne des indications mais nous sommes maîtres de notre jeu.

Jouer son jeu

Genk ne doit donc pas s’occuper de l’adversaire.

Quel que soit votre système, vous pouvez perdre ou gagner si vous l’appliquez mal. On peut perdre avec une tactique fixe mais sur l’ensemble du championnat, on tire avantage de ce système car les joueurs s’appuient sur des automatismes.

Si on modifie la tactique, un tas de joueurs reçoivent d’un coup d’autres tâches et je dois tout recommencer à zéro. Par exemple, deux attaquants qui jouent côte à côte ou l’un derrière l’autre ont un tout autre rôle. Je n’aime donc pas tout bouleverser en alignant d’un coup trois avants. L’aspect-surprise d’une tactique doit être sa clarté. C’est comme ça que nous sommes les plus forts.

Les résultats leur ont donné tort mais on raconte qu’une partie des supporters de Roda s’est retournée contre vous car votre équipe était trop prévisible et jouait sans prendre de risques.

Le noyau dur, une vingtaine de personnes, s’est retourné contre moi. Les autres regrettaient mon départ. Roda avait trop de médians: six joueurs pour deux positions. Parmi eux, Doomernik, la figure de proue du club, âgé de 29 ans et sous contrat pour deux ans encore. Je m’attendais à des problèmes. Je lui ai dit qu’il aurait sa chance mais que le meilleur jouerait. Il a fait du foin dans son cercle -il ne s’asseyait pas dans la tribune mais restait debout au milieu des supporters- et dans le journal du club.

Il faut également parler du style de jeu. L’année précédente, mon équipe me permettait d’exercer un pressing rapide et opportuniste, avec entre autres Van de Luer, Valgaeren, Peeters, Van Hout et Nygaard. Puis j’ai reçu Anastasiou, Soetaers, Van Dessel, Vandenbroeck, d’autres types de joueurs. Je ne pouvais leur demander la même chose: en deux mois, ils auraient été vidés. Je n’exige que ce dont les footballeurs sont capables. Nous avons produit un jeu soigné avec moins d’opportunisme et de sensations.

Je tiens les mêmes propos ici. Nous marquons, mais Wesley Sonck ne doit pas paniquer s’il ne parvient pas à approcher le but en vingt minutes. Il doit jouer comme nous en avons convenu, comme nous nous y sommes entraînés. Donc, ne pas monter sur le terrain en pensant devoir marquer à tout prix.

Raoul De Groote

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